:
Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Je devrais vous dire que je serai ravi de rester pour toute la durée de la séance.
Si vous me le permettez, je tiens à dire pour commencer, au nom de tous les employés de l'ARC, que nos prières et nos pensées accompagnent les gens de Fort McMurray ainsi que les premiers répondants.
Je suis accompagné aujourd’hui de M. Ted Gallivan, sous-commissaire de la Direction générale du secteur international, des grandes entreprises et des enquêtes; Mme Stéphanie Henderson, gestionnaire de la Section de l’observation à l’étranger; Mme Lynn Lovett, sous-ministre adjointe du Portefeuille des services du droit fiscal du ministère de la Justice; et Mme Diane Lorenzato, sous-commissaire de la Direction générale des ressources humaines.
Bien que le régime fiscal du Canada affiche un niveau d’observation volontaire élevé qui est parmi les meilleurs au monde, l’évasion fiscale à l’étranger et l’évitement fiscal abusif demeurent un défi qui exige de mener une action concertée au pays et de mettre en place des stratégies à l’échelle mondiale.
L’intensification du commerce international et du mouvement des investissements mondialisés a donné lieu à des structures d’entreprise multinationales complexes, ainsi qu’au recours à des administrations étrangères préoccupantes et à des stratagèmes de transfert de bénéfices qui posent un défi à toutes les administrations fiscales.
L’Agence a mis sur pied un plan d’action en quatre points afin de bien cibler cet environnement fiscal mondialisé et l’inobservation qui en découle. Ce plan comporte, premièrement, un meilleur accès aux renseignements; deuxièmement, une organisation plus concentrée qui cible l’inobservation à l’étranger; troisièmement, l’ajout de ressources permettant d’approfondir notre capacité; et quatrièmement, une coopération internationale plus efficace.
[Français]
Plus des deux tiers des 11 milliards de dollars pour lesquels l'Agence établit des cotisations dans le cadre de vérifications, soit plus de 7 milliards de dollars, visent ses programmes du secteur international et des grandes entreprises, y compris des particuliers fortunés et des multinationales, et impliquent une planification fiscale abusive.
[Traduction]
Ces résultats et notre capacité de repérer l’inobservation de ceux qui ont recours à ces stratagèmes à l’étranger n’ont jamais été meilleurs, et c’est en grande partie parce que nous avons nettement amélioré nos outils d’information. Depuis le 1er janvier 2015, les institutions financières sont tenues de déclarer les télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus. Ce sont des renseignements inestimables qui aident l’Agence à cibler les administrations et les institutions financières préoccupantes.
Deuxièmement, le processus des demandes péremptoires visant des personnes non désignées nommément qui permet à l'ARC de s’adresser aux tribunaux pour obtenir des renseignements sur des contribuables ayant recours à des administrations à l'étranger a été rationalisé pour qu'elle puisse obtenir des renseignements auprès de tiers comme les banques. Hier, nous avons présenté hier une demande péremptoire visant des personnes non désignées nommément à la Banque Royale du Canada afin d'obtenir des renseignements sur des clients de la banque qui sont liés au cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, qui est le sujet des Panama Papers. La banque a d'ailleurs avisé l'ARC qu'elle ne s'opposera pas à cette demande judiciaire. Avec l'approbation des tribunaux, l'ARC obtiendra rapidement ces renseignements.
Troisièmement, le Bilan de vérification du revenu étranger, le formulaire T1135, a été nettement resserré en 2013 de manière à comporter, en matière de déclaration, des exigences plus précises et rigoureuses pour les contribuables canadiens qui détiennent des biens et des actifs à l'étranger. Le volume de ces rapports a augmenté de 50 % dans le sillage des mesures prises pour renforcer l'examen minutieux des activités à l'étranger.
Quatrièmement, nous allons mener au cours de l’année à venir une étude approfondie de la façon de mesurer l'écart fiscal pour déterminer comment cela pourrait s'appliquer au Canada. Une meilleure compréhension de cela pourrait nous aider à cibler plus efficacement nos activités d'observation.
Enfin, le Canada échange aussi très activement des renseignements avec ses partenaires signataires de conventions. Nous avons l’un des réseaux de conventions fiscales les plus vastes au monde, avec 92 conventions fiscales et 22 accords d’échange de renseignements fiscaux. Ces mesures nous aident aussi plus que jamais à repérer l’inobservation et à y réagir.
[Français]
Avec son plan d'action, l'Agence peut mieux cibler l'inobservation à l'étranger. En 2013, elle a mis sur pied plusieurs équipes spécialisées à l'échelle du Canada et a créé une division de l'observation à l'étranger.
[Traduction]
En 2014-2015, nous avons examiné près de 13 000 dossiers du secteur international et de grandes entreprises et près de 10 000 dossiers de planification fiscale abusive, et nous avons reçu près de 2 000 appels dans le cadre du Programme de dénonciateurs de l'inobservation fiscale à l'étranger, ce qui nous a permis de cerner 110 cas aux fins d'examen actif. Au cours des trois dernières années, nous avons aussi réorganisé notre division des enquêtes criminelles afin qu'elle se concentre davantage sur les cas les plus graves d'évasion fiscale et sur ceux qui font la promotion des stratagèmes leur donnant lieu. Ces efforts ont porté des fruits, car ils ont permis de générer des recettes supplémentaires de 1,57 milliard de dollars, soit près du triple de l’estimation initiale.
En avril, nous avons créé une nouvelle direction générale, dirigée par M. Gallivan, qui se penche exclusivement sur l'impôt international, la planification fiscale abusive, les grandes entreprises, les enquêtes criminelles et les stratégies de lutte contre l'évitement fiscal à l'étranger. Nos changements organisationnels sont soutenus par le troisième point de notre plan d'action: les ressources supplémentaires. Aujourd'hui, nous comptons plus de 6 400 vérificateurs. Il s'agit d'une augmentation de 20 % par rapport à 2006, dans un climat de restrictions budgétaires.
Le budget de 2016 comprend un investissement sans précédent de 444 millions de dollars dans des mesures qui permettront d'améliorer la capacité de l'ARC de lutter contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal à l’étranger. Au nombre de ces mesures, notons un programme spécial pour la poursuite de ceux qui conçoivent des stratagèmes fiscaux pour les plus fortunés et qui en font la promotion. Nous prévoyons que l’Agence pourra examiner ainsi 12 fois plus de stratagèmes fiscaux.
[Français]
Comme la l'a récemment annoncé, l'Agence utilisera aussi une partie de ces fonds pour embaucher des vérificateurs et des spécialistes, faisant passer de 600 à 3 000 par année le nombre d'examens axés sur les contribuables présentant un risque élevé. Elle embauchera aussi 100 vérificateurs supplémentaires pour la vérification de multinationales à haut risque.
Ainsi, le gouvernement fédéral prévoit dans l'ensemble que cet investissement à l'égard de l'Agence générera des recettes supplémentaires de 2,6 milliards de dollars sur cinq ans.
[Traduction]
Enfin, nos efforts à l'échelle nationale doivent être complétés par une collaboration avec nos partenaires internationaux, ce qui forme le quatrième point de notre plan d'action. Le Canada joue déjà un rôle primordial sur bon nombre de tribunes internationales pour lutter contre l'inobservation, notamment avec l'Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, et avec le Forum sur l'administration fiscale. Nous avons récemment ratifié la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, qui élargit encore plus notre réseau d'échange de renseignements fiscaux internationaux.
Grâce à notre collaboration avec l'OCDE, nous jouons un rôle actif dans plusieurs initiatives mondiales: le projet sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices de l'OCDE, visant à repérer les multinationales qui font des arrangements de planification fiscale internationale pour minimiser exagérément leurs impôts; la déclaration pays par pays pour les multinationales; et la mise en oeuvre d'une norme commune de déclaration en 2018.
Le Canada participe au réseau du Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux, le CICAFI, et coopère avec les pays du G8 et du G20 pour établir des mesures visant à lutter contre l'évitement fiscal et la planification fiscale abusive. Nous avons récemment assisté à une réunion du réseau du CICAFI à Paris dont le but était de coordonner les mesures à venir au sujet des Panama Papers. Selon nos propres sources de renseignements, avant la divulgation des Panama Papers, nous avions lancé 40 vérifications liées à Mossack Fonseca. Grâce aux efforts déployés plus récemment, l’ARC possède désormais des dizaines de milliers de dossiers de sources multiples. Elle utilisera ces dossiers, de même que d'autres données recueillies auprès de ses nombreuses sources, pour s'assurer que tous les contribuables canadiens identifiés dans les Panama Papers sont poursuivis.
Le vérificateur général a conclu en 2013 que l'ARC avait fait du bon travail de suivi sur les renseignements reçus au sujet de comptes à l'étranger dans le cadre de l'affaire du Liechtenstein et qu'elle avait amélioré ses processus lui permettant d'identifier les contribuables ayant des revenus non déclarés.
[Français]
En 2014, le vérificateur général a aussi conclu que l'Agence disposait des outils nécessaires pour découvrir, corriger et décourager le recours à la planification fiscale abusive. Depuis, elle a élargi considérablement l'éventail de ses outils.
[Traduction]
La semaine prochaine, je vais me joindre à des commissaires fiscaux de 46 pays pour une réunion du Forum sur l’administration fiscale à Beijing, en Chine, et nous allons travailler à resserrer les efforts internationaux.
Nous faisons des progrès, mais il nous reste du travail à accomplir. Nous devons continuer à peaufiner nos outils et à miser sur les investissements les plus récents. Il convient de souligner que le vérificateur général s’est penché à deux reprises sur le travail de l’Agence à ce chapitre et que les résultats ont été bons dans les deux cas.
En terminant, monsieur le président, je souligne que nous avons présenté aujourd’hui au Comité des renseignements très pertinents pour votre étude. Il s’agit des constatations générales issues d’un examen indépendant mené récemment sur la gestion par l’Agence du dossier KPMG. L’Agence a entrepris cet examen pour s’assurer qu’elle a exercé une diligence raisonnable dans son approche relative à cette affaire. L’Agence se trouve dans une position difficile puisqu’elle ne peut discuter en profondeur du dossier KPMG, lequel fait l’objet d’un litige en cours et d’une vérification assujettie aux dispositions législatives sur la confidentialité. Cela étant dit, l’examen mené par Mme Kimberley Brooks, ancienne doyenne de la Schulich School of Law de l’Université Dalhousie, confirme que l’Agence a agi de façon appropriée dans sa gestion du dossier KPMG.
Je vais m’arrêter ici. Nous serons ravis d’entendre vos points de vue et de répondre à vos questions sur les façons dont nous pouvons mieux cerner l’inobservation à l’étranger, y réagir et l’empêcher.
Merci.
:
Nous avons commencé à discuter de l'importance de cette motion lors de la dernière réunion.
[Français]
La motion que nous présentons est importante. En effet, trois rencontres ont été prévues, dont deux sont déjà complétées. La première impliquait un représentant de KPMG. Lors de la deuxième, celle d'aujourd'hui, nous avons reçu des représentants de l'Agence du revenu du Canada et du ministère de la Justice. Lors de la troisième, le 19 mai prochain, nous accueillerons la ministre. Cependant, à la lumière des deux rencontres que nous avons tenues jusqu'à présent, il sera extrêmement difficile de faire la lumière complète sur tout ce qui s'est passé, particulièrement sur la manière dont ce mécanisme a fonctionné.
Il est important pour nous de pouvoir représenter l'ensemble des contribuables, de pouvoir défendre la question de l'équité fiscale devant le système et de nous assurer que nous pourrons aller jusqu'au bout de cette enquête. Selon nous, il faudra, pour cela, avoir les noms des gens qui ont participé à la création de ce mécanisme, ceux qui en ont bénéficié. Cela permettra de comprendre leur interprétation de la législation et de la réglementation. Cela permettra aussi de savoir ce qui leur a été dit par les représentants de KPMG, dans ce cas.
Nous avions terminé la discussion par la possibilité de remplacer le mot « contraigne » par « demande », ou « compel » par « request » dans la version anglaise. Pour nous, il est extrêmement important d'utiliser le pouvoir du Comité de demander ces documents. Si on utilise les mots « requête » ou « demande », cela pourrait être refusé, sans obligation aucune, par KPMG, et nous ne serions pas plus avancés. Si KPMG refusait de nous remettre la documentation sans discuter, nous serions dans une situation où il serait difficile pour nous d'aller au fond des choses.
[Traduction]
Donc, notre motion demeure inchangée. Notre motion est une motion ferme qui vise à garantir que ce problème ne nous filera pas entre les doigts, qu'il ne tombera pas dans l'oubli et que le Comité continuera de jouer son rôle, qui est de s'assurer que l'on comprenne bien qu'une telle situation ne peut se reproduire et que nous exigerons des comptes aux personnes responsables, le cas échéant.
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Merci, monsieur le président.
Je vois un problème majeur dans la manière dont les libéraux présentent les choses.
En premier lieu, nous ne parlons pas des gens qui sont devant les tribunaux, mais plutôt de la requête de la ministre pour obtenir les noms des gens, qui est exactement la même que celle que nous formulons à ce comité. Nous nous faisons dire que, parce que la ministre demande les noms des responsables qui en ont bénéficié, nous ne pouvons pas faire cette demande. C'est extrêmement problématique.
En ce qui concerne les noms des cinq individus qui sont devant les tribunaux présentement, nous avons déjà exprimé notre volonté de les exclure de notre motion. En fin de compte, nous ne parlons que des gens qui ont bénéficié de l'amnistie. Qui parle d'amnistie parle de reconnaître sa culpabilité. En ce sens, nous ne devrions pas avoir de problème à exiger ces noms, ni à exiger également les noms des personnes responsables de l'élaboration de ce mécanisme.
Comme je l'ai mentionné, la grande différence entre contraindre et demander réside dans ce qui va se passer si l'on n'obtient rien. On veut simplement abandonner parce que le gouvernement du Canada pourrait être poursuivi ou se trouver en situation de litige.
Voulons-nous aller au fond des choses et réellement nous assurer que le gouvernement canadien défend les contribuables et le système, de sorte que les citoyens canadiens puissent faire confiance au système? Sinon, veut-on simplement diluer une motion pour s'assurer que KPMG n'aura pas l'obligation de donner ces documents, parce que cela pourrait être trop dangereux et trop risqué?
La motion qui est devant nous vise à exiger de KPMG qu'elle nous donne ces éléments d'information. Si KPMG refuse de le faire et décide de contester cette demande, elle aura à défendre sa décision devant la cour de l'opinion publique. Nous aurons également à défendre les contribuables et les citoyens de ce pays.
Le choix qui se pose aux députés du gouvernement est clair: voulez-vous diluer la motion, laisser passer un peu tout cela, laisser de l'eau couler sous les ponts et qu'on finisse par oublier tout cela, ou voulez-vous plutôt utiliser réellement les pouvoirs du Comité et éventuellement ceux de la Chambre pour exiger que ces documents soient disponibles à des fins publiques et pour s'assurer que les contribuables et les citoyens seront bien représentés et défendus? C'est le choix qui se pose aux députés du gouvernement.
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Je suppose que nous voulons passer rapidement au vote.
Un des aspects qui me préoccupent, c'est la question des noms des clients. Je pense qu'il faut assurer un certain degré d'équité et de protection des renseignements personnels pour les gens qui ont affaire avec l'Agence du revenu du Canada. Dans notre contexte politique, je ne suis pas toujours certain qu'il s'agit de la meilleure façon de traiter d'un enjeu quelconque, surtout lorsqu'on parle de gens dont nous ne connaissons rien de la situation personnelle. Donc, cela me préoccupe quelque peu, étant donné que j'accorde une grande importance aux questions liées à la protection de la vie privée.
D'un autre côté, lorsque nous avons lancé l'idée de nous pencher sur KPMG et l'affaire des Panama Papers — c'était dans les médias —, notre intention initiale était, je crois, de discuter avec les fonctionnaires puis de voir où cela nous mènerait au fil du temps. J'appuie fortement l'idée d'avoir plus de noms afin de mener une discussion plus approfondie et d'essayer de comprendre le fonctionnement de ces paradis fiscaux et le rôle du Canada sur la scène internationale. Je pense donc que c'est vraiment ce que nous devrions chercher à faire. Nous devrions essayer d'inviter plus de gens au Comité pour que nous puissions vraiment comprendre, pour qu'ils témoignent officiellement. Nous aurions ainsi une meilleure compréhension de cet enjeu.
Je ne sais pas ce que les autres en pensent, mais j'aimerais proposer une légère modification et non un amendement de fond. À mon avis, ce que je propose n'est absolument pas une modification de fond, mais l'idée dans ce cas, par exemple, est de retirer le mot « contraigne » et de le remplacer par « demande ». Cela ne nous empêche pas, plus tard, si KPMG refuse de fournir ces informations, de revenir et d'essayer encore une fois de régler le problème. Il faut aussi retirer la partie sur les noms des clients.
Essentiellement, la motion initiale est la suivante: « Que le comité contraigne KPMG à fournir les documents indiquant les noms des clients qui ont participé au stratagème de l'île de Man et les noms des employés de KPMG responsables de la conception et de la promotion du stratagème. »
Nous remplacerions cela par ce qui suit: « Que le comité... » non pas contraigne, mais « ... demande à KPMG de fournir les documents sur le stratagème de l'île de Man et les noms des employés de KPMG responsables de la conception et de la promotion du stratagème. »
J'estime cela ne constitue pas une modification de fond de la motion. Je crois que cela correspond toujours à ce que vous essayez de faire et que cela ne nous empêchera pas d'y revenir plus tard, si KPMG refuse de fournir plus de renseignements au Comité, pour que nous puissions poursuivre nos travaux et aller au fond des choses. Je félicite MM. Dusseault et Caron d'avoir attiré notre attention sur cet enjeu.