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Merci, monsieur le président, d’avoir invité l’Association canadienne des bijoutiers à cette réunion consacrée à votre examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Je m’appelle Brian Land et je suis directeur général de l’Association canadienne des bijoutiers, l'ACB.
Depuis 100 ans, l'ACB est le porte-parole de l’industrie canadienne de la bijouterie et de la montre, qui assure un leadership en matière d’éthique, d’éducation et de communication et cherche à renforcer la confiance à l'égard des bijoux canadiens, à les faire mieux connaître et à les rendre plus intéressants. Elle favorise la confiance des consommateurs et aide ses membres à suivre des pratiques commerciales exemplaires. Nous sommes présents à plus d'un millier d'endroits au Canada, et nos membres comprennent des détaillants, des fabricants, des grossistes et des fournisseurs de biens et services.
En 2017, l'ACB a acquis Jewellers Vigilance Canada, dont, du même coup, elle a acquis le programme de prévention du crime. Ce programme, qui existe depuis 18 ans, fournit à l’industrie et aux organismes d’application de la loi des renseignements précieux sur les crimes commis contre les bijoutiers et notamment sur le crime organisé pratiqué par des gangs. Ce programme permet également de sensibiliser les forces de l’ordre aux caractéristiques particulières des crimes liés aux bijoux.
Je suis accompagné de ma collègue, Phyllis Richard, qui représente Jewellers Vigilance Canada.
En quelques minutes, je vais vous donner un bref aperçu de l’industrie de la bijouterie au Canada. Aux fins de la loi, nous sommes connus comme des négociants en métaux précieux et pierres précieuses, bien que ce ne soit pas toute l’industrie qui soit visée par la loi. Selon une étude réalisée en 1997 par Ernst & Young et commandée par l'ACB, 90 % des 4 400 entreprises de bijouterie au Canada emploient moins de 20 personnes, et 65 % en ont moins de cinq.
Ces statistiques importantes définissaient le tissu de l’industrie canadienne de la bijouterie et de la montre, il y a 20 ans. Elle était composée principalement de petites entreprises. Bon nombre de ces petites entreprises existent dans de petites collectivités partout au Canada. Souvent, ce sont des bijoutiers de deuxième et de troisième générations présents dans ces collectivités. Le plus souvent, ils connaissent la grande majorité de leurs clients.
L’industrie de la fabrication de bijoux au Canada a prospéré à la fin du XXe siècle, mais, comme tant d’autres industries, le secteur de la fabrication a reculé à cause de l’arrivée de fabricants étrangers qui avaient des coûts de production beaucoup plus bas. Le monde s’ouvrait à l’ère d’Internet et de la révolution du commerce en ligne.
Plus de 20 fabricants importants de bijoux ont fermé leurs portes ou ont fait faillite entre la fin du XXe siècle et aujourd’hui. Les importateurs, les grossistes et les distributeurs sont devenus plus importants que les fabricants en tant que fournisseurs des détaillants au Canada. Les fabricants canadiens qui produisent encore ont cherché d’autres marchés, comme les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Europe.
Le commerce de détail dans le secteur canadien de la bijouterie a aussi changé de façon frappante. Contrairement à d’autres commerces de détail, comme ceux des vêtements et de la quincaillerie, qui sont dominés par les chaînes, notre industrie est composée de petits détaillants indépendants. Trois des plus grandes chaînes des années 1960 aux années 1990 — Peoples Jewellers, Mappins Jewellers et Birks — appartiennent maintenant à des entreprises étrangères. De plus, de nombreux magasins de bijoux canadiens ont fermé leurs portes. Les détaillants comme les bijouteries Ben Moss, Walters et Ostrander ont cessé leurs activités. Les grandes surfaces comme Costco et Walmart offrent également des bijoux de qualité et de nouvelles chaînes, comme Michael Hill de Nouvelle-Zélande, sont arrivées de l'étranger.
Il n'existe pas de statistiques sur le secteur canadien de la bijouterie, sinon celles qui se trouvent dans le rapport d’Ernst & Young, mais il a été établi aux États-Unis qu’environ 60 % des ventes de bijoux se font par l’entremise de grands magasins comme Costco et Walmart. Au Canada, ces types de détaillants ne font généralement pas partie de l'ACB. Cela doit valoir aussi pour de grands magasins comme La Baie.
D’un point de vue international, il vaut la peine de souligner que les métaux précieux, les pierres et les bijoux finis ne sont pas un moyen d’échange commun au Canada. Bien que certains articles comme les barres ou les lingots d'or puissent être utilisés comme réserve de valeur, ce n’est généralement pas le cas des bijoux finis. On estime que, dans la revente d’un bijou fini sur le marché canadien, la perte de valeur se situerait entre 75 et 95 % du prix de détail. Autrement dit, un article acheté à 100 $CA aurait une valeur de revente de 5 $ à 25 $CA. Cela étant dit, les produits qui perdent moins de valeur à la revente sont les plus vulnérables — les mêmes articles qui sont la cible de voleurs — les montres de marque et les gros diamants.
L'ACB s’est engagée à atteindre un niveau plus élevé de conformité au régime de la LRPCFAT chez ses membres. Nous croyons fermement qu’une meilleure compréhension du tissu de l’industrie par le ministère des Finances et le CANAFE mènera à des exigences plus réalistes et à un taux de conformité beaucoup plus élevé.
Je serai heureux de répondre à vos questions après que ma collègue aura donné un aperçu de la conformité au régime de la LRPCFAT chez les négociants de pierres et de métaux précieux. Merci.
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Merci, monsieur le président, de me donner l’occasion de parler de votre examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Je m’appelle Phyllis Richard. Je suis l’ancienne directrice générale de Jewellers Vigilance Canada, et je préside maintenant le comité des relations gouvernementales de l’Association canadienne des bijoutiers.
En gardant à l’esprit le survol de l’industrie canadienne de la bijouterie que mon collègue a proposé, je voudrais parler des négociants en pierres et métaux précieux et des exigences de la loi à leur égard.
Contrairement aux autres entités déclarantes, il n’y a pas d’exigence de permis propre à ces négociants qui sont visés par la loi, et très peu de règlements précis en général s'appliquent aux bijoutiers. Cela contraste fortement avec de nombreuses autres entités déclarantes, comme les institutions financières, qui ont un environnement très structuré et réglementé. Les éléments du secteur des négociants en pierres et métaux précieux qui sont visés par la loi ont l’esprit d’entreprise dans leur attitude et leurs pratiques commerciales, en dehors des grands magasins de détail comme Costco, Walmart et La Baie.
En règle générale, ces négociants, aux niveaux du commerce indépendant de détail et de gros, ne sont pas avancés sur le plan technologique et ont des canaux de communication limités. Cela contraste avec le secteur minier, qui adopte de nouvelles technologies et est très avancé sur ce plan.
Lorsqu’on examine les vulnérabilités au blanchiment d’argent dans le secteur visé des négociants en pierres et métaux précieux, divers produits présentent des risques variables. Il faut comprendre ces risques afin d’élaborer des mesures pour les atténuer. Par exemple, les pierres taillées, polies ou finies peuvent, dans certains cas, être utilisées comme réserve de valeur. La liquidité dépend fortement du type de pierre, les diamants ayant généralement des marchés plus disponibles et stables que les pierres colorées. Par « stable », on veut parler de la valeur d’un article estimée par différentes parties.
Dans le cas des pierres de couleur, la valeur estimée d’un article peut varier considérablement. Dans le commerce des diamants, où la liquidité est supérieure, un certain nombre de contrôles sont en place pour assurer l'origine et l’authenticité des pierres, en particulier celles qui sont de grande valeur. Cela comprend des processus visant à garantir que les diamants ne viennent pas de zones de conflit connues. Bien que ces processus ne soient ni universels ni parfaits, on croit qu’ils ont eu une incidence considérable sur la corruption dans le commerce du diamant.
De plus, il y a une tendance vers une plus grande transparence dans le commerce des diamants et des pierres précieuses. Dans le cas des diamants, nous constatons que certaines grandes sociétés minières envisagent de recourir à la chaîne de blocs comme méthode pour assurer la transparence des antécédents des produits.
Les bijoux finis achetés au détail représentent peu de risques de blanchiment d’argent ou de financement d’activités terroristes dans le contexte canadien, en particulier lorsque ces articles sont achetés et vendus au détail. À notre connaissance, il y a très peu de typologies de blanchiment d’argent qui comportent l’achat ou la vente de bijoux finis dans le commerce de détail.
Contrairement aux bijoux finis, les métaux précieux sous forme de barres, de lingots ou de pièces de monnaie peuvent être utilisés comme réserve de valeur. Ces articles sont cependant peu liquides, surtout lorsque de grandes quantités sont en cause, au niveau de la vente au détail de bijoux. La vente d’articles de grande valeur exigerait souvent une interaction avec une entité réglementée ou une maison de vente aux enchères.
De nombreux bijoutiers achètent ou acceptent l'échange de bijoux brisés et de rebuts ou la revente. Ces articles sont le plus souvent fondus pour extraire les métaux précieux et soit utilisés pour créer de nouveaux articles, soit vendus pour la valeur des métaux. Dans de tels cas, le risque tient au fait que ces articles ont pu être volés et peuvent être des produits de la criminalité. Que nous sachions, la plupart des bijoutiers vérifient l'identité des clients et connaissent leurs clients qui proposent ces transactions, et ils refusent les articles lorsqu'ils les croient volés. En pareil cas, ils peuvent aussi communiquer avec la police locale. Par conséquent, les bijoutiers du commerce de détail ne sont probablement pas la solution la plus facile pour les criminels qui souhaitent liquider des biens volés. Il peut cependant y avoir des éléments plus louches, et ils existent bien, malheureusement.
Mon collègue a parlé du programme de prévention du crime de JVC. Les nombreuses mesures de sécurité prises par les membres qui participent au programme comprennent, de façon inhérente, des dispositions propres à atténuer les risques de blanchiment d'argent. Ils peuvent notamment avoir des caméras vidéo et proposer une formation à leurs employés. Dans le cas des grossistes et des fabricants, des références commerciales sont exigées.
Parmi les négociants de pierres et métaux précieux qui ne sont pas assujettis au régime, un certain segment, celui des maisons de vente aux enchères, semble exposé aux risques de blanchiment d'argent.
Nous espérons avoir donné au Comité une idée de la complexité du secteur des négociants en pierres et métaux précieux. Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier le Comité de me donner l’occasion de m'exprimer dans le cadre de son examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Situons d'abord la Fédération. Elle est l’organisme coordonnateur des 14 ordres professionnels de la profession juridique au Canada qui, à eux tous, régissent plus de 120 000 avocats, 3 800 notaires au Québec et près de 9 000 parajuristes autorisés en Ontario, dans l’intérêt du public.
Je veux d’abord vous assurer que la Fédération et ses membres appuient les efforts du Canada dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes. Ils reconnaissent l’importance des objectifs de la loi et les appuient.
Comme la Cour suprême l’a dit clairement dans son arrêt de 2015, pour atteindre ces objectifs, il est impératif que les principes constitutionnels importants soient respectés. Vous aurez entendu un certain nombre de témoins décrire la situation découlant de la décision de 2015 comme une lacune importante du régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes. Sauf votre respect, ces observations ne tiennent pas compte du fait que la Fédération et les ordres professionnels de juristes du Canada ont manifesté leur engagement à protéger le public en prenant des mesures constitutionnelles significatives dans ce domaine. Notre mémoire décrit les efforts de la Fédération et des ordres professionnels pour assurer une réglementation efficace de la profession juridique dans ce domaine. Par conséquent, pour gagner du temps, je ne donnerai que quelques détails sur les mesures que la Fédération a prises à cet égard.
La règle sur les transactions en liquide élaborée par la Fédération en 2004 et adoptée et appliquée dans tous les ordres professionnels de juristes au Canada interdit aux conseillers juridiques de recevoir des sommes de plus de 7 500 $ en argent comptant d’un seul client ou pour un seul dossier. Elle exige que le conseiller juridique tienne un registre des opérations en espèces dans le cadre de sa comptabilité. Il convient de noter que le seuil prévu dans la règle de la Fédération, soit 7 500 $, est inférieur à celui qui est prévu dans le règlement sur la déclaration des importantes transactions en espèces, soit 10 000 $.
Bien que nous ayons adopté une approche différente de celle du gouvernement, la règle porte sur les risques associés à la manipulation et au placement de grosses sommes d’argent liquide. Elle a été reconnue par les représentants du gouvernement, dont le ministre des Finances en poste au moment de la mise en oeuvre de la règle, comme une solution de rechange efficace aux grandes exigences de déclaration des opérations en espèces qui s’appliquent aux autres entités déclarantes dans le cadre du régime fédéral de lutte contre le blanchiment d’argent.
Lorsque le gouvernement a adopté un règlement sur la vérification des clients, au lieu de chercher simplement à obtenir réparation devant les tribunaux, la Fédération et les ordres professionnels ont agi de façon proactive en rédigeant et en adoptant une deuxième règle type établissant d’importantes obligations en matière d’identification des clients et de vérification. Cette règle, appliquée dans toutes les administrations depuis 2008, suit de près les règlements financiers. Ensemble, les deux règles, celle qui interdit les transactions en liquide et celle qui porte sur l'identification des clients, permettent d’atteindre les objectifs suivants.
Premièrement, elles imposent aux avocats et aux notaires du Québec une norme rigoureuse en ce qui concerne les transactions en espèces, et elles limitent la capacité des conseillers juridiques d’accepter de l’argent comptant des clients. À ce sujet, je souligne que ces restrictions sont uniques. Les conseillers juridiques qui travaillent ailleurs, y compris aux États-Unis, peuvent accepter n’importe quel montant d’argent comptant. Ces deux règles imposent également aux conseillers juridiques d'importantes exigences en matière de diligence raisonnable.
Deuxièmement, ces règles portent aussi sur l’activité des avocats et des notaires du Québec comme intermédiaires financiers, mais elles le font par l’entremise de la réglementation des ordres professionnels plutôt que par le truchement de lois fédérales.
Troisièmement, ces règles respectent les principes constitutionnels énoncés par la Cour suprême du Canada dans son arrêt de 2015.
Il est important de comprendre que ces deux règles se situent dans un contexte juridique et réglementaire plus vaste. Les avocats et les conseillers juridiques canadiens sont assujettis au droit pénal et, comme tout le monde, ils peuvent faire l’objet de poursuites pour avoir participé à des activités de blanchiment d’argent et de financement d'activités terroristes.
De plus, les conseillers juridiques sont assujettis à des règles de déontologie exhaustives imposées et appliquées par les ordres professionnels qui leur interdisent de se livrer à des comportements illégaux ou de les faciliter de quelque façon que ce soit. Tous les membres de la profession juridique sont également assujettis, du fait de leur appartenance à un ordre professionnel, à des règlements financiers et comptables complets.
Nous constatons que, dans son rapport d’évaluation mutuelle de 2016 sur le Canada, le Groupe d’action financière a critiqué la réglementation des ordres professionnels de juristes visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes, ce qui laisse entendre que rien n’incite la profession à appliquer ces mesures ou à participer à la détection d’activités de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes.
De l’avis de la Fédération, cette opinion ne tient pas compte des importantes initiatives de réglementation des ordres professionnels de juristes du Canada dans ce domaine et de la surveillance continue exercée par eux, dont des vérifications périodiques et fondées sur les risques. Les mesures visant à garantir que les conseillers juridiques se conforment aux règlements des ordres professionnels comprennent des obligations en matière de rapports annuels, des examens des pratiques et des vérifications financières. Les ordres professionnels disposent également de vastes pouvoirs d’enquête et de discipline, y compris la capacité d’imposer des sanctions pouvant aller jusqu’à la radiation lorsque les membres ne respectent pas les règles et règlements de leur ordre. La Fédération soutient que toute lacune réelle ou perçue dans le régime législatif qui tiendrait au fait que la profession juridique est soustraite à l'application de la loi a été comblée par les mesures prises par les ordres professionnels.
Nous reconnaissons toutefois qu’il est important de veiller à ce que les règlements dans ce domaine soient aussi robustes et efficaces que possible. À cette fin, la Fédération procède actuellement à un examen exhaustif de ses règles types et des mesures de conformité et d’application connexes utilisées par les ordres professionnels. Nous venons de terminer une consultation sur les modifications proposées. Les observations devaient être reçues au plus tard le 15 mars. Nous sommes en train de les étudier. Ce processus de consultation permettra de préciser certaines dispositions et d’ajouter de nouvelles obligations pour les conseillers juridiques canadiens.
Parmi les obligations supplémentaires proposées, la plus notable est l’exigence prévue pour les conseillers juridiques, qui devraient vérifier l’identité des bénéficiaires des fiducies et des propriétaires bénéficiaires des organisations. De plus, des exigences relatives à la surveillance continue des relations professionnelles et des activités des clients ont été proposées. Le groupe de travail spécial qui effectue actuellement l’examen a également proposé une nouvelle règle type qui lierait l’utilisation des comptes en fiducie à la prestation de services juridiques, garantissant ainsi que les comptes en fiducie des avocats ne peuvent pas être utilisés pour des opérations purement financières. Une règle comparable est déjà en place en Ontario, au Québec et dans plusieurs administrations canadiennes qui, ensemble, réglementent environ 75 % des avocats au Canada. Les modifications définitives des règles devraient être approuvées par le conseil d’administration de la Fédération en juin prochain et mises en application dès cette année par les ordres professionnels de tout le pays.
Nous reconnaissons aussi que l’application efficace des règles est essentielle, et c’est pourquoi nous examinons également les activités des ordres professionnels visant à assurer la conformité et l’application des dispositions, et nous préparons des lignes directrices sur les pratiques exemplaires pour aider les ordres. De plus, il est tout aussi important, à notre avis, que les membres de la profession comprennent leurs obligations juridiques et éthiques. À cette fin, nous sommes en train de préparer des documents d’orientation et d’éducation complets qui mettront l’accent sur le respect des diverses règles, mais aussi sur la compréhension des risques de blanchiment d’argent et de financement des activités terroristes que les avocats et les notaires du Québec peuvent rencontrer dans leurs activités professionnelles. Nous nous attendons à ce que, en plus d’une orientation générale, ces documents pédagogiques fournissent une orientation spécifique à différents groupes de pratique, en particulier les groupes de pratique à risque élevé, par exemple, les activités immobilières et autres activités transactionnelles.
Avant de conclure, j’aimerais parler brièvement de la question de l’information sur la propriété effective, et plus particulièrement du manque actuel d’information vérifiable. Comme je l’ai déjà mentionné, les modifications proposées aux règles modèles de la fédération obligeraient les avocats à obtenir et à vérifier des renseignements sur les propriétaires effectifs des organisations et les bénéficiaires des fiducies.
Nous sommes conscients des critiques à l’endroit du Canada à cet égard, et nous reconnaissons la valeur de la saisie de cette information. Nous devons toutefois insister sur le fait que le respect d’une telle règle, qui refléterait les exigences de la réglementation fédérale, sera très difficile et, dans certains cas, probablement impossible en l’absence de registres accessibles au public des propriétaires effectifs.
Je crois comprendre que, selon les lignes directrices du CANAFE, l'obtention, seulement auprès du client, de renseignements sur les bénéficiaires effectifs ne constitue pas une vérification de ces renseignements. C’est tout à fait logique, mais pour l’instant, c’est la seule option qui s’offre aux avocats.
De l’avis de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, une règle qui ne peut être respectée n’est pas une règle raisonnable ou efficace. C’est pourquoi nous exhortons le gouvernement à adopter rapidement des modifications législatives qui obligeraient non seulement les organisations et les fiducies à consigner les renseignements sur la propriété effective et à les fournir au gouvernement, mais aussi à établir un registre public de ces renseignements que les avocats de partout au pays pourront utiliser.
Nous reconnaissons que la législation fédérale ne touchera qu’un petit pourcentage de sociétés, et nous espérons que le gouvernement incitera les provinces et les territoires à emboîter le pas et cela sans tarder.
Nous devrions également ajouter qu’il faudrait envisager d’étendre les règles sur l’enregistrement et le partage de la propriété effective à la propriété immobilière.
Monsieur le président, j’aimerais conclure en disant que, dans leur témoignage devant le Comité, plusieurs témoins ont indiqué qu’ils souhaitaient discuter de cette question avec la profession juridique. Au nom de la fédération et de nos membres, je peux dire sans réserve que nous serions heureux d’avoir l’occasion de participer à ce débat.
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Excellent. Merci beaucoup. Je suis avocate et je travaille dans le domaine de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent.
[Français]
C'est un très grand plaisir d'être invitée aujourd'hui. Merci beaucoup.
[Traduction]
Je suis l’auteure de certains rapports sur la transparence de la propriété effective, et je veillerai à ce que le Comité les reçoive.
Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je vais rapidement faire quelques brefs commentaires.
Tout d’abord, je me réjouis de l’annonce que les ministres fédéral et provinciaux des Finances ont faite en décembre au sujet de la transparence des sociétés. Je recommande que le Canada suive l’exemple donné par les pays de l’Union européenne en créant des registres publics de la propriété effective. Je vais remettre au greffier un exemplaire de ce rapport, qui met en lumière les pratiques exemplaires et les leçons tirées des efforts de l’Union européenne. Comme elles font leurs preuves depuis deux ou trois ans, il serait utile de les examiner.
J’aimerais également souligner un point de ce rapport, c’est-à-dire que les registres de propriété effective doivent se prêter à l'exercice d'une diligence raisonnable. Le registraire doit vérifier les pièces d’identité et autres renseignements fournis par les sociétés, par exemple, au moment de la constitution en société, et cela en faisant preuve d'une diligence raisonnable fondée sur le risque. Le registraire devrait être mandaté pour lutter contre le blanchiment d’argent et le terrorisme, ce qui n’est pas le cas actuellement à l'égard des registres des entreprises.
Si les criminels peuvent simplement fournir des renseignements frauduleux au registre, répéter les mêmes renseignements frauduleux à une banque ou à un bureau d’avocats et dire ensuite qu'il suffit de vérifier le registre fédéral, ce registre ne servira à rien. Les banques et autres intéressés ne pourront pas s’y fier à des fins de diligence raisonnable.
Un registre vérifié de gestion des risques coûtera plus cher, mais cela entraînera une réduction des dépenses dans l’ensemble de l’économie et même au sein du gouvernement, parce qu’à l’heure actuelle, il y a toutes sortes de gens qui exercent la même diligence raisonnable pour les mêmes entreprises. Vous pourriez simplifier cela. La collaboration fédérale-provinciale serait nécessaire pour créer un portail à guichet unique permettant de faire facilement des recherches dans tous les registres.
Deuxièmement, je recommanderais la création de nouvelles obligations juridiques pour les candidats, les agents, les fiduciaires, essentiellement les représentants de tiers, y compris les actionnaires et les administrateurs désignés. Les personnes qui représentent d’autres personnes devraient toujours être tenues de divulguer leur statut, ainsi que l’identité des tiers qu’elles représentent, aux fonctionnaires fédéraux et provinciaux, y compris les registraires de la propriété effective et les institutions financières, les entreprises non financières désignées et les professions. Actuellement, la loi impose aux institutions financières et autres institutions l’obligation de demander aux clients s’ils représentent des tiers, mais il n’y a pas d’obligation légale de donner une réponse véridique.
Troisièmement, toutes les entreprises et professions désignées non financières devraient être tenues de s’informer sur la propriété effective des sociétés, des entités et des arrangements dans le cadre de leur obligation d'exercer une diligence raisonnable, mais seulement pour le traitement des transactions en espèces importantes. Évidemment, ce serait un fardeau énorme pour les entreprises, mais pas s’il y a un registre public de la propriété effective facile à consulter et contenant toute l’information. Cela rendrait la tâche très simple.
Ensuite, j’aimerais parler brièvement du rôle que jouent les avocats contre le blanchiment d’argent. Comme nous l’avons entendu dire, il y a des règles qui sont en place et qui sont appliquées par le Barreau et non par le CANAFE. Ces règles sont très utiles. À mon avis, « pas de versement en espèces de plus de 7 500 $ » est une règle excellente et vraiment importante. Personnellement, j’irais plus loin avec certaines de ces règles, mais il y a un processus en cours à l’heure actuelle.
Beaucoup de questions ont été soulevées au sujet de l’efficacité de ce régime, et j’estime qu’il faut davantage de données empiriques pour y répondre pleinement. Par exemple, quelle est l’ampleur du problème? Le savons-nous? Comprenons-nous la situation? Le blanchiment d’argent est très difficile à détecter. Il n’y a pas de cadavre. Comment connaître l’ampleur du problème? Quels avantages et inconvénients pourrait-il y avoir à rétablir dans la loi l'obligation, pour les avocats, de comptabiliser les sommes en espèces au lieu de laisser cela dans les règles? En raison de la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client, la détection de ces infractions doit se faire dans d’autres parties du système financier.
Pour prendre un exemple bien simple, imaginez une situation où un avocat déposerait d’énormes quantités d’argent dans son compte en fiducie, présumément en violant les règles. Est-ce qu’une banque serait plus susceptible de signaler ce cas au CANAFE comme une opération douteuse s’il s’agissait d’une violation de la loi plutôt que d’une règle du Barreau? Qu’en est-il des juges qui émettent des mandats? Quelle serait l’incidence d’un régime législatif par rapport au régime actuel?
Voilà le genre de questions auxquelles nous devons répondre avant de décider si la loi est la bonne place pour imposer des obligations en matière de diligence raisonnable.
Pour ce qui est de savoir qui devrait superviser l’application de ces règles, il est assez clair, d’après la décision de la Cour suprême, qu’il est inconstitutionnel pour le CANAFE d’avoir accès aux dossiers des avocats en l’absence d’un mandat et des procédures Lavallée, ce qui nuira toujours à la capacité du CANAFE de superviser les avocats.
Même si le Comité en arrivait à la conclusion que les obligations des avocats en matière de diligence raisonnable devraient être rétablies dans la loi, le Barreau pourrait-il continuer de surveiller et d’appliquer ces obligations? C’est actuellement le cas dans d’autres instances, comme le Barreau anglais, et cela pourrait peut-être résoudre certains problèmes complexes.
J'ajouterais aussi que si le gouvernement a l’intention de simplifier la poursuite des infractions de blanchiment d’argent, y compris celle de faciliter le blanchiment d’argent en réduisant la mens rea à un critère d’insouciance, d’aveuglement volontaire ou de négligence, les avocats et autres intéressés devraient pouvoir invoquer la diligence raisonnable comme moyen de défense.
Enfin, j’aimerais parler d’Exportation et développement Canada qui, si j’ai bien compris, est actuellement exemptée de l’application de la Loi sur les produits de la criminalité parce qu’elle n’accepte pas les dépôts.
Cependant, les médias ayant récemment rapporté que cette société d'État avait appuyé des transactions frauduleuses, il semble qu'elle risque fort de traiter des produits de la criminalité. Par exemple, si EDC consent des prêts de dizaines ou de centaines de millions de dollars à des entreprises qui ont obtenu des contrats par la corruption, elle risque d’être remboursée par des produits de la corruption, dont certains sont versés dans les coffres du gouvernement par l’entremise de dividendes d’entreprises. Bien que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes ne soit pas idéale pour ce type de risques, puisqu’elle met beaucoup l’accent sur les dépôts et qu’il n’y a actuellement aucune obligation de diligence raisonnable prévue par la loi pour EDC, il vaudrait peut-être la peine d’examiner cette question, car le Comité examine les risques que des produits de la criminalité entrent dans le système financier.
Merci beaucoup de m'avoir donné la parole. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup de la question.
Vous me demandez donc des détails sur les modifications que j'apporterais aux règles actuelles.
[Traduction]
Je vais répondre à cette question en anglais.
Comme je travaille dans le domaine de la lutte contre la corruption, je suis sensible à certains des problèmes qui se posent dans ce contexte. Lorsque des avocats effectuent des transactions financières pour le compte de clients, et qu’ils utilisent des instruments négociables présentant un risque de blanchiment d’argent, je renforcerais leur obligation de connaître leurs clients et de faire preuve de diligence raisonnable, au besoin, pour vérifier si les clients, y compris des membres de leur famille ou des proches associés, sont des personnes politiquement exposées, s’ils figurent sur des listes de sanctions ou s’ils présentent un risque élevé. J’obligerais également les avocats à se renseigner sur la source des fonds dans ce genre de cas.
Je vais vous donner quelques exemples. Si vous êtes avocat et que vous avez quelqu’un dans votre bureau qui a des instruments négociables et qui veut acheter une maison, il serait vraiment bon de savoir si, par exemple, ils sont sur une liste de sanctions, parce que les gens qui sont sur une liste de sanctions ont besoin d’avocats à certaines fins. S’ils sont censés faire l’objet d’un gel des actifs et qu’ils vous donnent des actions, des obligations et des actions au porteur, il serait vraiment utile d’avoir cette information. De même, il serait bon de savoir s’ils représentent la famille Mugabe ou une personne qui risque fort de recevoir les produits de la corruption.
Ce genre d’obligations se retrouvent actuellement dans le système financier, mais en raison de l'interdiction visant les versements en espèces, ce serait vraiment lorsqu’il y a un risque sérieux de blanchiment d’argent parce que, évidemment, tout le monde a besoin d’un avocat de temps à autre pour une raison ou pour une autre. Je parle ici de transactions et de situations à haut risque.
:
Merci beaucoup. C'est une très bonne question.
Quand j'ai fait des recherches sur cette question pour préparer mon rapport, je n'ai pas vu d'exemples, mais partout en Europe on s'est demandé si on pouvait vraiment se fier au registre.
[Traduction]
Pour aller un peu plus loin, à l’heure actuelle, le registre fédéral des sociétés est complètement passif. Les gens envoient l’information, on crée une nouvelle société, et l’information est simplement transférée dans le registre. Pour l'instant, il n’y a aucune vérification, même pas de vérification de l’identité, ni même de présentation d’un permis de conduire pour confirmer l’existence de la personne. Bien sûr, il n’a jamais été créé à des fins de lutte contre le blanchiment d’argent. Cela pourrait toutefois être modifié par un registraire qui serait en mesure de faire ce genre de vérification.
Évidemment, plus il y a de vérifications, outre celle de l’identité, plus le processus est coûteux, lourd et compliqué. Un processus fondé sur le risque pourrait aussi fonctionner, ce qui signifie que la personne a des compétences en matière de conformité, y compris pour déterminer comment les sociétés sont formées, etc., et qui est en mesure de signaler les éléments suspects, et peut envoyer des rapports à CANAFE, communiquer avec la société pour obtenir plus d’information et demander d'autres documents. C’est ce que nous avons en tête, quelqu’un qui est vraiment capable d'assurer l'observation rigoureuse du registre.
:
Merci monsieur Dusseault. C’est une excellente question.
Dans le monde de la réglementation, un avocat peut enfreindre sciemment les règles, et ce serait non seulement une inconduite professionnelle, mais aussi probablement une inconduite criminelle. Si quelqu’un se livrait sciemment au blanchiment d’argent, par exemple, il devrait être ciblé non seulement par le barreau, mais également par le système pénal dans son ensemble.
Les avocats peuvent aussi être ciblés pour avoir enfreint les règles parce qu’ils font preuve de négligence ou qu'ils agissent sans surveillance. Il n’est pas nécessaire qu'ils aient l’intention de participer au blanchiment d’argent si leurs pratiques et leurs structures sont médiocres ou négligentes. S’il s’agit d’un oubli, cela peut constituer une violation, et les avocats peuvent être punis pour avoir enfreint le code du barreau. L’identification des clients en est un bon exemple. Les avocats sont parfois trop occupés pour identifier correctement leurs clients. Ils n’ont pas l’intention d'enfreindre la règle, mais ce genre de faute devrait être visé par un processus d'audit du barreau, et l’avocat pourrait être sanctionné même s’il n’avait pas l’intention d'enfreindre cette règle. La négligence ou le manque d’attention aux détails n’a pas besoin d’être intentionnel.
C’est l'avantage de pouvoir compter sur plusieurs couches différentes. Le barreau peut donner suite non seulement à des actes répréhensibles intentionnels, mais aussi à des actes négligents, et même à des actes répréhensibles commis simplement par une personne qui croit bien faire, mais qui ne respecte pas les règles, pour quelque raison que ce soit. Cela pourrait encore constituer une violation. Il peut s'agir d'une défense, pour ce qui est de la façon dont vous traitez une plainte ou une poursuite, alors que vous avez essayé de faire de votre mieux, mais cela peut assurément constituer une violation.
Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Wilson?