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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner devant le Comité. C'est vraiment un honneur et un privilège pour moi de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Clayton Achen. Je suis un associé fondateur du cabinet de comptables agréés Achen Henderson, à Calgary. Vu mon domaine de pratique, mon intérêt pour le projet de loi porte principalement sur son incidence fiscale, plus précisément sur l'imposition des entreprises privées et des petites entreprises et de leurs propriétaires. Ce qui retient avant tout mon attention, ce sont les lacunes du projet de loi C-97.
Dans notre cabinet de comptables, notre travail quotidien nous met en contact direct avec des familles de la classe moyenne, propriétaires de petites entreprises. Cela nous a permis de comprendre mieux que la plupart des gens à quel point il est difficile pour les entrepreneurs de gagner leur vie. Nous voyons aussi à quel point il est devenu facile pour notre gouvernement de prendre leur argent durement gagné, parfois sous le couvert de l'équité, mot astucieux qui fait fi des risques et des difficultés que doivent affronter les entrepreneurs.
Je vais prendre quelques minutes pour parler de certains de leurs plus récentes difficultés, notamment les défis économiques, l'augmentation des impôts, l'accroissement de l'incertitude et du fardeau d'observation de la loi et les difficultés à traiter avec l'ARC et à naviguer dans notre régime fiscal. Je ferai ensuite quelques brèves observations sur la nécessité impérieuse pour le Canada de se doter d'un régime fiscal moderne. Je terminerai par des réflexions sur quelques-uns des aspects commerciaux du projet de loi .
On ne saurait trop insister sur la complexification de notre régime fiscal depuis 50 ans, c'est-à-dire depuis sa dernière réforme. Les trois derniers budgets ont alourdi encore davantage le fardeau d'observation de la loi qu'ont à supporter les petites entreprises canadiennes. Bien que je sois heureux que l'assaut contre les sociétés privées et leurs actionnaires semble s'être calmé en 2019, je suis déçu que le projet de loi ne contienne presque rien pour les aider.
Ce que nous constatons, surtout dans ma province, l'Alberta, c'est que les entrepreneurs ont été aux prises avec d'énormes difficultés au cours des cinq dernières années, mais en particulier depuis trois ans et demi.
En Alberta, certains petits entrepreneurs ont réussi à survivre au ralentissement prolongé de l'activité économique, quoiqu'ils aient reçu très peu d'aide de nos gouvernements. Beaucoup ont simplement fermé leurs portes et ont perdu leur gagne-pain.
Pour toutes les petites entreprises canadiennes, les coûts d'observation de la loi ont monté en flèche à la suite des modifications apportées aux règles sur les dividendes intersociétés, à l'impôt sur le revenu fractionné et aux règles sur le revenu de société déterminé et sur les associations, des changements apportés à la déclaration du revenu des fiducies familiales et de l'introduction de nouvelles pénalités pour épargne excessive dans une entreprise, quelle qu'en soit la raison.
Beaucoup de nos clients fortunés ont augmenté leur tolérance au risque dans leurs stratégies de planification fiscale et ont réduit leur tolérance aux risques économiques. Beaucoup d'entre eux retirent leurs avoirs du Canada.
Il s'agit en grande partie d'un effet secondaire direct de la tentative malvenue et mal conçue de réforme fiscale, annoncée le 18 juillet 2017, visant les sociétés privées et leurs actionnaires. De plus, toutes les entreprises, y compris les petites, subiront une forte hausse de leurs cotisations au RPC pendant les sept prochaines années.
Selon des recherches menées par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, on demande maintenant aux petites entreprises canadiennes d'assumer près de la moitié de la taxe fédérale sur le carbone, ce qui fait augmenter le coût de tout — et je dis bien de tout —, tout en recevant des rabais disproportionnellement faibles.
Dans bien des cas, afin d'assurer leur viabilité, les petites entreprises ont cherché à répercuter ces coûts sur les consommateurs. Souvent, c'est tout simplement impossible. Il en résulte une iniquité entre sociétés, les petites entreprises étant tout simplement incapables de soutenir la concurrence de grandes sociétés et de multinationales, mieux placées ou mieux équipées pour assumer cet accroissement des charges fiscales et du fardeau d'observation de la loi.
Je vous fais part aujourd'hui de ces réflexions non pas pour me plaindre, mais plutôt pour bien faire ressortir que les propriétaires de petites entreprises de la classe moyenne partout au Canada sont aux prises avec des difficultés réelles, précipitées et constantes et que le projet de loi leur apporte très peu d'aide ou d'encouragement.
Un autre problème concerne les niveaux de service de l'ARC. Je peux confirmer la justesse du rapport de 2017 du vérificateur général, quand il dit qu'il est très difficile de joindre l'ARC par téléphone et encore plus difficile d'obtenir une réponse complète et exacte. Nous en faisons l'expérience tous les jours. À Achen Henderson, nous avons été obligés, pour cela, d'accroître nos niveaux de service et nous avons choisi de le faire sans frais supplémentaires pour nos clients.
Bien que je sois tout content de ma nouvelle passion pour la musique de chambre et encouragé par le fait que le gouvernement reconnaît le problème, nous devons nous demander si les mesures contenues dans le projet de loi représentent l'approche voulue. Quoique que l'ARC ait fait des progrès pour être plus accessible et conviviale en ligne, nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi l'ARC a besoin de cinq fois plus d'employés par habitant pour administrer notre système fiscal que l'Internal Revenue Service, l'IRS aux États-Unis et que de nouvelles embauches sont annoncées dans le budget fédéral de 2019.
En nous fondant sur notre vaste expérience des relations avec l'ARC et de l'aide à de nombreuses organisations qui ont connu des difficultés semblables, nous en sommes venus à croire que les problèmes de l'ARC tiennent à sa culture. Une culture déficiente se traduit immanquablement par des goulots d'étranglement opérationnels. Ces goulots d'étranglement sont amplifiés du fait de notre régime fiscal, qui est beaucoup trop compliqué pour que l'agent moyen de l'ARC ou le contribuable moyen puisse s'y retrouver, et ce problème est aggravé, à notre avis, par un manque ou une insuffisance de formation professionnelle.
Continuons. Au lieu de prendre des mesures pour moderniser notre régime fiscal afin de le rendre plus transparent, plus concurrentiel et plus facile à respecter et à administrer, le projet de loi consacre le recours par notre gouvernement à la fiscalité comme moyen de choisir des gagnants par le truchement d'allégements fiscaux accordés à divers secteurs économiques et industries. De plus, le projet de loi ne fait à peu près rien pour améliorer notre compétitivité sur le plan fiscal par rapport aux États-Unis, mais il étend plutôt au maximum le champ d'application de notre loi fiscale, en y apportant des correctifs là où il y a rupture, ce qui donne lieu à des mesures législatives impossibles à respecter et à administrer.
Cependant, tout n'est pas mauvais. Le projet de loi contient des correctifs qui sont les bienvenus, comme les améliorations apportées aux règles régissant les régimes enregistrés d'épargne-invalidité, les REEI et le revenu de société déterminé, mais je ne peux m'empêcher de me demander combien d'autres correctifs il nous faudra avant d'envisager de moderniser notre régime fiscal.
Le correctif apporté au Programme de la RS-DE est un pas dans la bonne direction. Il rendra sans doute le programme plus accessible à certaines sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC). Fort bien, cela devrait aider à rétablir un équilibre entre, d'une part, les coûts d'observation de la loi et, d'autre part, les avantages et un soutien accru. Malheureusement, ces changements ne règlent pas les problèmes d'administration du Programme de la RS-DE et ils ne concernent qu'une très faible proportion des entreprises privées au Canada.
Même si l'incitatif à l'investissement accéléré sera utile à certaines entreprises privées, notamment celles qui se portent bien et celles qui sont capables de mettre à niveau leurs équipements de fabrication et de transformation, l'équipement de production d'énergie propre et les véhicules électriques, semblent être des avantages de niche qui n'aideront que certaines entreprises privées. Nous sommes déçus que les mesures de DPA soient temporaires.
En terminant, les entrepreneurs ont beaucoup souffert ces dernières années. Beaucoup demeurent aux prises avec l'incertitude et une complexité fiscale excessive et ils ont reçu très peu de leur gouvernement en retour. Bien que le projet de loi ne leur demande pas d'en faire beaucoup plus, il n'offre pas beaucoup d'aide ou d'encouragement.
Nous avons constaté des améliorations dans les offres en ligne de l'ARC, mais très peu sur le plan des délais d'attente ou des niveaux de service, et nous nous demandons si l'approche du projet de loi pour résoudre ces problèmes est la bonne. Le projet de loi C-97 est une occasion ratée de procéder à une révision complète de notre régime fiscal, dont les objectifs fondamentaux doivent être la modernisation et la simplification.
En terminant, les mesures de DPA accélérée prévues dans le projet de loi ciblent des industries particulières et sont temporaires, et nous pensons, pour ce qui est de notre compétitivité fiscale par rapport aux États-Unis, qu'elles passent à côté de la cible.
Je vous remercie de nouveau de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Bonjour, monsieur le président, et bonjour aussi aux membres du Comité. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous présenter notre proposition en vue de l'examen article par article du projet de loi .
Je m'appelle Shannon Coombs et je suis la présidente de l'Association canadienne de produits de consommation spécialisés. Depuis 21 ans, je suis fière de pouvoir faire valoir les nombreuses réalisations de cette industrie responsable et proactive. Aujourd'hui, j'ai remis un document d'une page intitulé « Que serait la vie sans nous? » qui illustre les types de produits des membres de l'Association canadienne de produits de consommation spécialisés, l'ACPCS. Je suis sûre que vous en avez utilisés aujourd'hui même.
L'ACPCS est une association commerciale nationale qui représente 35 entreprises membres au Canada, une industrie de 20 milliards de dollars qui emploie 12 000 personnes dans 87 installations. Nos entreprises fabriquent, transforment, emballent et distribuent des produits spécialisés destinés aux consommateurs, à l'industrie et aux institutions, comme des savons et des détergents, des produits antiparasitaires domestiques, des aérosols, des désinfectants de surface dure, des désodorisants et des produits chimiques pour les véhicules automobiles ou pour, comme je le dis, tout ce qui se trouve sous l'évier de cuisine.
Je tiens également à remercier les députés ici présents qui aident l'ACPCS dans ses campagnes dans les médias sociaux de sensibilisation à la maladie de Lyme, à la prévention des tiques et au lavage des mains.
Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Le projet de loi apporte des modifications à diverses lois. La section 9 de la partie 4 du projet de loi C-97 contient des dispositions ayant pour objet de moderniser la réglementation au Canada. Quatre des lois visées dans cette section concernent nos membres, à savoir la Loi sur les produits antiparasitaires, la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur les aliments et drogues et la Loi sur le contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions concernant ces lois. Toutefois, ce ne sont pas tellement ces lois qui nous intéressent aujourd'hui, mais plutôt la Loi sur les produits dangereux.
D'entrée de jeu, l'ACPCS tient à saluer l'engagement du gouvernement à soutenir la modernisation de la réglementation au Canada. L'énoncé économique de l'automne dernier du soulignait la nécessité d'une réforme de la réglementation pour faciliter la croissance et le maintien de la compétitivité des entreprises canadiennes, tout en protégeant la santé et la sécurité des Canadiens. Compte tenu de cet engagement, nous sommes ici aujourd'hui pour demander de retirer, à la faveur du projet de loi , une disposition onéreuse et particulière au Canada, prescrite dans la Loi sur les produits dangereux.
L'alinéa 14.3(1)a) de la Loi sur les produits dangereux exige que les fournisseurs conservent pendant six ans une « copie conforme » des étiquettes des produits chimiques utilisés au travail sur un serveur au Canada. Cette disposition, particulière au Canada, a été incluse dans le projet de loi omnibus de 2014, qui apportait des modifications à la Loi sur les produits dangereux en vue de permettre la modernisation du Règlement sur les produits dangereux. Étant donné que la disposition relative à la « copie conforme » était incluse dans la loi, il n'était pas nécessaire d'en établir le coût pour les entreprises. Au cours de l'élaboration du règlement, on a également évité la surveillance réglementaire des coûts, car il était considéré que ceux-ci étaient une affaire de « conformité » et non assujettis au règlement et à la règle du « un-pour-un ». Jusqu'à ce jour, aucune intention stratégique, aucun objectif clair, de la disposition sur la copie conforme ne nous a été communiqué.
Le coût pour nos entreprises membres de se conformer à l'exigence relative à la copie conforme est prohibitif et est supporté tout au long de la chaîne d'approvisionnement canadienne. En moyenne, les membres de l'ACPCS devront investir au départ 4,2 millions de dollars pour la première année et, par la suite, 17 millions de dollars par année au titre des ressources humaines et jusqu'à 10 millions de dollars pour le serveur canadien. Si nous en faisons la ventilation et examinons les répercussions sur une entreprise, nous constatons que les coûts annuels d'inspection, de photographie et de catalogue de 23 000 reçus de matières premières d'un membre qui compte quatre sites de fabrication sont estimés à 400 000 $ par année. Le processus d'établissement des coûts figure du côté gauche du document que j'ai remis au greffier à titre d'information.
Comme vous pouvez le voir dans le diagramme de droite, les coûts ne sont pas assumés seulement par le fabricant, mais aussi par le fournisseur et, en aval, par les distributeurs. Tout le monde doit recueillir et conserver les renseignements des étiquettes qui ont déjà été saisis sur la fiche de données de sécurité. La redondance de la collecte de ces renseignements à plusieurs points de la chaîne d'approvisionnement constitue un fardeau inutile, qui ne comporte aucun avantage clairement défini.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, la modernisation de la réglementation doit aller de pair avec l'objectif stratégique « Santé et sécurité des Canadiens ». L'abrogation de la disposition relative à la copie conforme dans la Loi sur les produits dangereux ne diminuerait en rien la protection des travailleurs canadiens. L'industrie est tenue de fournir des fiches signalétiques pour toutes les matières dangereuses et tous les produits chimiques utilisés en milieu de travail. Aux termes de la Loi sur les produits dangereux, les fournisseurs sont tenus de conserver une copie de toutes les fiches de données de sécurité pendant six ans. Cette exigence est harmonisée avec celle des États-Unis et de l'UE concernant la conservation des fiches de données de sécurité. Nous faisons exception avec notre collecte de données des étiquettes.
La fiche signalétique est utilisée par les employeurs, qui ont l'obligation de former les travailleurs sur les produits chimiques dangereux avec lesquels ils travaillent et de s'assurer qu'ils lisent et comprennent les fiches signalétiques avant de commencer à manipuler les produits. Cela leur permet de s'assurer que leurs travailleurs sont protégés lorsqu'ils utilisent ces produits. La fiche signalétique, qui contient tous les renseignements importants sur la façon d'utiliser un produit, est le document le plus complet qui puisse être utilisé pour former les travailleurs sur les dangers et les précautions propres à ce produit. Comme vous pouvez le constater d'après la copie de la fiche signalétique que le greffier vous a remise, il s'agit de l'information la plus complète. L'étiquette n'est qu'une reformulation limitée des dangers et des précautions qui figurent déjà dans la fiche signalétique.
L'ACPCS a toujours été et demeure résolue à collaborer avec le gouvernement pour favoriser un climat réglementaire efficace pour les entreprises afin que nous puissions être concurrentiels au pays et à l'étranger. Nous croyons que ces enjeux, tels qu'ils ont été décrits, contribuent à l'atteinte de notre objectif collectif d'apporter des changements importants à la réglementation, en conformité avec le programme de réforme réglementaire du gouvernement.
Pour les entreprises qui souhaitent être concurrentielles dans le marché nord-américain, ce fardeau administratif inhabituel et exclusif au Canada représente un obstacle à l'innovation. Nous demandons respectueusement au Comité des finances d'éliminer ce fardeau et de mener à bien le programme de réforme réglementaire.
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du Comité.
Comme vient de le dire M. Easter, je m'appelle Dennis Prouse et je suis vice-président des Affaires gouvernementales chez CropLife Canada.
CropLife Canada représente les fabricants, les concepteurs et les distributeurs canadiens de produits antiparasitaires et de produits modernes de sélection végétale. L'objectif principal de notre organisme est de fournir des outils pour aider les agriculteurs à accroître leur productivité et leur viabilité. Nous développons également des produits pour les espaces verts urbains, les milieux de santé publique et les corridors de transport.
Nous sommes ici pour appuyer le projet de loi parce qu'il constitue un important point de départ pour la modernisation de la réglementation. Comme nous l'ont appris le rapport du Conseil consultatif en matière de croissance économique — souvent appelé le rapport Barton — et la table de la stratégie économique du secteur agroalimentaire, le Canada, s'il espère atteindre l'objectif du gouvernement de 75 milliards de dollars en exportations agroalimentaires d'ici 2025, devra surmonter les obstacles réglementaires internes qui entravent l'innovation et la compétitivité.
Le projet de loi prévoit d'importantes mesures de modernisation de la réglementation. En particulier, il apporte des modifications clés à la Loi sur les produits antiparasitaires — la LPA en bref — afin d'atténuer la pression qui pèse sur les ressources de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, rattachée à Santé Canada, de façon à lui permettre de se concentrer sur les activités qui contribuent réellement à l'exécution de son mandat.
L'article 17 de la LPA exige actuellement que le ministre de la Santé entreprenne un examen spécial de tout pesticide contenant un ingrédient actif dont l'utilisation a été interdite par l'un des pays membres de l'OCDE. Tel qu'il est libellé, cet article ne donne pas au ministre le pouvoir discrétionnaire de déterminer si un examen spécial est nécessaire ou non. Un ingrédient actif qui fait l'objet d'une réévaluation ou qui vient d'être examiné au Canada peut devoir être soumis à un nouvel examen spécial.
Certains groupes d'intérêt ont appris à profiter du système actuel, et les examens spéciaux onéreux, conjugués aux difficultés du processus de réévaluation actuel, font que la charge de travail de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire devient insoutenable. Ces efforts en double ne servent qu'à embourber le système et à empêcher les agriculteurs d'avoir accès aux outils dont ils ont besoin pour protéger leurs cultures et contribuer ainsi à l'économie canadienne.
Aux termes du projet de loi , la Loi sur les produits antiparasitaires sera modifiée de façon à donner au ministre de la Santé le pouvoir discrétionnaire de procéder à un examen spécial seulement lorsqu'il est dans l'intérêt des Canadiens de le faire. Il permet également au ministre de regrouper les examens spéciaux apparentés, ce qui permettra d'éviter l'effet du tsunami qui pourrait en résulter autrement.
Nous applaudissons aux efforts, que reflète le projet de loi , pour moderniser la réglementation, mais ce n'est qu'une partie d'un ensemble beaucoup plus vaste d'améliorations qui s'imposent. Par exemple, nous continuons de réclamer des améliorations cruciales qui peuvent et doivent être apportées au processus de réévaluation de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l'ARLA, en vertu des pouvoirs existants, car ces améliorations n'ont pas encore été apportées.
De même, nous demandons au Cabinet de reconnaître officiellement le rôle économique que l'ARLA et l'Agence canadienne d'inspection des aliments peuvent jouer pour faciliter la croissance économique du secteur agricole et agroalimentaire. Du côté de l'ACIA, par exemple, celle-ci n'a toujours pas clarifié sa surveillance réglementaire des produits d'édition génique. L'édition génique est sur le point de transformer l'agriculture dans le monde entier. Malgré cela, le Canada prend du retard par rapport à certains de ses concurrents mondiaux qui, de leur côté, agissent de façon décisive pour créer des approches opportunes et prévisibles en matière de surveillance réglementaire des produits d'édition génique.
Des exemples de ce genre montrent pourquoi le gouvernement doit agir sans tarder pour appliquer le concept, exprimé dans le budget de 2019, de passer en revue les organismes de réglementation au prisme de la compétitivité. La compétitivité ne se réalise pas au détriment de la santé et de la sécurité, qui doivent toujours demeurer à l'avant-scène. Cela signifie que les organismes de réglementation doivent reconnaitre et accepter qu'ils ont à faciliter l'innovation et la compétitivité des entreprises canadiennes, tout en continuant de concentrer leurs efforts sur la réglementation axée sur des données scientifiques.
Des mesures s'imposent également pour le projet de loi prévoyant un processus annuel de modernisation de la réglementation, tel qu'il est prévu dans le budget de 2019. Le Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire, nouvellement créé, apportera sans doute une contribution solide à ce projet de loi.
Il est encourageant de voir l'impulsion donnée au programme de modernisation de la réglementation, qui ne manquera pas de stimuler la croissance de l'agriculture canadienne et de l'économie en général. Toutefois, la modernisation de la réglementation doit être un exercice pangouvernemental et être dirigée par les acteurs économiques clés, soit le ministère des Finances et le Conseil du Trésor. Les organismes de réglementation ne se réformeront pas d'eux-mêmes. Ils ne réagissent qu'à une direction et à un leadership solides de la part d'instances supérieures. Sans cela, la modernisation de la réglementation perdra peu à peu de son élan et finira par s'effondrer. Compte tenu des promesses de croissance économique dans le secteur agricole et agroalimentaire canadien, ce serait là un aboutissement tragique.
Merci, monsieur le président. J'attends avec impatience les questions des membres du Comité.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je remercie tous les membres du Comité de me donner l'occasion de comparaître ce matin.
[Traduction]
Je m'appelle Michael Hatch, comme l'a dit le président, et je suis vice-président associé aux politiques du secteur financier à l'Association canadienne des coopératives financières. Essayez de dire cela cinq fois rapidement.
Nous représentons 248 coopératives de crédit et caisses populaires hors Québec. Collectivement, notre secteur apporte 6,5 milliards de dollars à l'économie canadienne. Nous avons 5,8 millions de membres. Nous employons près de 30 000 Canadiens et nous gérons plus de 225 milliards de dollars d'actifs. En 2018, nous avons redonné 62,5 millions de dollars à des projets communautaires partout au pays, ce qui représente une part beaucoup plus importante de notre revenu après impôt que ce que redonnent les grandes banques.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, les coopératives de crédit appartiennent aux gens qui font affaire avec elles, et c'est ce qui les distingue. Ces coopératives constituent le seul fournisseur de services bancaires ayant pignon sur rue dans 395 collectivités au Canada, et nombre d'entre elles sont présentes autour de cette table.
Malgré leur petite taille, les coopératives de crédit ont une part de marché comparable à celle des cinq grandes banques au chapitre des prêts agricoles et des prêts aux petites entreprises. Elles prêtent aux petites entreprises parce qu'elles sont elles-mêmes de petites entreprises. Dans les provinces de l'Ouest, par exemple, les coopératives de crédit détiennent souvent entre 30 et 50 % du marché. Au Manitoba, un consommateur sur deux fait affaire avec une coopérative de crédit.
L'important travail qu'elles accomplissent dans leurs collectivités constitue la raison pour laquelle les coopératives de crédit demandent au gouvernement de moderniser certaines des dispositions de la Loi sur les banques, qui sont désuètes et constituent un obstacle à l'innovation et à la concurrence au sein des services financiers. Nous avons été heureux de voir deux de nos recommandations prébudgétaires incluses dans le budget de 2019, le 22 mars dernier. Ces recommandations portaient sur des changements en rapport avec le vote des membres des coopératives de crédit fédérales aux assemblées générales annuelles (AGA) et sur l'élimination de l'obligation désuète faite aux coopératives de crédit fédérales d'envoyer des relevés papier à tous leurs membres chaque année.
Nous remercions le gouvernement d'avoir écouté nos préoccupations et d'avoir donné suite à certaines de nos recommandations dans le budget de 2019. Toutefois, nous avons été déçus de constater qu'une seule de ces deux recommandations avait été incluse dans le projet de loi . Cela signifie que les coopératives de crédit fédérales devront continuer d'envoyer des relevés papier inefficaces, coûteux et peu respectueux de l'environnement à tous leurs membres, y compris aux enfants, ce qui empêchera les coopératives de crédit de retourner dans leurs collectivités les économies que les avis électroniques permettraient de réaliser, et ce, jusqu'en 2020 au moins, et peut-être même au-delà.
L'une de nos coopératives de crédit fédérales a estimé que cela lui coûtait près d'un million de dollars par année. Cet argent serait beaucoup mieux investi dans les coopératives de crédit ou dans les programmes communautaires que nos membres appuient si généreusement.
Bien que la Loi sur les banques ne s'applique directement qu'aux coopératives de crédit fédérales, il faut néanmoins garder à l’esprit que la modernisation des dispositions désuètes élimine certaines barrières à l’entrée pour les coopératives de crédit provinciales qui souhaitent passer sous réglementation fédérale et qu’elle incite aussi fortement les régulateurs provinciaux à moderniser leurs propres lois, car ce genre de dispositions désuètes existe encore aussi dans plusieurs provinces. Ces recommandations ne favoriseront donc pas la compétitivité et l’innovation seulement pour les institutions du secteur des services financiers fédérales, mais bien pour toutes les institutions financières du Canada.
Avec l'appui du caucus multipartite des coopératives de crédit — dont de nombreux membres sont ici ce matin — et de tous les partis, les coopératives de crédit continuent d'espérer que le Parlement élu en octobre donnera suite à la mesure budgétaire sur l'élimination de l'obligation d'envoyer des relevés papier, de même qu'à nos autres recommandations visant à favoriser l'innovation et la concurrence dans le secteur des services financiers.
En définitive, la politique devrait encourager la concurrence au sein des services financiers au Canada. Notre secteur financier n'a pas la réputation d'offrir beaucoup de choix aux consommateurs. Les coopératives de crédit représentent la seule véritable solution de rechange aux grandes banques au Canada. De plus, la concentration des services financiers au pays, dictée par des décisions stratégiques, n'est pas dans l'intérêt du consommateur ni de l'économie.
Les coopératives de crédit continueront de préconiser les changements que le gouvernement s'est engagé à apporter dans son budget de cette année, mais qui n'ont pas été inclus dans ce projet de loi, quel que soit le résultat des élections de cette année. Le secteur est reconnaissant de l'appui du caucus multipartite des coopératives de crédit et demande au Comité de l'aider à faire en sorte que ces changements soient mis en oeuvre dans les plus brefs délais.
Merci beaucoup.
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Je vais me concentrer sur deux aspects du projet de loi qui touchent l'immigration.
Le premier, qui commence à l'article 305 du projet de loi , consiste à détourner un sous-groupe de demandeurs d'asile du processus de détermination du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié vers un examen des risques avant renvoi. Cette mesure s'appliquerait à ceux qui ont présenté une demande d'asile dans l'un des pays du Groupe des cinq avant leur arrivée au Canada, et ce pays est le plus souvent les États-Unis.
Pourquoi cela se produit-il et quels sont les effets? Il est important de savoir que l'examen des risques avant renvoi, à la base, devait compléter, et non remplacer, une détermination du statut de réfugié en bonne et due forme. Ce processus de détermination prévoit une audience devant un décideur expert indépendant. L'examen des risques avant renvoi est effectué par un employé d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada — une personne qui n'est pas indépendante, qui n'est pas experte en matière de détermination du statut de réfugié et qui n'a pas l'habitude de tenir des audiences.
Pourquoi passer d'un processus conçu pour la détermination du statut de réfugié à un processus conçu comme un complément — un processus qui, aux fins de la détermination du statut de réfugié, est manifestement inférieur? Deux raisons ont été invoquées. La première est qu'il fallait s'attaquer aux retards, à l'accumulation des dossiers non traités et aux inefficacités découlant de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile qui entraient dans le système.
En ce qui concerne ce problème, les chercheurs en droit — et j'en suis —, tout comme les législateurs, lorsqu'ils sont confrontés à un défi stratégique, ont comme premier réflexe de chercher la solution dans le domaine du droit. Quand le problème est juridique, que la loi soit mauvaise, on peut toujours l'améliorer. Mais ce n'est souvent pas le cas et ce n'est pas le cas ici. Le problème de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est l'insuffisance de ressources dont elle dispose pour gérer un nombre croissant de demandeurs d'asile et, bien franchement, un manque de souplesse pour relever les défis liés à son rôle. Ces lacunes ont été amplement documentées dans un récent rapport du vérificateur général sur le traitement des demandes d'asile.
Cela dit, depuis que les données ont été colligées pour ce rapport, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a vu ses ressources augmentées par le gouvernement fédéral, ce qui est tout à l'honneur du gouvernement, et la CISR elle-même a mis au point de nouvelles techniques pour gérer sa charge de travail, de sorte qu'à l'heure actuelle, elle a dépassé son objectif de rendement pour l'exercice 2019. Autrement dit, il y a eu un problème stratégique, qui était d'ordre opérationnel et administratif, et on l'a réglé.
Je pense qu'il est fort imprudent de la part du gouvernement, sur le plan opérationnel, de procéder à un changement si important, sans préavis, et de commencer à détourner les demandes de statut de réfugié vers un autre processus. Par surcroit, ce nouveau processus, ou ERAR — processus d'examen des risques avant renvoi — n'est pas adéquat, à l'heure actuelle, pour se gérer la détermination du statut de réfugié. Il ne prévoit pas d'audiences, pas plus qu'on y trouve de décideurs experts. Aucun calcul n'a été fait pour évaluer les ressources supplémentaires, les retards et les coûts qu'imposerait le passage à un processus différent pour ces demandes. En bref, je pense que c'est une stratégie inappropriée pour faire face à un défi opérationnel et administratif qui est en passe d'être réglé dans le système actuel.
Je vais passer à une autre préoccupation sur le sujet, à une autre raison pour laquelle ce processus a été suggéré, à savoir la nécessité de réagir à l'augmentation du nombre de personnes qui franchissent la frontière de façon dite irrégulière et qui font une demande d'asile au Canada. J'ai quelques observations à ce sujet.
Premièrement, les données indiquent que très peu de personnes qui traversent la frontière de façon irrégulière pour entrer au Canada ont présenté une demande d'asile aux États-Unis. Donc, si l'objectif était de prendre des mesures à l'égard de ce groupe de personnes, ce changement ne réglera pas le problème.
Deuxièmement, pour ce qui est de la catégorie de demandeurs du statut de réfugié qui ont présenté une demande aux États-Unis, l'examen des risques avant renvoi s'applique non seulement aux personnes qui franchissent la frontière de façon irrégulière, mais aussi aux personnes qui traversent la frontière de quelque façon que ce soit — les personnes qui arrivent par avion ou les personnes qui entrent au Canada pour présenter une demande de statut de réfugié en vertu d'une des exceptions prévues par l'Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, si elles ont déjà un parent au Canada, par exemple. Autrement dit, cela ne s'applique pas seulement aux personnes qui traversent la frontière de façon irrégulière.
Enfin, on semble croire à tort que les personnes qui sont détournées vers le processus d'examen des risques avant renvoi parce qu'elles ont présenté une demande d'asile aux États-Unis seront renvoyées aux États-Unis si elles ne sont pas admises au terme de l'ERAR. Ce n'est pas exact.
Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'une personne de l'Iran soit entrée aux États-Unis avant l'interdiction visant les musulmans — une étudiante, par exemple. Il est devenu dangereux pour elle de retourner en Iran et elle se dit — et ce n'est pas si déraisonnable — que les États-Unis ne constituent pas un endroit sûr pour présenter une demande de statut de réfugié. Peut-être qu'elle présente une demande d'asile aux États-Unis et qu'elle change d'avis, ou peut-être qu'elle n'en présente pas du tout. Elle vient au Canada. Elle est soumise à la procédure d'examen des risques avant renvoi, qui est un processus inférieur à un processus de détermination du statut de réfugié et qui présente un risque plus élevé de faux négatifs, et donc, de refus. Si elle est refusée en vertu de ce processus, elle n'est pas renvoyée aux États-Unis pour y terminer sa demande de statut de réfugié. Elle est retournée en Iran.
Ce processus expose les gens à un risque très réel d'expulsion — un retour à la persécution —, et ce, à cause d'un processus injuste, incomplet et inadéquat.
Pourquoi, alors, fait-on subir cela à des gens qui ont demandé le statut de réfugié ailleurs? Si l'on part du principe qu'ils devraient terminer leur demande de statut de réfugié à l'endroit où ils l'ont commencé, cela ne fonctionne pas, car ils ne seront pas renvoyés à l'endroit où ils ont commencé à revendiquer le statut de réfugié. Ils seront renvoyés dans un endroit où ils pourraient craindre d'être persécutés. Si l'on estime que les gens ne devraient pas présenter une demande d'asile dans l'un des pays du Groupe des cinq pour ensuite venir au Canada, je vous renvoie seulement au mémoire de Mme Karen Musalo, une experte en droit de l'immigration et des réfugiés aux États-Unis.
Elle a témoigné devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration sur la question du type de processus de demande d'asile actuellement en place aux États-Unis. Elle a recueilli de nombreuses preuves qui démontrent à quel point ce processus est injuste, tant sur le fond que sur la forme: elle évoque, par exemple, la détention d'enfants et la séparation des familles, le refus d'accorder l'asile aux femmes qui fuient la violence familiale dans d'autres pays.
On a également prétendu que les personnes qui se soumettaient à l'examen des risques avant renvoi, ou à qui l'on demandait de s'y soumettre, obtiendraient une audience rigoureuse et un accès complet à l'appel. Je vous renvoie aux dispositions de ce projet de loi, à l'article 305 et aux suivantes. Nulle part il n'est dit que quiconque aura droit à une audience. On ne dit nulle part que quiconque pourra en appeler de la décision. Ce ne sont là que de simples promesses de dispositions qui pourraient être ajoutées à la loi, si le projet de loi était adopté. Je vous encourage à ne pas signer un chèque en blanc. Le projet de loi ne prévoit aucune audience. Il n'y a pas de disposition d'appel dans le cadre de l'examen des risques avant renvoi dans sa forme actuelle. On tient très rarement des audiences. En règle générale, on n'en tient tout simplement pas.
Pendant le temps qu'il me reste, je vais simplement souligner un point que je ne développerai pas ici: il s'agit d'une autre disposition du projet de loi concernant les visas. Le projet de loi contient une disposition qui permet de refuser systématiquement les visas de visiteur et d'autres types de visas en provenance de pays que le Canada juge réticents à fournir des documents de voyage adéquats en vue de leur renvoi du Canada.
Je vais aller droit au but. Ce que cela signifie, c'est que si un pays comme la Chine, qui, bien souvent, ne délivre pas les documents de voyage adéquats aux personnes renvoyées du Canada vers la Chine... Bref, le Canada décide de ne plus accorder de documents de voyage aux visiteurs chinois au Canada. Vous, comme députés, allez vous retrouver avec un bureau rempli d'électeurs en colère qui diront: « Ma mère ne peut pas venir assister à un mariage parce qu'elle vient de Chine, et la Chine ne donne pas de documents de voyage assez rapidement aux visiteurs chinois qui rentrent dans leur pays. » Je ne sais pas si vous voulez faire face à ce genre de situation dans vos bureaux de circonscription, mais c'est ce que ce projet de loi permettra et autorisera.
Sur ce, je suis prête à répondre à vos questions. Merci beaucoup.
En fait, j'aimerais moi aussi aborder la question du fardeau réglementaire et des obstacles.
Madame Coombs, si vous avez quelque chose à ajouter, vous pouvez certainement le faire.
Monsieur Prouse, j'ai également remarqué que vous aviez mentionné dans votre déclaration préliminaire certaines préoccupations quant à la réglementation. J'y suis très sensible. En fait, c'est le principal problème qui est soulevé lors de mes rencontres avec les chambres de commerce et les propriétaires d'entreprises partout au pays. On parle du fardeau de la réglementation, de la conformité aux règlements et du temps qu'il faut consacrer aux formalités administratives du gouvernement, temps que l'on devrait utiliser pour d'autres tâches importantes du propriétaire d'une entreprise — comme servir les clients, encadrer les employés et faire croître son commerce.
Monsieur Prouse, je vais vous donner l'occasion de vous exprimer, ainsi qu'à Mme Coombs, si vous avez quelque chose à ajouter.
Monsieur Achen, j'ignore si vous aviez quelque chose à dire également, au sujet du fardeau de la réglementation au pays et de la façon dont il étouffe l'innovation et réduit notre compétitivité à l'échelle mondiale. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
Je vais commencer par vous, monsieur Prouse.
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Elle crée nettement différentes catégories de demandeurs du statut de réfugié, c'est-à-dire ceux qui sont jugés dignes d'une audience en bonne et due forme, complète et équitable, et ceux qui ne le sont pas.
Comme je l'ai expliqué, ceux qui ne le sont pas et qui sont relégués au processus d'ERAR ne sont pas principalement, ni même probablement, ceux qui sont entrés de façon irrégulière. Une faible proportion de personnes entrées de façon irrégulière ont, dans les faits, demandé le statut de réfugié aux États-Unis. Elle établit une distinction entre ceux qui méritent une audience en bonne et due forme et ceux qui, apparemment, pour des raisons qui ne sont jamais pleinement expliquées ou justifiées, ne méritent pas une véritable audience.
Permettez-moi d'ajouter quelque chose. L'examen des risques avant renvoi a été conçu, à la base, comme complément au système de détermination du statut de réfugié. Une personne qui était passée par le système et qui avait essuyé un refus, mais pour qui le délai de renvoi s'était prolongé, pouvait dire: « Voici de nouveaux éléments de preuve. Il y a eu du changement depuis qu'on m'a refusé le statut de réfugié. Veuillez en faire l'examen avant de procéder au renvoi final. »
L'idée, c'est qu'une décision avait déjà été prise à l'issue d'un processus complet, et l'ERAR se voulait un complément. Le projet de loi actuel vise des personnes sur qui aucune décision n'a été prise, que ce soit aux États-Unis, en Australie, en Angleterre ou ailleurs. Ce sont simplement des gens qui ont demandé l'asile. Mais pour cette seule raison, on leur refuse une audience complète et équitable et ils se trouvent relégués à un processus inférieur.
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C'est intéressant. Votre témoignage fait état de travaux très importants que vous avez faits au fil des ans à l'Université de Toronto. Vous avez défendu haut et fort la nécessité que le Canada demeure une terre d'accueil.
Je veux vous rappeler ce que le représentant du HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Canada, M. Jean-Nicolas Beuze, dit au sujet du changement proposé. Je lis: « La mesure [...] maintient une approche accueillante. » Il dit que c'est raisonnable et, surtout, que ce que propose notre loi d'exécution du budget est « conforme au droit international », parce que les demandeurs d'asile ont toujours droit à un processus qui détermine s'ils risquent d'être persécutés dans leur pays d'origine s'ils sont expulsés du Canada.
Pour moi, il est très important de mettre au compte rendu ce que le HCR a à dire à ce sujet. Le HCR est sans doute l'organisme mondial chargé de défendre les réfugiés et justement respecté pour cette raison. Certes, nous pouvons être d'accord ou en désaccord.
Vous avez dit, monsieur, que vous n'êtes pas d'accord sur certaines des positions du HCR sur certains enjeux, mais son travail est éloquent. Le HCR fait un travail remarquable pour la protection des réfugiés.
Vous avez donné l'exemple hypothétique d'un étudiant iranien qui pourrait avoir l'impression, à juste titre, comme vous dites, que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour lui. Que diriez-vous, par contre, aux 50 000 personnes qui ont demandé le statut de réfugié en 2018, qui étaient des demandeurs d'asile aux États-Unis. Je dis cela pour vous poser une question très précise. Je comprends vos préoccupations au sujet des États-Unis, mais j'aimerais vous poser la question que voici. Les États-Unis ne sont-ils pas beaucoup plus que la présidence, la primauté du droit ne règne-t-elle pas aux États-Unis, et n'y a-t-il pas moyen de réclamer l'application régulière de la loi, en toute justice et équité?
Avec tout le respect que je vous dois, lorsque nous soulevons ces hypothèses, nous suscitons inutilement des questions et des craintes chez les Canadiens qui veulent que notre pays demeure un pays d'accueil. Lorsque le HCR se dit favorable au changement proposé, lorsque nous comprenons que les États-Unis, ce n'est pas seulement le président Trump, mais que c'est un pays beaucoup plus compliqué... Il y a des nuances à faire. Il y a encore une vraie démocratie aux États-Unis...
Bonjour et merci de me donner l'occasion de m'adresser au Comité. Je m'appelle Michèle Biss et je suis directrice des politiques et avocate des droits humains à Canada sans pauvreté.
Pour ceux qui ne nous connaissent pas, Canada sans pauvreté est un organisme non partisan, caritatif et sans but lucratif voué à l'élimination de la pauvreté au Canada. Depuis près de 50 ans, Canada sans pauvreté défend les droits de la personne des personnes vivant dans la pauvreté et, depuis le tout début de notre existence, notre conseil d'administration est composé uniquement de personnes qui ont vécu une expérience de la pauvreté
Je commencerai en disant que Canada sans pauvreté a lu les commentaires de ma collègue Leilani Farha, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit au logement et que nous appuyons sans réserve ses commentaires. La loi sur la Stratégie nationale en matière de logement, si elle comprend les modifications proposées par la société civile la semaine dernière, constitue une occasion historique puisqu'elle aura des retombées incroyables sur certains des groupes les plus marginalisés du pays.
Toutefois, cet après-midi, mes observations porteront sur la loi sur la réduction de la pauvreté à l'article 20 de la Partie 4 de la Loi d'exécution du budget. Ce projet de loi arrive à un tournant critique de l'histoire du Canada. C'est le projet de loi qui guidera toutes les lois, politiques et programmes qui toucheront les Canadiens qui doivent tous les jours faire un choix entre payer leur facture d'électricité et mettre de la nourriture sur la table. Nous devons bien faire les choses.
Bien que Canada sans pauvreté appuie le fait que la première Stratégie de réduction de la pauvreté du Canada sera actuellement inscrite dans la loi, nous nous demandons sérieusement si l'article en question respecte vraiment les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.
Comme le Comité le sait sans doute, après des décennies de sensibilisation, le ministre a déposé la loi sur la réduction de la pauvreté en novembre 2018. En réponse au projet de loi, de concert avec nos partenaires de Citizens for Public Justice et Campagne 2000, nous avons rédigé une lettre ouverte renfermant des recommandations sur le projet de loi. Je crois qu'il est important que le Comité sache que, malgré le fait que cette lettre ouverte ait été signée par plus de 500 organismes et particuliers — y compris le Conseil canadien des Églises, ACORN Canada, Oxfam Canada et la Fondation canadienne des femmes —, aucune des recommandations n'a été prise en compte lorsque le projet de loi a été modifié pour en faire une loi d'exécution du budget.
J'exhorte les membres du Comité à tenir compte des recommandations formulées par Canada sans pauvreté et des centaines d'autres intervenants au sujet de ce projet de loi crucial. Premièrement, nous recommandons plus particulièrement de modifier la loi pour que le Canada devienne un chef de file de la réalisation des objectifs de développement durable en respectant l'esprit de l'ODD 1, qui consiste à éliminer la pauvreté. Dans sa forme actuelle, la loi vise à réduire la pauvreté de 50 % d'ici 2030. La réalité, c'est que lorsque nous ne nous engageons qu'à réduire la pauvreté, nous créons des possibilités pour certains, mais pas pour tout le monde et encore moins pour les plus marginalisés.
Deuxièmement, la loi et les règlements qui l'accompagnent doivent reconnaître les limites de la méthodologie qui sert à établir le nouveau seuil de pauvreté officiel du Canada, la mesure du panier de consommation. Ce seuil de pauvreté servira à déterminer l'admissibilité aux programmes, ce qui signifie qu'il a un poids important. Statistique Canada doit comprendre qu'il a lui aussi un rôle à jouer dans le respect de nos obligations en matière de droits de la personne et qu'il doit s'assurer que nous ayons une méthodologie juste qui ne laisse personne pour compte.
Troisièmement, la législation et la réglementation connexe doivent garantir que le Conseil consultatif national sur la pauvreté puisse parvenir à la réalisation progressive des droits économiques et sociaux. Concrètement, le Conseil doit être indépendant, il doit être doté du pouvoir de formuler des recommandations et d'exiger des mesures correctives pour assurer le respect des droits des personnes vivant dans la pauvreté, et disposer d'un budget suffisant pour remplir son mandat.
Quatrièmement, nous recommandons que le Comité propose de modifier l'article 11, qui autorise arbitrairement la dissolution du Conseil une fois que la pauvreté aura été réduite de 50 % par rapport aux niveaux de 2015. Comme l'ont souligné à maintes reprises les représentants de la société civile, cette disposition pose un très grand problème et témoigne, en fait, d'un mépris total pour l'autre 50 % des personnes vivant dans la pauvreté. Voilà également un excellent exemple qui montre pourquoi le Canada ne peut pas se contenter simplement de réduire la pauvreté. Nous devons nous efforcer dans la réalisation de nos objectifs d'y mettre fin.
Enfin, le gouvernement doit s'engager à travailler en partenariat avec les gouvernements autochtones pour élaborer conjointement des initiatives visant à assurer la reddition de comptes et la mise en œuvre de solutions aux obstacles particuliers auxquels se heurtent les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits qui vivent dans la pauvreté.
J'ai hâte de répondre à vos questions à ce sujet.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames, messieurs, membres du Comité.
En 2017, j'ai eu l'honneur et le privilège de faire partie du personnel du sous-ministre et d'avoir secondé à ce titre le ministre Duclos dans ses consultations et démarches en vue d'élaborer la Stratégie de réduction de la pauvreté. Si je qualifie la stratégie de document historique, c'est parce qu'elle établit un seuil officiel de pauvreté, qu'elle présente une vision visant à réduire la pauvreté en établissant des cibles ambitieuses, mais réalisables, et qu'elle offre un ensemble d'indicateurs significatifs et mesurables permettant de suivre les progrès réalisés par l'intermédiaire du Conseil consultatif national.
La décision d'adopter ce que Statistique Canada appelle la « mesure du panier de consommation » comme indicateur officiel de la pauvreté monétaire a été prise à la suite de discussions approfondies avec les provinces et les municipalités et d'un examen de leurs nombreuses stratégies de réduction de la pauvreté. Elle est aussi le résultat de consultations auprès d'intervenants et d'experts en politique sociale et, surtout, d'une série de tables rondes et d'entretiens approfondis avec des personnes ayant vécu la pauvreté partout au pays.
La mesure du panier de consommation est l'indicateur le plus approprié à utiliser comme seuil officiel de la pauvreté, car elle rend compte avec la plus grande précision des variations régionales de l'abordabilité de l'habillement et des chaussures, du transport, de la nourriture saine et des logements, ainsi que d'autres biens et services essentiels à un niveau de vie de base. Pour les Canadiens, cela a un sens, contrairement aux autres mesures proposées, et permet de juger les progrès réalisés par le gouvernement actuel selon les normes et les valeurs des citoyens qu'il représente.
Cette statistique présente néanmoins des lacunes et c'est pourquoi il est particulièrement important que la loi comporte le paragraphe 7(2), qui prévoit que le seuil officiel de la pauvreté doit être régulièrement rajusté de manière non partisane par Statistique Canada. Ce rajustement doit être compris comme offrant la possibilité non seulement de mettre à jour le contenu du panier de biens, mais également de remédier à une foule d'autres imperfections mises en lumière lors du dernier examen du panier de consommation en 2010.
Toutefois, le seuil officiel de la pauvreté doit être compris comme un indicateur clé de la pauvreté monétaire et, par conséquent, comme un indicateur incomplet des nombreuses préoccupations connexes des Canadiens, qu'ils soient pauvres ou non. C'est pourquoi le projet de loi propose trois catégories de quatre indicateurs complémentaires portant chacun sur une préoccupation importante.
Le pilier Dignité étaye le seuil officiel de la pauvreté en mettant l'accent sur les plus pauvres: un indicateur de pauvreté économique extrême, de l'insécurité alimentaire, des besoins impérieux en matière de logement et d'itinérance, et des besoins insatisfaits en matière de santé. Ces éléments sont étroitement liés aux droits fondamentaux de la personne que nous défendons tous. Nous ne pouvons juger de l'évolution du taux officiel de la pauvreté que lorsque le sort des plus défavorisés, de ceux qui ont tendance à connaître la pauvreté à long terme, progresse également.
Le pilier Égalité des chances est un ensemble d'indicateurs d'inclusion sociale et d'éradication de la pauvreté. De même, le pilier Résilience vise à mesurer le risque de tomber dans la pauvreté. À mon avis, certaines des statistiques proposées dans ce dernier pilier présentent actuellement une certaine incohérence, mais il est encourageant de constater que le projet de loi offre de la souplesse pour la révision au paragraphe 7(2).
Le projet de loi propose deux cibles: une cible intermédiaire pour 2020 consistant en une réduction de 20 % de la pauvreté par rapport à 2015; et une cible à long terme pour 2030 consistant en une réduction de 50 % de la pauvreté toujours par rapport à 2015. D'après le projet de loi, les progrès en matière de réduction de la pauvreté aideront le Canada à atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies. L'objectif de développement 1 est d'éliminer complètement la pauvreté et les deux premiers objectifs spécifiques associés à cet objectif des Nations unies sont les suivants: éliminer complètement l'extrême pauvreté d'ici 2030; et d'ici « 2030, réduire de moitié au moins la proportion d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges souffrant d'une forme ou l'autre de pauvreté, telle que définie par chaque pays. »
Si le mandat électoral d'un gouvernement est d'environ cinq ans, puis, si chaque gouvernement successif s'engage à réduire de 20 % au cours de son mandat le taux de pauvreté qui sévit au début de son mandat, comme le gouvernement actuel l'a fait, le taux officiel de la pauvreté passerait de 12 % en 2015 à 9,7 % en 2020, à 7,7 % en 2025 et à 6,1 % en 2030, soit environ la moitié du taux de 2015.
La répétition successive de cet objectif intermédiaire est le contrat implicite que ce projet de loi propose aux futurs gouvernements. En proposant l'ensemble des cibles énoncées à l'article 6 du projet de loi, le gouvernement tient ses engagements internationaux, propose une définition nationale de la pauvreté et cherche à la réduire de moitié.
Je regrette cependant que le projet de loi n'aborde pas aussi clairement la question de l'extrême pauvreté. L'indicateur de grande pauvreté dans le pilier Dignité peut être utilisé comme définition nationale de ce que l'extrême pauvreté signifierait dans le contexte canadien. Le cibler permettrait de marquer les progrès réalisés dans la réduction du taux officiel de la pauvreté que s'ils s'accompagnent de progrès dans la réduction de l'extrême pauvreté.
L’indicateur d'extrême pauvreté est un complément important aux mesures officielles, parce qu’il empêche les gouvernements de chercher à réduire la pauvreté en se contentant d'aider les ménages qui vivent juste sous le seuil de la pauvreté. Après tout, on pourrait réduire le taux officiel de pauvreté en transférant des ressources des très pauvres aux presque pauvres, ce qui serait un progrès pervers.
C'est pourquoi les conseils impartiaux et indépendants sur les moyens d'améliorer systématiquement le système de mesure, de fixer les priorités et de suivre et interpréter les progrès représentent une partie importante de ce projet de loi et, plus généralement, de ce type de réflexion sur la politique publique.
Le conseil consultatif national proposé est un mécanisme essentiel pour promouvoir un dialogue transparent avec les Canadiens au sujet des progrès obtenus et des lacunes qui restent à combler. C’est nécessaire, mais pas suffisant. J’espère que le conseil interprétera ses fonctions, notamment à l’alinéa 10b) du projet de loi, comme un rôle d'appui à la mobilisation des citoyens, et non pas simplement comme celui de conseiller du ministre.
Au final, la pérennité de ce projet de loi traduira un contrat implicite entre les gouvernements successifs, qui finira par être appliqué grâce à un dialogue durable et transparent entre les Canadiens, leurs représentants et leurs militants, pour que les indicateurs de la pauvreté soient suivis d'aussi près que les autres indicateurs sociaux et économiques.
Ce projet de loi est un pas en avant historique dans la politique sociale canadienne. Comme universitaire ayant passé près de trois décennies à étudier le système de mesure de la pauvreté au Canada et dans d’autres pays riches, et à écrire sur le sujet, et comme ancien consultant auprès de l’UNICEF ayant suivi et analysé les progrès obtenus à l'égard des objectifs de réduction de la pauvreté de l’ONU, mais, surtout, comme citoyen engagé dont la famille a subi les outrages inutiles de la pauvreté, je donne mon appui sans réserve à cette mesure législative.
Je m’appelle Leilani Farha. Je suis la rapporteure spéciale des Nations unies sur le droit au logement. J’ai été nommée à ce poste par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies en 2014. Mon rôle est de surveiller et d’évaluer la jouissance et la mise en œuvre du droit au logement dans les pays du monde entier. J'apporte souvent une aide technique aux gouvernements dans le cadre de la rédaction et de la mise en œuvre de lois et de politiques en matière de droit au logement. Je l’ai fait, entre autres, en Égypte, en France, au Chili, en Inde, en Espagne et en Irlande.
Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant le Comité. Mes observations d’aujourd’hui seront brèves et porteront sur le projet de loi sur la stratégie nationale sur le logement. Au cours de l'élaboration de ce texte législatif, j’ai eu des entretiens avec les membres du cabinet du ministre Duclos, avec le secrétaire parlementaire Adam Vaughan et, dans une certaine mesure, avec des représentants de la SCHL.
J'aimerais vous parler un peu de ma participation à ce projet de loi.
En mai 2017, j’ai fait parvenir au gouvernement du Canada une communication officielle, dite « lettre d’allégation », dans laquelle j’exprimais mes préoccupations au sujet des taux d’itinérance alarmants dans ce pays — et je fais remarquer que cela n'a pas changé — et au sujet de l’absence de stratégie nationale du logement axée sur les droits de la personne. En novembre 2017, le gouvernement a réagi en présentant sa stratégie nationale du logement axée sur les droits.
En juillet 2018, je me suis vue obligée d’écrire une lettre de suivi au gouvernement du Canada pour lui faire part de mes préoccupations au sujet de deux questions. Premièrement, malgré l'adoption d'une stratégie nationale du logement axée sur les droits, le gouvernement semblait hésiter à reconnaître le droit au logement dans la loi; et, deuxièmement, le gouvernement semblait hésiter à garantir l’accès à des recours efficaces permettant aux intéressés d'exiger qu'il respecte son obligation de concrétiser progressivement le droit au logement. J’avais alors fait savoir au gouvernement du Canada que cela le plaçait en contradiction avec ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
En avril dernier, le gouvernement m’a écrit pour m’assurer que le projet de loi répondait à mes préoccupations.
Malheureusement, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne répond pas entièrement à mes préoccupations. À mon avis, il faut y apporter des amendements.
Le projet de loi sur la stratégie nationale sur le logement énonce un engagement politique à l’égard de la concrétisation progressive du droit au logement, conformément au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il prévoit la désignation d'un défenseur indépendant du logement, appuyé par la Commission canadienne des droits de la personne. Il prévoit également la création d'un conseil national du logement, auquel le gouvernement s'engagerait à faire participer des personnes ayant fait l'expérience de l’itinérance et d'un logement insuffisant et des membres de collectivités touchées. Ces mesures sont très positives, et je me réjouis de leur inclusion dans la LSNL, mais il reste encore beaucoup à faire si le Canada veut respecter ses obligations internationales en matière de droits de la personne et devenir un modèle pour les autres gouvernements.
Je crois savoir que, la semaine dernière, des représentants de la société civile vous ont donné un aperçu des modifications qu'il faudrait apporter à la loi pour que le Canada respecte ses obligations internationales en matière de droits de la personne. Je suis d’accord avec ces observations et je les réitère comme suit.
Premièrement, la LSNL doit énoncer clairement que le logement est un droit fondamental de la personne.
Deuxièmement, la mise en œuvre par le gouvernement de la concrétisation progressive du droit au logement doit être surveillée. Le conseil du logement pourrait jouer un rôle à cet égard.
Troisièmement, le défenseur du logement doit être en mesure de recevoir et d’examiner des pétitions dénonçant des problèmes systémiques en matière de droit au logement et de formuler des recommandations précises auxquelles le ministre Duclos, en l'occurrence, et le futur ministre devront répondre.
Quatrièmement, le projet de loi doit prévoir une procédure permettant au défenseur du droit au logement de renvoyer d’importantes questions systémiques à une commission chargée d'audiences publiques, afin que les groupes touchés aient voix au chapitre. Le ministre devra tenir compte des recommandations de cette commission.
Ces amendements ne constitueraient en rien le seuil supérieur du droit au logement. D’autres pays offrent plus de garanties et de mécanismes de responsabilisation. Mais ces mesures seraient créatives, adaptées au contexte canadien et conformes aux obligations du Canada en matière de droits de la personne.
Il n’y a aucune raison de craindre une loi qui respecte les obligations du Canada en matière de droits de la personne. Il est aujourd'hui largement entendu à l’échelle internationale que, avec les changements climatiques, le logement est l'enjeu fondamental de notre époque. Le monde vit une crise du logement, et le Canada est au cœur de cette crise. Il suffit de marcher dans les rues de Toronto, de Vancouver ou même d’Ottawa pour le savoir. On sait désormais que seule une approche fondée sur les droits de la personne permettra de concrétiser les objectifs que, j'en suis sûre, le gouvernement est désireux de réaliser.
J’espère que des amendements comme ceux que j’ai proposés dans mon mémoire et ceux qui ont été présentés la semaine dernière seront déposés et adoptés par le Comité et que je pourrai faire connaître les réalisations du Canada sur la scène mondiale.
Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Il y a toute une panoplie de sujets, mais je suppose que c’est ce à quoi il faut s'attendre d'un projet de loi général comme le projet de loi .
Merci beaucoup de m’avoir invité à vous parler du projet de loi , Loi portant exécution de certaines dispositions du budget. Je vais plus précisément commenter les dispositions fiscales.
Pour commencer, un certain nombre des mesures présentées dans le budget sont valables pour régler certains problèmes précis de la structure fiscale, et je ne m'y attarderai pas. Je tiens à saluer certaines initiatives, notamment le crédit d’impôt pour aider les Canadiens à assumer les frais de formation.
À notre époque, compte tenu de l’évolution rapide des technologies, dont certaines perturbent des secteurs précis du marché du travail, il est utile de mettre l’accent sur la formation. Le bon côté d’un crédit d’impôt comme celui-ci, ou du moins d’une forme d'aide, qui pourrait être une subvention au lieu d'un crédit d’impôt, c’est qu’il incite les gens à songer à faire des économies pour leur formation. Il faudra évidemment suivre cela de près et le mettre en place avec soin parce qu’il pourrait y avoir beaucoup de gaspillage si on n’y fait pas attention.
Mais ce dont je veux parler, c’est de la pléthore de nouveaux crédits, des réductions relatives aux investissements accélérés et d’autres formes d’aide ciblée dans ce budget et dans les budgets précédents. J’ai pu constater qu’on fait plus de mal que de bien quand on applique un régime fiscal qui ressemble de plus en plus à du gruyère. En particulier, les avantages fiscaux au titre des investissements dans le secteur manufacturier, les technologies propres, l’exploration minière et l’achat de logements et de véhicules électriques, ajoutés aux avantages antérieurs, soulèvent plusieurs questions bien connues au sujet de l’efficacité de ces diverses politiques.
Premièrement, les gouvernements qui essaient de repérer des gagnants finissent souvent par soutenir des perdants. En favorisant certaines activités par rapport à d’autres, on crée une distorsion dans la répartition des ressources dans l’économie, et cela entraîne une baisse des revenus et de la productivité.
Deuxièmement, des mesures incitatives ciblées pourraient favoriser des activités supplémentaires, mais elles récompensent aussi des activités déjà prévues. Cela nuit à la rentabilité de l’incitatif et, dans bien des cas, donne lieu à peu de nouvelles activités.
Troisièmement, on ne peut utiliser d'incitatifs que si le ménage ou l’entreprise paie des impôts. Or, si les contribuables ne peuvent pas utiliser le crédit, celui-ci n'a guère de valeur à moins qu’il soit remboursable, ce qui leur permet de bénéficier effectivement d'une subvention. Il est cependant important de se demander s’il est préférable d’accorder des subsides sous la forme de subventions ou de crédits d’impôt remboursables. Le débat n'est pas fini sur les avantages et les inconvénients comparés des subventions et des crédits.
Quatrièmement, les crédits d’impôt, l’amortissement accéléré et autres avantages fiscaux incitent certaines entreprises et certaines personnes à revenu élevé à ne plus payer d’impôt. Les contribuables cherchent à transférer leurs déductions ou leurs crédits à d’autres par le biais de méthodes de planification complexes. Les gouvernements essaient ensuite de mettre fin aux soi-disant échappatoires, qui sont en fait causées par leurs propres politiques. Les régimes fiscaux sont de plus en plus instables en raison des nouveaux seuils et des impôts minimums destinés à récupérer les incitatifs.
Cinquièmement, les incitatifs destinés aux producteurs sont également à l’origine d’une forte demande de biens et services bénéficiant d’une aide fiscale, de sorte que ces incitatifs sont atténués à mesure que les prix des produits ou le coût des intrants augmentent. Autrement dit, les incitatifs fiscaux peuvent sembler valables sur le plan politique, mais, en fait, ils enrichissent les fournisseurs de ces produits sans encourager l’activité qu’ils étaient censés soutenir.
Mon exemple préféré est le congé fiscal du Québec au bénéfice de quelques immeubles de Montréal, qui a entraîné une augmentation des loyers dans ces immeubles au lieu de vraiment aider des entreprises en démarrage. En fait, cela a déclenché la colère de beaucoup de propriétaires d’autres immeubles qui n’ont pas eu droit au même incitatif.
Sixièmement, il faut bien que quelqu’un paye pour les incitatifs fiscaux, que ce soit les contribuables d’aujourd’hui ou ceux de demain, en raison des déficits plus élevés.
Au cours de ma carrière, j’ai participé à deux réformes de la fiscalité des entreprises — le budget de l’honorable Michael Wilson en mai 1985 et le groupe d’experts sur la réforme de la fiscalité des entreprises du très honorable Paul Martin en 1996 et 1997. Les deux réformes portaient sur un régime fiscal non concurrentiel dans lequel les taux d’imposition étaient devenus trop élevés et entravaient les activités fructueuses. Les politiques antérieures ayant donné lieu à l’introduction de nombreux incitatifs fiscaux ont miné le régime fiscal et ont finalement été suivies de la seule réforme sensée, à savoir la réduction des taux d’imposition et l’élimination des incitatifs.
Est-ce que ces réformes ont aidé l’économie? On peut dire que oui, compte tenu de diverses études économiques.
Beaucoup d’entre vous ont peut-être lu mes commentaires critiques sur l’adoption de l’amortissement accéléré en novembre 2018, que l'on retrouve dans le projet de loi . À mon avis, il s’agissait d’une erreur stratégique pour les raisons que je viens d'exposer. Comme M. Bazel et moi-même l’avons montré dans un article récent de la Revue fiscale canadienne — que je vous ai fait parvenir pour que les membres du Comité puissent l’examiner s’ils le souhaitent —, l’introduction de l’amortissement accéléré temporaire était orientée vers les investissements dans la machinerie dans certains secteurs, ce qui a presque triplé les distorsions économiques.
Aux États-Unis, l'amortissement supplémentaire, ou l'amortissement accéléré de la machinerie, est appliqué depuis 2001 sans conséquences importantes pour le Canada. Une étude récente a révélé que cette politique a miné la croissance américaine et, singulièrement, qu'elle a creusé les inégalités économiques en favorisant les travailleurs qualifiés, qui sont ceux qui en ont le plus profité. Il en sera de même pour cette politique budgétaire.
Pire encore, les dispositions relatives à l’amortissement accéléré ne tiennent pas compte de l’effet de la réforme fiscale américaine, qui va éroder certaines activités commerciales et les recettes publiques au Canada. La réforme de la fiscalité des entreprises, assortie de taux d’imposition des sociétés concurrentiels, qui a été instaurée aux États-Unis attirera non seulement plus d’investissements tangibles du Canada, mais aussi des recettes et profits intangibles. Le Canada a besoin d’une réforme de l’impôt des sociétés pour protéger son assiette fiscale et inciter les entreprises à garder leurs profits au Canada. Une réduction des taux d’imposition des sociétés contribuerait également à contrer les effets de la réforme américaine sur la compétitivité, sans pour autant porter atteinte à notre propre régime fiscal.
Autrement dit, nous aurions dû aborder la question en procédant à une mini-réforme de l’impôt des sociétés, qui, soit dit en passant, est actuellement en cours d'élaboration dans 12 autres pays. En fait, le Canada est le seul pays à avoir réagi à la réforme américaine en accélérant l’amortissement. Félicitations, au moins vous êtes uniques.
L'important est de revenir à l’essentiel, c’est-à-dire d'administrer un bon régime fiscal qui soit efficace, simple et équitable. Nous nous sommes éloignés de ces principes dans les dernières années, et nous le regretterons.
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Merci beaucoup. C’est un honneur pour moi de comparaître devant le Comité de la Chambre des communes pour parler des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui, étrangement, se trouvent dans ce projet de loi d’exécution du budget.
Comme on m’a demandé de m'adresser au Comité des finances, je ne reviendrai pas sur les graves problèmes que posent ces modifications, selon moi, du point de vue des droits de la personne. Je me contenterai de réitérer qu'elles remplaceront une procédure équitable d'audition et d'appel devant un tribunal indépendant, à savoir la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, par quelque chose de beaucoup moins équitable, c’est-à-dire le droit de demander une évaluation des risques à un agent qui n'est pas du tout indépendant.
À l’instar de mes collègues qui ont comparu devant le Comité de l’immigration, je fais remarquer que les dispositions du projet de loi dans sa forme actuelle ne prévoient pas d'audition et que, malgré les assurances du ministre que le règlement y pourvoira, nous n’avons pas encore vu le règlement qui régira le soi-disant examen des risques avant renvoi amélioré.
Comme ce projet de loi est un projet de loi d’exécution du budget, il est important de tenir compte des répercussions financières de cette proposition. Pour ma part, je n'ai pas de mal à reconnaître que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a toujours été le tribunal le plus efficace. Mais, depuis l’arrivée du nouveau président, Richard Wex, nous avons constaté une remarquable amélioration de la productivité de la CISR dans le traitement des demandes d’asile.
Au cours de l’exercice 2018-2019, la CISR a réglé 35 000 demandes, soit 10 % de plus que son objectif de rendement. Elle a également éliminé le soi-disant arriéré de 35 000 demandes, celles qui étaient restées en suspens parce que le gouvernement conservateur précédent n’a pas fourni de financement à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour traiter l’arriéré quand il a modifié la loi en 2012. Plus important encore, un nouveau groupe de travail a commencé à faire le tri des cas moins complexes, de sorte que 5 000 demandes auront été réglées sans audition avant la fin de mai 2019. Ce sont des résultats importants qui prouvent que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié peut traiter les demandes de façon efficace pourvu qu’elle dispose des fonds nécessaires.
Le projet de loi d’exécution du budget prévoit en effet 200 millions de dollars pour le traitement des dossiers de la Commission. Si tel est le cas, pourquoi lui retirer 5 % des demandes pour les affecter à un processus distinct et parallèle?
On nous dit que le nouvel ERAR sera un processus amélioré, qui sera aussi équitable que les auditions de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et qui garantira une audition. On nous dit que le gouvernement prévoit l'embauche de 80 à 100 nouveaux agents d’ERAR.
Je rappelle que, jusqu’à maintenant, ces agents ont, pour la plupart, pris des décisions sur papier. Les auditions ont été extrêmement rares. Si les agents d’ERAR doivent tenir des auditions dans presque tous les cas, ils devront en tenir des milliers. De nouvelles installations devront être prévues. Les entrevues d’ERAR, qui n'étaient pas enregistrées, devront l'être désormais. Il n'y a pas de greffe pour établir les dates d'audition. Les agents d’ERAR ne disposent pas du soutien et de l’infrastructure complexes dont bénéficie la Commission.
Nous savons que le nouvel ERAR devra être conforme aux principes de justice fondamentale s'il doit constituer le principal processus décisionnel pour les réfugiés, ce qui veut dire qu'ils auront droit à un avocat, ainsi que le droit de divulgation, le droit d'avoir accès au dossier et le droit de se défendre. Ce nouveau processus entraînera de nouveaux besoins en matière d’infrastructure. Il faut donc se demander pourquoi le gouvernement crée un processus d’audition parallèle au moment même où la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a prouvé qu’elle pouvait fonctionner efficacement et où on lui a finalement fourni le budget dont elle a besoin pour s’occuper de la charge de travail prévue.
Je dois également avertir les membres du Comité que, ayant traité des centaines de demandes d’ERAR pendant de nombreuses années, je me souviens que, avant 2013, quand tout le monde avait droit à un ERAR avant l’expulsion, le processus s'est considérablement engorgé, et le traitement de nombreux cas a été retardé pendant des années dans l'attente d'un examen.
Il ne fait aucun doute que le remplacement de la Section de la protection des réfugiés par l’ERAR sera un gaspillage considérable de l’argent des contribuables. Si les agents d’ERAR deviennent un tribunal parallèle remplaçant la Section de la protection des réfugiés dans un grand nombre de cas, le gouvernement devra dépenser beaucoup d’argent pour créer une nouvelle infrastructure, avec un nouveau greffe et de nouvelles salles d’audition.
J’aimerais revenir brièvement sur quelque chose qui a été dit au cours de la séance précédente au sujet du soutien du HCR. J’ai eu une longue conversation avec l’éminent représentant du HCR au Canada au sujet de son appui. Tout ce que je peux vous dire, c’est que, malheureusement, je crois que l’éminent délégué ne comprend pas vraiment comment fonctionne l’ERAR. Pour avoir représenté par l’entremise de mon bureau, où nous avons 10 avocats, des centaines de demandeurs d’ERAR et effectué des contrôles judiciaires sur des dizaines de décisions à cet égard, je peux vous dire que je connais plutôt bien le fonctionnement de ce mécanisme, et je peux vous assurer que le processus n’est pas aussi équitable que celui de la Section de la protection des réfugiés. Je crois malheureusement que l’éminent délégué du HCR ne comprend pas vraiment comment le processus d’ERAR a fonctionné jusqu'ici.
Nous ne pouvons évidemment obliger quiconque à remplir les promesses qui ont été faites concernant la teneur de la réglementation, puisque nous ne la connaissons pas encore.
Quant à l'idée que les États-Unis sont un pays qui respecte la primauté du droit, je peux seulement dire qu'après avoir vu comment ce pays traite les demandeurs d'asile et les place arbitrairement en détention durant de longues périodes et après avoir constaté que certaines des réformes mises en oeuvre par l'administration Trump briment les droits des demandeurs d'asile, je doute sincèrement que ce pays soit actuellement un endroit sûr pour les réfugiés. Même s'il est vrai que la primauté du droit finira par être respectée, les gens passeront des mois ou des années en détention en attendant la fin du processus judiciaire.
Pour conclure, mesdames et messieurs les députés, je dirais que cette modification mal conçue privera les réfugiés de leurs droits, sans apporter aucun avantage concret. Je suis persuadé que le mécanisme d'examen des risques avant renvoi sera moins efficace que celui de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et que sa mise en oeuvre coûtera aux contribuables des millions de dollars. En votre qualité de membres du Comité permanent des finances, vous devriez demander au ministre pourquoi il envisage de dépenser de façon aussi irréfléchie l'argent des contribuables au moyen de ce projet de loi d'exécution du budget en proposant une modification législative qui privera les réfugiés de tous les droits que leur confère la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en faveur d'un mécanisme moins équitable dont la mise en oeuvre coûtera des millions de dollars.
Je vous remercie.
J'ai quelques questions à poser, d'abord à la rapporteure des Nations unies.
J'ai été ravi de vous entendre dire que les changements climatiques sont l'un des principaux défis de notre époque. Je représente les Territoires du Nord-Ouest. Le Nord est la région du monde la plus touchée par ces changements. En temps normal, il y a une vingtaine de feux de forêt par année. Deux semaines après la fonte des neiges, nous en avons déjà eu sept. Nous prévoyons une saison des incendies désastreuse.
Le logement est un gros problème pour nous. Il est probablement plus aigu là-haut que n'importe où ailleurs. Nos besoins en logement sont parmi les plus élevés du pays, ce qui génère une panoplie de problèmes sociaux. Notre taux de suicide, le deuxième en importance du pays, ne cesse de grimper. Notre taux d'homicide est le deuxième plus élevé du pays. Diverses études démontrent que si nous pouvions régler nos problèmes de logement, nous réglerions du coup près de la moitié de nos problèmes sociaux. Nous devons sérieusement nous attaquer à ce problème.
Je n'ai pu m'empêcher de sourire en vous entendant dire que la conformité allait de pair avec la surveillance. C'est exactement ce que nous disons, en tant que peuples autochtones, au sujet de la réconciliation: nous avons besoin d'organismes ou d'organisations qui seront des chiens de garde indépendants et exerceront une surveillance. J'imagine que certains d'entre nous ne croient pas que les gouvernements feront ce qu'ils prétendent vouloir faire. La surveillance est certes une mesure que nous préconisons.
Je ne vous ai pas entendu dire que nos stratégies devraient comporter un volet spécial pour le logement autochtone. À votre avis, est-il important d'intégrer une stratégie sur le logement autochtone à l'étude que nous avons entreprise sur le logement et le droit au logement?
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Merci pour votre réponse.
J'ai hâte de lire votre rapport. C'est un problème auquel nous devons réfléchir sérieusement. Il est très important de confier aux gouvernements autochtones la gestion de programmes comme celui sur le logement autochtone, au lieu de laisser les autres gouvernements s'en occuper à leur place.
Ma prochaine question est pour Michèle Biss et porte sur la pauvreté, la Loi sur la réduction de la pauvreté.
Je le répète, je viens du Nord. Le coût de la vie est très élevé chez nous et le problème de la pauvreté est colossal. Il est inconcevable de voir que, dans un pays aussi riche en ressources, nous, les gens du Nord, soyons aux prises avec un problème de pauvreté extrême.
Il y a certainement de nombreux facteurs contributifs, mais je trouve que la loi n'aborde pas l'aspect économique du problème. Les gens du Nord, surtout ceux qui vivent dans nos petites communautés autochtones, souhaitent avoir la possibilité de faire des études et d'avoir un emploi satisfaisant. Les communautés autochtones ont besoin d'une réconciliation économique, faute de quoi, elles ne pourront progresser.
Serait-il juste de dire qu'il faudrait cibler tout particulièrement, je voulais dire le Nord, mais je dirais peut-être les communautés autochtones? Pourquoi y a-t-il 150 000 Autochtones sans emploi dans l'Ouest et le Nord du pays, alors qu'il existe des possibilités, particulièrement dans le Nord, pour l'exploitation minière et d'autres activités du genre? Vous avez parlé d'obstacles distinctifs. Je crois que c'est le mot que vous avez employé.
Pourriez-vous simplement répondre à cette question? Devrait-on cibler certaines régions du pays, voire certains segments de la population?
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En matière de compétitivité, je pense, sans vouloir trop exagérer, que le principal problème du Canada, ce sont les désavantages inhérents à ce pays. Comme notre population, relativement faible, est disséminée sur un vaste territoire le long de la frontière avec les États-Unis, la profondeur de nos marchés est donc relativement faible, à l'exception peut-être de la région du Grand Toronto où elle est plus importante. Les climats froids n'ont jamais attiré beaucoup de monde, et c'est encore vrai aujourd'hui.
Nous devons donc chercher à moduler les règles du jeu afin d'attirer des entreprises ici; depuis quelques décennies, je pense que nous avons mis en place un ensemble de stratégies gagnantes, par exemple les accords de libre-échange, y compris les plus récents. Maintenant que nous avons établi ou tentons d'établir et de maintenir l'accès au marché américain, si nous voulons réussir, nous devons prendre des mesures pour attirer au Canada des entreprises qui pourront desservir le marché nord-américain. C'est l'argument que nous avançons depuis de nombreuses années, en fait, depuis des décennies.
Ce qui s'est passé depuis 2000... et je dois admettre que le rapport que nous avons produit pour Paul Martin en 1996-1997 sur la réforme fiscale a vraiment abouti sur de nombreux changements depuis deux décennies. À compter de l'an 2000, nous avons offert un avantage fiscal très important aux entreprises canadiennes; je pense que cette mesure a été très importante parce qu'elle a permis de compenser les désavantages du Canada. Il existe évidemment d'autres désavantages, comme la réglementation — tout le monde sait qu'il est difficile de faire construire quelque chose dans ce pays — et certains autres inconvénients et c'est pour cette raison que l'avantage fiscal accordé aux entreprises était très important.
Puis, il y a eu la réforme fiscale aux États-Unis. Les Américains ont non seulement éliminé l'avantage fiscal des entreprises que nous avions créé pour attirer des investissements concrets, mais ils ont modifié en profondeur leur régime fiscal, notamment en resserrant les règles relatives aux déductions d'intérêt et aux déductions pour pertes, et mis en place une nouvelle mesure pour contrer l'évitement fiscal et l'érosion de l'assiette fiscale qui a frappé les entreprises étrangères, notamment les entreprises canadiennes qui investissent aux États-Unis. Le seul moyen qu'elles avaient pour se soustraire à cet impôt, c'était de s'assurer d'avoir plus de revenus imposables aux États-Unis. D'autres dispositions ont également été adoptées, notamment un taux privilégié pour les revenus immatériels, qui comprennent notamment la propriété intellectuelle et la commercialisation.
Les entreprises canadiennes sont en train de se restructurer. Elles transfèrent aux États-Unis plus d'activités générant des revenus immatériels, comme les effectifs de vente. À l'époque où notre taux d'imposition des entreprises était de 27 % comparativement à 39 % aux États-Unis, il était de loin préférable de garder les équipes de vente au Canada. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. De nombreuses fonctions sont transférées du Canada vers les États-Unis; je le sais grâce à la relation que j'entretiens avec l'équipe d'EY, à titre de conseiller en matière de politiques nationales. J'entends beaucoup parler de ce qui se passe actuellement dans le secteur privé.
L'érosion potentielle de l'assiette fiscale du Canada me préoccupe particulièrement. Le FMI prévoit que les entreprises américaines qui exercent des activités au Canada vont probablement transférer leurs frais administratifs généraux et leurs frais d'intérêt au Canada, ce qui se traduira par une perte de 10 % de l'impôt payé par ces entreprises. De nombreuses entreprises canadiennes à qui j'ai parlé envisagent déjà de transférer davantage de revenus aux États-Unis et d'engager des dépenses au Canada; les gouvernements vont donc constater une érosion de leurs recettes fiscales provenant des entreprises. Nous voulons investir dans la réduction de la pauvreté et dans d'autres mesures importantes, mais nous avons besoin de revenus pour cela.
D'autres pays ont été confrontés au même problème et, en fait, 12 pays... Dans un article que Phil Bazel et moi-même avons cosigné en Australie, nous avons recensé les modifications apportées à l'impôt sur les sociétés dans le monde au cours des deux dernières années. Ces 12 pays ont tous réduit leurs taux d'imposition des sociétés et resserré leurs règles relatives aux déductions.
Je pense que c'est ce que nous devrions faire. Cela ne veut pas dire que les sociétés subiront des pertes de revenus. En fait, cela pourrait même avoir l'effet contraire. Ces mesures pourraient faire grimper les revenus des sociétés, mais c'est vraiment une façon de réagir à la réforme entreprise par les Américains. Nous sommes le voisin immédiat des États-Unis et nos économies sont étroitement liées. Au lieu de cela, nous avons probablement choisi l'un des pires éléments de la réforme fiscale américaine, soit la passation en charges de nos dépenses pour une période temporaire.
Nous avons choisi ce moyen en réaction à la réforme américaine. Cette stratégie est un échec stratégique lamentable de la part du Canada. Je sais qu'avant une élection, il est difficile de procéder à de mini-réformes fiscales de ce genre. Nous pourrons peut-être le faire après l'élection, mais, quel que soit le parti qui sera porté au pouvoir à la prochaine élection, il devra se pencher sérieusement sur ces questions, faute de quoi nous subirons les contrecoups de cette réforme américaine.
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On tente de rassurer le public en disant qu'on va copier ce qui existe déjà, alors qu'on pourrait simplement garder le statu quo.
Madame Biss, j'ai une première question concernant la réduction de la pauvreté, et une autre concernant le logement.
Il s'agit de deux nouvelles lois attendues, bien sûr, mais qui, malheureusement, manquent totalement d'ambition. Elles sont une erreur de la part du ministre responsable, d'autant plus que, comme vous l'avez mentionné, il y avait eu une réponse substantielle au premier projet de loi qui avait été déposé concernant la réduction de la pauvreté. En fait, plus de 500 organismes avaient rédigé des lettres pour recommander des améliorations, mais celles-ci ont totalement été ignorées par le secrétaire parlementaire. Ici, dans le projet , on propose un copier-coller de cette loi, alors qu'on aurait pu répondre aux recommandations et l'améliorer.
À cet égard, l'une des recommandations de certains groupes, dont le Collectif pour un Québec sans pauvreté, que nous avons reçu la semaine passée, était de changer la mesure proposée du seuil de la pauvreté, qui est présentement la mesure du panier de consommation. Est-ce aussi votre position? Si oui, pour quelle autre mesure changeriez-vous la mesure du panier de consommation? Sinon, s'agirait-il tout simplement d'améliorer la transparence en ce qui concerne la publication par Statistique Canada de ce seuil, la mesure du panier de consommation et sa composition, et donner à cette agence toute l'indépendance nécessaire pour établir cette mesure?
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Merci pour cette question.
Je vais commencer par la mesure du panier de consommation. Je précise que nous avons travaillé avec de nombreux collègues du Québec. Nous partageons certaines de vos inquiétudes au sujet de cette mesure et nous déplorons surtout qu'elle ait été proposée comme étant le meilleur moyen de mesurer la pauvreté. En réalité, n'importe quelle mesure que vous choisirez sera complexe. Ce n'est pas un exercice facile, mais il est très important de s'appuyer sur de multiples indicateurs distincts et d'être conscients que ces indicateurs doivent toujours se compléter les uns les autres.
Ayant participé à de nombreuses consultations sur la mesure du panier de consommation, je suis très préoccupée de voir qu'aucun rapport faisant état des commentaires entendus au cours des consultations sur cette mesure du panier de consommation n'a encore été présenté. Les commentaires que j'entends dans le public sont très différents des préoccupations soulevées dans le cadre de ces consultations. En fait, les gens craignent que cette mesure soit utilisée, mais mal utilisée, par certaines organisations qui offrent des services directs. Si nous ne ciblons pas des groupes bien précis, il est possible que des personnes qui ne correspondent pas à une forme très pointue de pauvreté — par exemple les mères célibataires ou d'autres groupes marginalisés — ne soient pas admissibles aux programmes.
Cette mesure du panier de consommation peut sembler détaillée, mais en réalité, c'est surtout notre façon de mesurer la pauvreté qui aura un impact sur l'admissibilité à ces programmes.
Vous avez dit que les cibles devaient être ambitieuses, mais pour être honnête, je pense que le gouvernement ne comprend pas bien comment établir les cibles pour une stratégie de lutte contre la pauvreté. J'ai entendu de nombreux commentaires sur la nécessité d'établir des cibles réalistes, mais si vous examinez ce problème dans d'autres pays du monde, vous verrez que ce n'est pas la manière de procéder du point de vue des droits de la personne. En fait, ce n'est pas de cette manière qu'ont procédé bon nombre de pays pour obtenir de bons résultats.
Pour établir vos cibles, vous devez intégrer l'objectif des droits de la personne — mettre fin à la pauvreté — et l'aligner avec les objectifs de développement durable. Vous pouvez ensuite y ajouter des objectifs à court terme, des objectifs secondaires. Vous devez chercher à atteindre vos objectifs généraux de manière progressive. Voilà pourquoi j'ai des réserves quand vous parlez d'objectifs réalistes, parce que nous devons viser l'éradication de la pauvreté. Cela ne fait aucun doute. Le but, c'est d'éliminer la pauvreté.
J'aimerais soulever un dernier point rapidement. Je dirais...
Monsieur Poilievre, vous auriez dû faire vos devoirs. Vous auriez su que les rapporteurs spéciaux ne sont pas rémunérés.
Nous avons été un instant sur la même longueur d'onde. Comme vous, je m'inquiète du fait que des gens qui travaillent dans des villes, qu'ils soient enseignants, baristas dans un café-restaurant ou bien infirmières, n'ont souvent pas les moyens d'y habiter. Ils font la navette sur de longues distances, avec ce que cela comporte de coûts directs, de renoncement à la vie familiale, etc. Cela me préoccupe vraiment.
Je ne suis pas sûre que ce soit uniquement les règlements de zonage qui provoquent ce phénomène. Ce que je constate de par le monde, c'est autre chose. Je constate en fait que la construction va bon train, ici comme ailleurs. Allez à Toronto, par exemple, qu'on appelle maintenant la ville verticale. Levez la tête et que voyez-vous? Vous voyez une forêt de gratte-ciel et de grues de chantier.
Le problème n'est pas qu'il n'y a pas de construction. Le problème est de savoir ce qu'on construit, et pour qui. Ce qu'on ne construit pas, c'est du logement abordable. En même temps, je vois des sociétés de capital privé et des multinationales multimilliardaires de gestion de biens faire main basse sur les logements abordables dans nos villes et les transformer en logements moins abordables pour desservir une clientèle plus fortunée. Elles vont même jusqu'à acheter des maisons de chambres individuelles — destinées aux personnes à plus faible revenu — et à les convertir en studios de luxe pour étudiants, ou bien aussi pour la clientèle plus fortunée.
Je pense qu'il y a une multitude de problèmes à régler ici et ailleurs, et je pense que... [Difficultés techniques]... en fait, monsieur Poilievre, vous et moi pourrions avoir une conversation très intéressante sur le zonage et d'autres problèmes qui se posent dans les villes.
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Tout d'abord, lorsqu'on leur a dit: « Vous n'obtiendrez pas de réduction de taux d'imposition », ils étaient tous plutôt heureux d'avoir obtenu au moins quelque chose, alors je ne suis pas certain que cela nous en dise long.
Encore une fois, je ne pense pas que ce soit le critère d'un bon régime fiscal. Le critère d'un bon régime fiscal, c'est de ne pas faire obstacle aux bons investissements, de ne pas acculer plus d'entreprises à des pertes fiscales et d'éviter de faire toutes sortes d'autres choses.
Nous avons eu l'amortissement accéléré pour l'équipement de fabrication et de transformation de 1972 jusqu'à ce qu'il soit démantelé en 1987. Les conservateurs l'ont ramené en 2006 ou 2007, si je me souviens bien, à titre de mesure temporaire, et il est resté en vigueur pendant les 10 ou 11 années suivantes, pour autant que je me souvienne.
Posons-nous maintenant la question suivante: qu'est-ce que cela a apporté à notre industrie manufacturière? Eh bien, la part du secteur manufacturier dans le total des emplois au Canada est bien moindre aujourd'hui qu'en 1972, en 1987 ou en 2000. Autrement dit, c'est une politique qui a échoué, mais nous continuons de le faire et c'est bien dommage.
En fait, si on regarde alentour — nous faisons cette analyse dans 92 pays du monde —, le Canada, le Lesotho et peut-être quelques autres appliquent des taux d'imposition effectifs très favorables aux entreprises manufacturières, et aussi aux minières, soit dit en passant. Par contre, les entreprises de services, qui occupent 70 % de la population active au Canada, nous les accablons d'impôts. D'ailleurs, nos problèmes de compétitivité sont encore plus graves dans le secteur des services que dans les autres.
Nous avons créé un régime très partial. Bien sûr, les entreprises vont dire: « Donnez-moi quelque chose; donnez-moi l'amortissement accéléré », mais je ne pense pas que ce soit vraiment le critère à retenir pour avoir un bon régime fiscal.