Pour poursuivre notre examen législatif de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, nous allons entendre cet après-midi plusieurs témoins.
Je tiens d'abord à m'excuser auprès de nos invités. Les députés à la Chambre ont rendu hommage aux Broncos de Humboldt, et c'est pourquoi nous avons commencé la réunion un peu en retard.
Sur ce, nous allons donner la parole aux témoins, après quoi nous passerons aux questions. C'est M. Binns, de l'ATM Industry Association Canada, qui ouvrira le bal.
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Merci, monsieur le président.
Au nom de l'ATM Industry Association of Canada, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à participer à l'examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Je m'appelle Curt Binns, et je suis le directeur général de l'ATMIA Canada. En tant qu'association industrielle indépendante à but non lucratif, l'ATMIA est vouée à la promotion non concurrentielle du secteur des guichets automatiques. Sa mission consiste à promouvoir la commodité, la croissance et l'utilisation des guichets automatiques à l'échelle mondiale, à en protéger les actifs, les intérêts, la bonne réputation et la confiance du public envers le secteur et à offrir à ses membres de l'information, des pratiques exemplaires, une voix politique et des occasions de réseautage.
L'ATMIA, qui compte plus de 830 membres au Canada, est fière d'être la voix de la collectivité canadienne. Elle appuie plus de 30 000 marchands et propriétaires de petites entreprises qui exploitent des guichets automatiques au Canada. Des millions de Canadiens utilisent, en toute sécurité, des guichets automatiques de grande qualité pour un accès pratique à leur argent, n'importe quand et n'importe où, y compris dans des localités éloignées et des régions délaissées par les banques.
À titre de porte-parole des exploitants de distributeurs automatiques de billets, l'ATMIA aimerait profiter de cette occasion pour parler des risques, réels et perçus, associés à l'utilisation de guichets automatiques privés aux fins de blanchiment d'argent.
Depuis 1996, il n'y a eu qu'une affaire criminelle mettant en cause des guichets automatiques privés au Canada. Rappelons que les guichets automatiques privés au Canada sont réglementés. Depuis 2009, ils sont visés par des règlements précis en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Ces règlements obligent tous les propriétaires de guichets automatiques à fournir une énorme quantité de renseignements, entre autres, sur eux-mêmes, sur la source de l'argent comptant utilisé pour remplir le guichet automatique, sur l'emplacement de la machine, ainsi que des détails sur le compte bancaire canadien dans lequel le guichet automatique déposera les fonds destinés à être retirés.
Si un propriétaire d'entreprise possède de nombreux guichets automatiques ou y enregistre des volumes élevés de transactions, il est également tenu de fournir des attestations de vérification des antécédents criminels. Le propriétaire doit déposer tous ces documents auprès des organismes de réglementation pour que le guichet automatique soit fonctionnel. Les règlements exigent aussi la tenue de vérifications annuelles, assorties de la documentation nécessaire.
En conclusion, l'ATMIA prend au sérieux le risque de blanchiment d'argent et, à cet égard, elle collabore avec les organismes de réglementation et les organismes gouvernementaux pour veiller à ce que les procédures et les garanties appropriées soient en place afin d'atténuer ce risque.
Je vous remercie infiniment, et je demeure à votre disposition si vous avez des questions.
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Merci, monsieur le président. Bonjour à tous, et merci de nous donner l'occasion de témoigner aujourd'hui devant votre comité à propos d'un sujet très important.
Je m'appelle Peter MacDonald, et je suis président du conseil d'administration de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles, communément appelée CADA. Je suis également un concessionnaire d'automobiles neuves à l'Île-du-Prince-Édouard. Comme on l'a mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de notre économiste en chef, Michael Hatch.
La CADA est un regroupement national de concessionnaires franchisés d'automobiles et de camions neufs. Nos plus de 3 200 concessionnaires forment un secteur vital de l'économie canadienne. Nous représentons toutes les marques de véhicules disponibles au Canada, et nos concessionnaires emploient plus de 150 000 Canadiens. Chaque année, les commerces de nos membres vendent aux consommateurs canadiens des biens et des services d'une valeur de près de 120 milliards de dollars. Ce chiffre correspond à presque 6 % du PIB et représente plus de 20 % des ventes au détail qui se font au Canada tous les ans.
Jusqu'ici en 2018, notre secteur a connu une croissance constante après cinq années consécutives de ventes records de véhicules neufs. Les investissements effectués par le gouvernement dans l'industrie automobile, notamment les 13 milliards de dollars dans le cadre du programme de facilité de crédit garanti, ont donné de bons résultats et procuré des profits aux contribuables. Je suis également heureux d'annoncer que notre secteur continue à faire de grands progrès pour mettre en marché plus de véhicules éconergétiques que jamais, grâce à l'utilisation de nouvelles technologies et de matériaux légers.
Pour en venir au problème du crime organisé, il s'agit d'une question qui préoccupe nos membres au plus haut point. Trop souvent, nos commerces de détail sont ciblés par les tentatives concertées d'organisations criminelles qui cherchent à dérober des quantités considérables de véhicules, dont la valeur totale s'élève souvent à plusieurs millions de dollars. Notre association nationale coopère depuis longtemps avec le gouvernement afin de sévir contre le crime organisé. Notre équipe a d'ailleurs participé au réseau fédéral des entreprises pour la prévention du crime, en plus de collaborer avec le ministère de la Justice à l'élaboration d'une mesure législative relative aux véhicules volés, mesure qui s'attaque également au trafic de pièces d'automobiles volées et à l'exportation de véhicules volés en provenance du Canada.
Les enquêtes menées par la CADA ont révélé chaque fois que les grosses transactions mettant en cause d'importantes sommes d'argent comptant sont très rares dans notre secteur et font systématiquement l'objet d'un suivi, comme l'exigent les pratiques bancaires actuelles. D'après nos recherches, les transactions en numéraire de plus de 10 000 $ représentent moins de 1 % des ventes. Fait plus important encore, ces transactions s'accompagnent d'un lot de documents, tant chez le concessionnaire qu'à son institution financière. L'année dernière, 92 % des ventes totales de véhicules neufs ont été financées au moyen d'un prêt ou d'un crédit-bail; quant au reste, c'est-à-dire sur les 8 %, seule une infime partie des transactions ont été effectuées en argent comptant.
Les concessionnaires d'automobiles forment un groupe spécial du secteur de la vente au détail. Ils vendent des articles très coûteux. Ils ont donc beaucoup moins de transactions que les autres commerces de détail qui vendent un plus grand volume de petits articles et de services. Entre le fabricant et le concessionnaire et entre celui-ci et le client, il existe une foule de documents sur l'ensemble des transactions liées à l'achat de véhicules neufs au Canada et sur le financement de ces véhicules. En raison de ce suivi exhaustif de l'inventaire jusqu'à l'acheteur, toute transaction en argent comptant de plus de 10 000 $ est déjà inscrite à la banque.
Prenons, par exemple, le cas simple, mais rare, où un client achète un véhicule qu'il paie comptant. Le véhicule serait suivi dès son retrait de l'inventaire, et la banque ou l'institution financière qui fournit le financement de stocks serait informée de la vente du véhicule. À partir de là, le dépôt de l'argent effectué pour la vente du véhicule serait signalé et repéré par la banque. Les concessionnaires qui contourneraient ce processus de déclaration s'exposeraient à l'annulation de leur contrat de franchise — une conséquence beaucoup plus lourde qu'une simple amende. Cela dit, la CADA et ses membres, qui sont socialement responsables, sont disposés à collaborer avec le gouvernement en ce qui concerne la documentation relative à ces transactions, si rares soient-elles.
Voici donc ce que recommande la CADA: il vaut la peine de marquer un temps d'arrêt pour s'assurer que tout nouveau règlement donne les résultats attendus avant de viser de nouveaux secteurs de l'économie. Je le répète, la CADA est disposée à collaborer avec le Comité et le gouvernement pour faire la vie dure aux organisations criminelles. Nos réalisations à cet égard en témoignent et elles ne se démentiront pas.
Je vous remercie de votre attention. M. Hatch et moi serons ravis de répondre à vos questions tout à l'heure. Merci.
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J'en suis honorée. Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour faire part de mes observations sur la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Avocate de formation, je suis directrice des politiques pour le Canada à la Foundation for Defense of Democracies, un groupe de réflexion, situé à Washington D.C, qui se consacre à la sécurité nationale et à la politique étrangère. Je travaille également en étroite collaboration avec la Canadian Coalition Against Terror, un organisme sans but lucratif qui regroupe des victimes canadiennes d'actes terroristes, des professionnels de l'antiterrorisme, des avocats et d'autres personnes résolues à lutter contre le terrorisme et à aider les victimes à reconstruire leur vie. J'ai eu l'honneur de recevoir la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II pour ma contribution à l'avancement d'une politique publique saine en matière de terrorisme au Canada.
Si je mentionne ces titres, c'est uniquement pour mettre en contexte mes propos d'aujourd'hui. J'aborderai cet examen quinquennal du cadre législatif de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes selon une perspective stratégique et politique générale. Voici donc les grandes lignes de mes recommandations.
Premièrement, il convient de créer une subdivision contre le financement du terrorisme, plus précisément le financement des activités de radicalisation. Le gouvernement continue de mettre l'accent sur la lutte contre la radicalisation, qu'il considère comme un élément fondamental de l'antiterrorisme. Si l'un des moyens de prévenir le terrorisme est d'en cibler le financement, alors nous devons également endiguer le financement de la radicalisation comme mesure de prévention. Tant que les partisans étrangers d'idéologies extrémistes auront l'entière liberté d'investir des milliards de dollars dans les institutions scolaires, religieuses et culturelles au Canada et en Occident, la menace de l'extrémisme et de la radicalisation et, par extension, la menace du terrorisme ne feront que s'intensifier.
Tout comme on permet au CANAFE de communiquer des renseignements à l'ARC lorsqu'il a des motifs raisonnables de soupçonner que ces renseignements risquent de servir à des activités de blanchiment d'argent, d'évasion fiscale ou d'abus des organismes de bienfaisance par des terroristes, on devrait peut-être aussi l'autoriser à communiquer des renseignements à l'ARC lorsqu'il soupçonne que ces renseignements pourraient se rapporter au financement de la radicalisation dans le secteur des organismes de bienfaisance ou des organismes sans but lucratif.
Deuxièmement, j'ai pris note avec intérêt du témoignage d'Annette Ryan, qui a expliqué comment les produits de la criminalité saisis sont versés au Trésor du gouvernement, ce qui alimente ensuite les budgets ministériels. Permettez-moi de proposer qu'une partie, voire une petite fraction des sommes saisies, surtout si elles se rapportent au financement du terrorisme, soient déposées dans un fonds destiné à offrir du soutien aux victimes d'actes terroristes.
Le paragraphe 83.14(5.1) du Code criminel prévoit que le produit de la disposition de biens liés au terrorisme peut être utilisé pour dédommager les victimes d'activités terroristes conformément aux règlements pris par le gouverneur en conseil. À ma connaissance, le gouverneur en conseil n'a jamais créé ce genre de règlements, et l'argent n'a jamais servi à appuyer les victimes d'actes terroristes. Cela ne fait qu'aggraver un problème plus vaste, à savoir le manque d'appui gouvernemental pour les victimes du terrorisme au Canada, surtout celles qui ont perdu un être cher ou qui ont subi des préjudices à la suite d'une attaque terroriste à l'étranger.
Troisièmement, du point de vue plus global des politiques dans le contexte de nos efforts de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, et peut-être plus précisément au regard du paragraphe 11.49(1) de la loi, le gouvernement du Canada devrait faire preuve d'une grande précaution lorsqu'il permet à des entreprises et à des institutions financières canadiennes de mener des affaires en Iran et avec l'Iran, car ce pays continue de présenter un grand risque, comme l'a d'ailleurs reconnu le Groupe d'action financière.
L'Iran n'a rien fait pour régler les problèmes endémiques de blanchiment d'argent qui sévissent dans tous les secteurs de son économie et qui sont aggravés par la corruption financière systémique dans l'ensemble des organismes gouvernementaux de l'Iran. Les Gardiens de la révolution islamique iranienne, qui contrôlent jusqu'au tiers de l'économie du pays, produisent des centaines de millions de dollars en faux billets par l'entremise de leur Force Al-Qods, qui est désignée comme une entité terroriste au Canada. Selon le secrétaire au Trésor américain, le stratagème de contrefaçon de la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution islamique iranienne met en évidence les risques sérieux auxquels s'exposent tous ceux qui font affaire avec l'Iran; pourtant, les Gardiens de la révolution islamique iranienne continuent de dissimuler leur intervention dans l'économie iranienne et de se cacher derrière la façade d'entreprises légitimes pour concrétiser leurs intentions malveillantes.
Quatrièmement, et sur un plan plus technique, on devrait ériger en infraction criminelle le fait, pour une entité ou un particulier, de structurer les opérations, c'est-à-dire d'effectuer une série d'opérations de manière à contourner les exigences de déclaration. Aux États-Unis, la structuration des transactions est un acte criminel. J'ai eu récemment un long entretien avec Danny Glaser, qui siège au conseil consultatif du Center on Sanctions and Illicit Finance de la FDD, où je travaille. Il était auparavant au service du département du Trésor des États-Unis, à titre de secrétaire adjoint pour la lutte contre le financement du terrorisme au sein de l'Office of Terrorism and Financial Intelligence. Il m'a dit que beaucoup de gens aux États-Unis se font prendre à commettre des infractions de structuration et, à cet égard, il m'a renvoyée plus précisément au titre 31 de l'article 5324 du code américain.
M. Glaser a ajouté que le régime est incroyablement désuet, compte tenu de l'exigence de présenter un rapport d'activités suspectes pour certains montants d'argent. L'intelligence artificielle et l'apprentissage machine détermineront, au bout du compte, si une personne agit de manière conforme à son profil. Les banques investissent déjà des centaines de millions de dollars dans la technologie pour surveiller les activités financières de leurs clients. Le milieu financier connaîtra beaucoup de changements grâce à la technologie.
Cinquième et dernier point: les entreprises de véhicules blindés, qui offrent des services spécialisés de transport sécuritaire d'argent comptant et d'autres articles de valeur, doivent être assujetties à notre régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, comme c'est le cas aux États-Unis. Toujours selon Danny Glaser, les véhicules blindés constituent l'un des principaux moyens par lesquels les cartels de la drogue ont acheminé de l'argent du Mexique vers les États-Unis. Il est donc très important — du moins, là-bas — que ces véhicules soient réglementés.
J'ai plusieurs autres observations à faire, mais je vais m'arrêter là en raison des contraintes de temps. Merci encore une fois de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de témoigner. J'ai été invité à participer en tant que représentant de la Heffel Gallery Limited. Je travaille pour Heffel depuis 20 ans, et je suis son représentant à Ottawa.
Je vais commencer par vous donner un aperçu de notre société et de la place qu'elle occupe au sein du marché de la vente aux enchères d'art canadien. Heffel est une galerie spécialisée dans l'art haut de gamme qui a été fondée à Vancouver en 1978. En 1995, elle a tenu sa première vente aux enchères. Au cours des 22 dernières années, la société a pris beaucoup d'expansion; elle compte maintenant une trentaine d'employés dans ses bureaux à Vancouver, Calgary, Toronto, Montréal, et moi ici à Ottawa. Nous nous occupons d'environ 70 % des oeuvres d'art vendues aux enchères au Canada.
Heffel vend environ 2 000 oeuvres d'art par année, dont presque la totalité lors d'enchères publiques. Environ 300 sont vendues en salle, et le reste en ligne. Lors d'une enchère en salle, le total des ventes varie habituellement entre 15 millions et 20 millions de dollars, alors que pour les 11 enchères en ligne, les ventes annuelles sont d'environ 10 millions de dollars. Le record de ventes d'Heffel lors d'une enchère a été de 42 millions de dollars en 2016. L'oeuvre la plus chère vendue est une toile de Lawren Harris pour 11,2 millions de dollars. Son record de ventes annuelles a été d'environ 70 millions de dollars, également en 2016. Si j'ai été invité ici, c'est sans doute parce que les ventes de nos plus proches concurrents dans le marché de la vente aux enchères d'art canadien sont d'environ le dixième de cela. J'espère que ces renseignements vous donnent une idée de la place qu'occupe Heffel dans le marché.
Je vais maintenant aborder la question des risques que nos activités servent à blanchir de l'argent. Les gens semblent se faire une fausse idée des maisons de vente aux enchères et penser qu'elles fonctionnent dans un monde occulte d'acheteurs et de vendeurs anonymes, et que ceux qui nous demandent de vendre leurs toiles de plusieurs millions de dollars ou encore les mystérieux milliardaires qui misent lors des enchères sont pour nous de parfaits inconnus. En fait, les activités de vente aux enchères d'art haut de gamme au Canada sont extrêmement transparentes. Connaître nos acheteurs et nos vendeurs est sans doute ce qui est le plus important pour nous. Beaucoup d'entre eux font partie des grands noms du monde des affaires et de la scène publique. Nous n'acceptons pas d'oeuvre à moins d'être totalement certains de l'oeuvre même et du droit de son propriétaire de la vendre.
Il faut aussi savoir qu'en vendant une oeuvre provenant d'une source inconnue, outre la question éthique, nous nous exposerions à des risques financiers énormes si on découvrait plus tard que l'oeuvre n'avait pas été acquise de manière légitime. De plus, nous n'acceptons jamais de paiements d'une tierce partie, et nous remettons toujours le produit de la vente au consignateur, jamais à une tierce partie.
Qui plus est, contrairement aux biens d'autres industries qui peuvent être séparés en composantes anonymes, une oeuvre d'art est toujours reconnaissable. Un des meilleurs outils à notre disposition pour retracer la provenance d'une oeuvre est notre base de données d'oeuvres d'art canadiennes vendues aux enchères au cours des 45 dernières années. L'index comprend une description complète, une photo et le prix de vente de chaque oeuvre. Nous expédions aussi ces détails dans des bases de données d'oeuvres d'art indépendantes partout dans le monde. Le Registre des oeuvres d'art perdues est un organisme qui retrace les oeuvres d'art volées, et le Musée des beaux-arts du Canada tient un registre de toutes nos ventes. Si quelqu'un veut retracer une toile qui a été vendue par notre entremise, il lui faudra quelques minutes, et même secondes, pour savoir quand elle a été vendue et pour combien. L'index étant accessible au public, il n'y a pas que l'ASFC, l'Agence des services frontaliers du Canada, ou encore le SCRS, par exemple, qui peuvent l'utiliser, mais aussi le grand public. Si on compare cela à la vente de presque tout bien mobilier de grande valeur, ou la vente privée d'une oeuvre d'art par l'entremise d'un marchand, on constate que les activités de vente aux enchères sont dotées d'une transparence intrinsèque qui les séparent des autres secteurs de l'industrie et des autres industries.
Il est également important pour nous de faire preuve de diligence au moment d'établir l'identité des acheteurs et de déterminer leur solvabilité et leurs intérêts. Un acheteur introuvable est bien la dernière chose qu'on souhaite lors d'une enchère. Vous pouvez imaginer l'effet que cela aurait sur notre réputation d'avoir vendu une toile d'un million de dollars à un acheteur inconnu. Il est de notre propre intérêt de surveiller de près tous nos acheteurs. Lors d'une enchère en salle, une personne ne peut miser sans avoir présenté de pièces d'identité. Pour les enchères en ligne, le processus d'enregistrement requiert que la personne fournisse des renseignements personnels et bancaires importants. De plus, tous nos bureaux sont reliés en réseau à nos bases de données centrales sur les acheteurs, les vendeurs et les oeuvres d'art.
Environ 8 % des oeuvres sont achetées par des acheteurs internationaux, qui doivent se procurer un permis d'exportation pour toute toile ou sculpture qui a plus de 50 ans et a une valeur de 15 000 $ ou plus. Toutes nos ventes transitent par notre banque, la Banque Royale du Canada. Les comptes d'Heffel, qui comprennent les noms, adresses et coordonnées de tous nos acheteurs et vendeurs, sont mis à la disposition des autorités compétentes, bien sûr, pour toute inspection au besoin.
Une autre idée fausse qui circule au sujet des enchères concerne les paiements en espèces. Nous encourageons les acheteurs à procéder par télévirement. Dans nos modalités de paiement, nous précisons que les paiements doivent être faits par virement bancaire, chèque visé, traite bancaire ou chèque, et être accompagnés d'une lettre de crédit de la banque de l'acheteur. Nous acceptons également les paiements par carte de crédit, mais comme ils réduisent de beaucoup notre commission — les frais de transaction sont basés sur la valeur totale de l'oeuvre, alors que notre commission est basée sur un pourcentage de sa valeur —, nous tentons de décourager cette pratique.
Nous acceptons très rarement des paiements en espèces. En 2016, nos ventes totalisaient environ 70 millions de dollars, et les paiements en espèces représentaient un peu plus de 50 000 $, le montant le plus élevé étant de 7 500 $. Toutefois, aucun vendeur n'est payé en espèces. Tous les paiements sont faits par chèque ou télévirement.
Je présume que nos concurrents immédiats dans le milieu ont sensiblement la même très faible proportion de paiements en espèces.
J'espère avoir rassuré les membres du Comité que l'industrie des enchères d'oeuvres d'art au Canada, comme en témoignent les activités d'Heffel, est loin d'être un paradis pour ceux qui veulent blanchir de l'argent.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Monsieur le président et membres du Comité, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de participer à votre examen.
[Français]
Je tiendrai mes propos en anglais. Cependant, je serai heureux de répondre à vos questions en français ou en anglais.
[Traduction]
Je travaille depuis 30 ans comme juricomptable, chargé de cours au MBA et expert en matière de lutte contre la corruption et la subornation. Je suis également conseiller principal au Centre canadien d'excellence en anticorruption à l'Université d'Ottawa. Le centre est une plateforme en milieu universitaire qui fait la promotion de pratiques éthiques pour contrer la corruption, la subornation et le blanchiment d'argent.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, la corruption et le blanchiment d'argent vont main dans la main. Un rapport publié par la Banque mondiale établit clairement le lien qui existe entre la corruption et le blanchiment d'argent. Selon certains experts et reportages des médias, le terme « snow washing », qui veut dire rendre l'argent sale blanc comme neige, et « modèle de Vancouver » sont maintenant associés au blanchiment des produits de la criminalité au Canada.
La réputation du Canada doit être protégée du tort qui pourrait lui être causé. Je recommande donc qu'on corrige les lacunes recensées en modifiant cette loi et les autres lois de la façon suivante.
La première modification concerne la propriété effective.
Il est indispensable que le Canada rende la propriété effective plus transparente pour éviter les abus des sociétés et fiducies détenues par des propriétaires bénéficiaires secrets. Pour ce faire, il faut procéder à une réforme urgente des registres des sociétés dans les 14 administrations au pays pour que les renseignements sur la propriété effective soient non seulement recueillis, mais aussi inscrits dans un registre accessible au public.
En plus de rendre l'information accessible, la loi doit être modifiée pour exiger de toutes les entités déclarantes qu'elles vérifient l'identité des propriétaires bénéficiaires; qu'elles vérifient si leurs clients sont des personnes politiquement vulnérables, ou encore des membres de leur famille ou des associés; et qu'elles vérifient l'identité des propriétaires bénéficiaires à l'aide de pièces d'identité approuvées par le gouvernement avant de leur ouvrir un compte ou d'effectuer une transaction financière.
La deuxième modification concerne les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de blanchiment d'argent.
Les procureurs ayant de la difficulté à intenter des poursuites en raison de la complexité inhérente à l'établissement d'un lien entre le blanchiment d'argent et les activités criminelles sous-jacentes, nous recommandons que le gouvernement modifie le Code criminel afin de faciliter les enquêtes et la preuve et qu'il accroisse les ressources des responsables de l'application de la loi et des procureurs afin qu'ils fassent appliquer les dispositions du Code criminel qui portent sur le blanchiment d'argent.
Enfin, le dernier point porte sur le rôle des professionnels du droit dans les stratagèmes de blanchiment d'argent.
Les professionnels du droit sont, par nature, très exposés au blanchiment d'argent. Selon des journalistes, « Les propriétaires d'entreprise qui ne veulent pas voir leur nom dans les registres des sociétés canadiennes peuvent payer un avocat ou un remplaçant pour apparaître dans tous les documents publics. »
Lorsque les avocats s'occupent de transactions financières au nom de leurs clients, et que les clients utilisent des titres négociables à risque de blanchiment d'argent, on devrait exiger des avocats de savoir qui sont leurs clients et d'être redevables de faire diligence raisonnable, de s'acquitter de leurs obligations et de s'informer de la source des fonds et de la richesse de leurs clients.
Pour ce faire, nous recommandons au gouvernement d'intégrer les professionnels du droit au régime de lutte contre le RPC-FAT d'une façon qui respecte la Constitution; et que la loi désigne à haut risque toutes les transactions financières effectuées par des professionnels du droit, en particulier ceux qui utilisent des comptes en fiducie, et qu'elle exige des entités déclarantes qu'elles fassent preuve d'un surcroît de diligence pour ces transactions, notamment qu'elles établissent l'identité du propriétaire bénéficiaire et la source des fonds.
En terminant, je veux insister sur le fait que le Canada doit prendre des mesures immédiatement pour changer la perception voulant qu'il accepte, et même encourage, les comportements liés à la corruption.
Je vous remercie de votre temps. J'espère sincèrement que mes commentaires seront utiles pour lutter contre le blanchiment des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes au Canada.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Après les commentaires de M. Tassé, il est important que je prenne mes distances immédiatement de ma profession d'avocat.
En plus de mon rôle à Cassels Brock, je suis également à la tête d'une entreprise appelée Canadian Compliance Group. En collaboration avec notre partenaire de logiciels, Resolver Inc., nous fournissons un logiciel de gestion des risques liés à la conformité à un peu plus de 20 institutions financières canadiennes. Environ 15 d'entre elles sont des petites et moyennes banques.
En 2012, avec Warren Law de ICICI Bank, j'ai créé un groupe spécial d'agents de conformité travaillant dans le milieu des petites et moyennes banques au Canada. Nous nous rencontrons régulièrement depuis 2012 pour donner l'occasion aux agents de conformité d'échanger de l'information et de discuter des problèmes liés à la conformité. Cela a évolué avec le temps, et en raison des rôles que je joue au sein de la communauté des petites banques, les gens en sont venus à me considérer comme quelqu'un ayant une bonne connaissance des problèmes et préoccupations au sein de cette communauté, et c'est en portant ce chapeau que je suis ici aujourd'hui.
Au sujet de la communauté des petites banques, et avant de parler de leurs problèmes et préoccupations, j'aimerais mentionner que je suis un peu différent des autres témoins présents aujourd'hui, en ce sens que je représente un groupe qui est actuellement réglementé, par opposition à un groupe qui ne l'est pas. Pour nous, c'est une question d'équilibre. Depuis la fin des années 1990, les gouvernements qui se sont succédé ont eu comme politique d'appuyer les nouveaux venus dans l'industrie bancaire, et grâce aux avancées, notamment dans le domaine de la technologie, la fintech comme on l'appelle maintenant, la communauté des petites banques commence à se développer, à se renforcer et à prospérer. Les petites banques trouvent des façons novatrices d'offrir leurs services aux Canadiens, et nous avons maintenant plus de 20 ou 25 petites banques au pays, en plus des six grandes que nous connaissons tous très bien.
Pour ce qui est du régime de lutte contre le blanchiment d'argent ou de toute question liée à la réglementation, ce qu'il faut, c'est arriver à un équilibre qui permettra d'appuyer les nouveaux venus et d'encourager la concurrence au sein de l'industrie, sans l'étouffer par une réglementation excessive.
Il y a quelques années, le groupe avec qui je travaille a été sondé par le BSIF. On lui a posé deux questions: premièrement, parmi les règlements qui s'appliquent à votre institution, quels sont ceux qui vous imposent le plus lourd fardeau, et deuxièmement, quels sont ceux qui vous sont le plus utiles? Au sujet de l'utilité, je vais vous donner un exemple. Bien que les exigences en matière de capitaux propres imposent un lourd fardeau aux petites banques, elles reconnaissent d'emblée que cette mesure est très avantageuse pour elles, car cela les oblige à adopter de solides pratiques de gestion du risque en veillant à ce qu'elles aient suffisamment de fonds pour soutenir leurs modèles d'affaires. Le fardeau réglementaire présente donc dans ce cas un réel avantage pour elles.
Le seul élément recensé qui présente le plus grand déséquilibre pour elles est la conformité relative au blanchiment d'argent. Parmi toutes les exigences réglementaires imposées au secteur, c'est là où se trouve le fardeau le plus lourd et le moins utile pour elles. Cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas conscientes de l'importance de la conformité aux mesures de lutte contre le blanchiment d'argent et de la nécessité de faire leur part pour appuyer la cause, mais pour ce qui est de trouver un équilibre entre les deux priorités, lutter contre le blanchiment et stimuler le secteur pour assurer sa prospérité, il faut comprendre les répercussions du fardeau sur l'atteinte de ces objectifs qui s'opposent.
Si l'industrie a une recommandation à vous faire, c'est de mettre en place davantage de règlements fondés sur des principes, car cela permet aux institutions d'examiner les objectifs des règlements et de trouver la meilleure façon de les atteindre sans leur occasionner des dépenses exorbitantes.
La seule préoccupation que l'industrie a à ce sujet est qu'il faut aussi que les organismes de réglementation soient en mesure de relever le défi, car tout règlement basé sur des principes nécessite qu'ils aient des superviseurs expérimentés qui comprennent et acceptent que les petites institutions soient différentes des grandes. Vous avez certainement entendu l'expression « solution unique ». Les organismes de réglementation font leurs classes, si on veut, en apprenant ce que les grandes institutions font avec les vastes ressources qui sont à leur disposition, puis ils essaient d'appliquer la même recette à une petite institution, qui peut avoir un profil de risques très différent. Si on décide d'opter pour une réglementation fondée sur des principes, il sera alors très important de veiller à ce que les organismes de réglementation soient à la hauteur.
Ce sont là mes commentaires. Comme les autres témoins, je serai heureux de répondre à vos questions.
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Permettez-moi de fournir certains chiffres.
Par exemple, au cours des huit dernières années seulement, soit entre 2010 et 2017, la proportion des ventes de nouveaux véhicules qui ont été réglées au complet en argent comptant est passée de 17 % du marché à 8 % l'an dernier. Cela signifie que plus de 92 % des acheteurs de voitures neuves louent avec option d'achat ou achètent à l'aide d'un emprunt, par opposition au fait de régler la facture au complet en argent comptant.
En fait, il s'agit là d'un simple indicateur de ce que nous essayons de dire, car, bien entendu, quelqu'un pourrait par exemple fournir une grosse mise de fonds en argent comptant et quand même contracter un emprunt pour la moitié du véhicule. Sauf que, de nos jours, toutes les fois qu'une transaction est réglée avec un apport important d'argent comptant, ce n'est jamais de l'argent en billets de toute manière, ce qui renvoie à ce que Peter disait. C'est peut-être une fraction de 1 %, ou quelque chose d'insignifiant comme ça. Il y a une génération, il était peut-être plus commun que maintenant de voir des transactions misant sur des quantités importantes de billets, du moins, dans certaines parties du pays, mais dans l'économie et la réalité actuelles, cela ne se fait tout simplement plus. Selon ce que nous en savons, la proportion de transactions au comptant a diminué, et la portion de ces transactions où il y a échange de billets a aussi diminué.
Vos observations sur le crime de la structuration des opérations m'ont beaucoup intéressée.
Monsieur Tassé, je ne sais pas si cela vous interpelle aussi, mais en ce qui me concerne, je trouve qu'il y a là un intérêt particulier, attendu qu'au Canada, de toute évidence, il y a une décision de la cour concernant les avocats qui interviennent au nom de leurs clients. Je me demandais si, selon vous ou dans les faits, le crime consistant à structurer des opérations était couvert par le secret professionnel des avocats, car cela ne fait pas vraiment partie du privilège dont le client jouit en vertu de ce secret professionnel, mais bien du crime de structuration des opérations. Est-ce ainsi que cette question est envisagée en général? S'agit-il d'une interprétation propre aux États-Unis ou de quelque chose de complètement différent?
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Merci beaucoup de cette invitation à vous faire part d'autres observations. J'en ai effectivement quelques-unes à évoquer.
Pour commencer, je vous dirais que, dans son rapport sur le Canada, le GAFI — le Groupe d’action financière — a indiqué que certaines des sanctions prévues pour les infractions commises aux termes des lois sur le blanchiment d’argent ou le financement d’activités terroristes ne sont pas suffisamment sévères et dissuasives. Le rapport recommande que ces sanctions soient modifiées, et je suis on ne peut plus d'accord avec cette recommandation.
Cela semble également symptomatique d'un problème de plus grande envergure qui plombe un certain nombre de lois canadiennes au chapitre de l'exécution et des sanctions. Il y a quelques années, j'ai comparu devant un autre comité pour parler des problèmes de conformité du Canada en matière d'exportation et d'importation. En avril 2014, il y a eu cette affaire où une société albertaine appelée Lee Specialties Ltd. a été mise à l'amende pour avoir exporté illégalement certaines marchandises à double usage en Iran. Cela leur a coûté 90 000 $, mais les recettes de la société s'élevaient à 29 millions de dollars, alors il s'agissait d'une sanction très modeste. Cela en disait long sur le faible taux de poursuites et la légèreté des sanctions qui caractérisent le Canada, sujet sur lequel un certain nombre d'experts internationaux se sont d'ailleurs prononcés.
Une autre de mes recommandations a trait à ce dont un autre témoin, M. Shahin Mirkhan, a déjà parlé. M. Mirkhan a dit ceci: « Je suis certain que vous direz au CANAFE de se renseigner sur les fonctionnaires du gouvernement de l'Iran qui ont la double citoyenneté au Canada. Ils blanchissent de l'argent au Canada à partir de Dubai, de l'Europe et d'ailleurs. » C'est ce qu'il a dit. Il avait en fait tout à fait raison: les représentants du gouvernement iranien et les membres de leurs familles se servent du Canada pour placer de l'argent obtenu illégalement — notamment par l'intermédiaire de la corruption. L'Iran a l'un des gouvernements les plus corrompus qui soient. Il n'y a pas matière à débattre; je peux fournir une pléthore de preuves à ce sujet.
À cet égard, je pensais qu'en plus d'utiliser CANAFE et nos organismes d'application de la loi pour mieux enquêter sur ce type de problème, nous devrions utiliser plus efficacement les autres lois complémentaires dont nous disposons déjà. Je sais que le Canada s'est récemment doté de sa propre loi Magnitsky, comme l'ont fait un certain nombre d'autres pays. Je sais que nous avons imposé des sanctions à certains représentants de la Russie et du Venezuela, mais aucune sanction n'a encore été imposée aux termes de cette loi Magnitski à des représentants iraniens. Cette loi a été créée précisément pour répondre à ce que font ces personnes. Il est question de violation éhontée des droits de la personne. Il est question de corruption systémique et profonde. Tout ce que je dis, c'est que dans le cadre du présent examen à propos de notre régime, il serait important de nous focaliser également sur les autres lois que nous avons déjà et que nous devrions utiliser de manière plus efficace.
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Merci beaucoup pour cette question. Puis-je revenir un moment sur la question que vous avez posée au témoin précédent?
M. Pierre-Luc Dusseault: Oui, je vous en prie.
Mme Sheryl Saperia: Je crois qu'il était question d'infraction sous-jacente et de la difficulté de prouver ce type d'infraction.
Avec tout le respect que je vous dois, si j'étais membre du Comité — je n'ai pas l'autorité voulue pour le faire —, je trouverais fort intéressant d'inviter un procureur canadien, un procureur américain et, peut-être, un procureur britannique spécialisés dans ce type de crime afin d'entendre ce qu'ils auraient à dire à ce sujet. J'ai parlé avec certains de mes collègues américains et ils m'ont affirmé qu'ils avaient les mêmes exigences que les nôtres en matière de preuve. Le seuil de la preuve n'est pas plus bas, par exemple, en ce qui concerne le sens de « reckless ». Au Royaume-Uni, c'est le terme « suspect » qui est utilisé comme seuil inférieur. Aux États-Unis, ils n'ont pas cela: chacun des éléments de l'infraction — y compris le fait de savoir que les produits doivent avoir été obtenus de manière illégale de quelque façon que ce soit — doit être prouvé hors de tout doute raisonnable, et pourtant, cela ne semble pas les empêcher d'aboutir à des condamnations.
Il serait vraiment intéressant de voir comment les systèmes se comparent, et les raisons qui font que nous n'allons pas jusqu'au bout. Et puis, bien entendu, en ce qui concerne le Royaume-Uni, la notion de « suspect » n'est pas la même qu'ici. J'essaie de comparer certains des termes. Ce serait une comparaison des plus intéressantes à faire.
M. Pierre-Luc Dusseault: Merci.
Mme Sheryl Saperia: Pour ce qui est de votre question sur le fait que le terrorisme vient ici plutôt que d'aller ailleurs, je vous répondrais qu'il s'agit effectivement d'un problème bien réel. En fait, dans son Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada, le parle du fait que nous avons ce genre de problème au Canada, y compris avec le Hezbollah, une organisation terroriste très active en sol canadien.
Je suis d'avis que la loi tient compte de cela. Je ne crois pas qu'ils se préoccupent seulement de l'argent qui sort du pays. Je crois qu'ils examinent aussi comment l'argent est susceptible d'entrer au Canada. Sauf que, comme je l'ai dit dans ma déclaration, je crois qu'en reconnaissance de l'importance manifeste que le gouvernement accorde à la radicalisation, nous devrions peut-être faire un peu plus en ce sens, puisqu'une bonne partie des fonds envoyés ici par certains États étrangers visent directement à appuyer la radicalisation de certains de nos jeunes.
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Oui, j'ai lu son témoignage et je conviens qu'il était très convaincant.
À mon avis, cela concerne la question de la propriété bénéficiaire. Je pense que c'est à cela que vous voulez en venir. Je n'ai pas abordé la question, car je ne voulais pas être répétitive. J'ai l'impression qu'un consensus émerge parmi certains témoins qui ont comparu ici et peut-être au sein du Comité également, car les gens s'entendent pour dire qu'il faut assurer une plus grande transparence au sujet de la propriété bénéficiaire.
Il me semble que la question n'est pas de savoir « si » l'information sera accessible, mais à qui elle le sera. Sera-t-elle accessible au public ou seulement aux institutions financières? J'ai pour principe général de considérer qu'il vaut mieux assurer la plus grande transparence possible.
Je voudrais aussi ajouter ce qui suit. Ce n'est qu'une remarque que je glisse en passant, mais je vais tenter de m'en tenir le plus possible à votre sujet. J'ai récemment parlé à un ami avocat qui s'occupe d'organismes caritatifs, lequel a fait remarquer que les organismes sans but lucratif sont, comparativement aux organismes caritatifs, soumis à très peu d'exigences au chapitre de la reddition de comptes et à une surveillance très légère. Par conséquent, l'occasion est belle d'utiliser les organismes sans but lucratif aux fins de blanchiment d'argent. Voilà qui met en relief le manque de transparence que vous avez soulevé.
Par exemple, disons qu'un État étranger obtient des fonds par des moyens illicites. Il donne l'argent à un organisme sans but lucratif canadien, qui lui offre, à titre d'exemple, une mosquée radicalisée au Canada. Cette mosquée devrait signaler le don en fournissant très peu de détails, indiquant notamment qu'il vient de l'organisme sans but lucratif canadien, sans toutefois révéler l'origine des fonds, c'est-à-dire l'État étranger qui les a peut-être obtenus illégalement.
Avant d'accorder la parole à M. Albas, j'aimerais donner suite à la question que Francesco vous a posée, monsieur Binns. Il ne fait aucun doute que le ministère des Finances propose, dans son document de travail, ce qu'il appelle un « spectre d'options réglementaires » quant aux guichets automatiques à étiquette blanche, faisant valoir que les organismes d'application de la loi continuent d'exprimer des préoccupations à propos de cette industrie, notamment au sujet de l'utilisation des guichets automatiques par des groupes du crime organisé au Canada. Il ajoute que le Québec a adopté des règlements plus sévères à l'égard de cette industrie.
Qu'en pensez-vous? Il me semble que vous avez indiqué que c'est en fait un faux argument, mais le Québec impose-t-il des exigences réglementaires différentes de celles du reste du pays? Je l'ignore, pour être honnête. Qu'avez-vous à dire au sujet des arguments présentés dans le document de travail? Il s'agit là d'un des domaines que nous devons examiner très étroitement.
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Merci. Je vous en suis certainement reconnaissant, monsieur le président.
Merci à tous les témoins de comparaître aujourd'hui.
Pour donner suite à la réponse de Mme Saperia au sujet des organismes sans but lucratif, je sais que la loi sur les sociétés de la Colombie-Britannique, par exemple, régit les organismes sans but lucratif dans cette province, dont je fais partie. En vertu de cette loi, un ministre peut exiger la tenue d'une enquête s'il pense que des activités criminelles sont en cours. En ce qui concerne ce que vous avez indiqué sur le fait que le domaine est souvent non réglementé, le gouvernement — en Colombie-Britannique, du moins — a en grande partie abandonné la surveillance de ces organismes. Je comprends certainement ce que vous voulez dire.
Aviez-vous d'autres préoccupations à l'endroit des organismes sans but lucratif?
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Oui. Même le règlement d'application de la loi sur les sociétés de la Colombie-Britannique contient une disposition stipulant que si quelqu'un offre une aide financière à un organisme sans but lucratif de cette province, il faut consigner ce don. Cependant, s'il s'agit de faire avancer la société et ses objectifs principaux — objectifs qui, une fois de plus, ne sont pas précisés —, il n'est même pas nécessaire de prendre en note l'identité du donateur. C'est du moins ce que je comprends de la loi.
Dans ce domaine, monsieur le président, nous pourrions vouloir convoquer une association pour traiter des organismes sans but lucratif ou peut-être demander à l'ARC de revenir pour expliquer la différence entre les organismes caritatifs qui peuvent délivrer des reçus d'impôt et les organismes dans but lucratif, car je pense qu'il pourrait y avoir là quelque chose que nous pourrions étudier.
Je voudrais m'adresser à Me Jason.
Maître Jason, il a été beaucoup question de la conformité administrative et du fardeau administratif qu'imposent les agents comme le CANAFE. L'Association canadienne des coopératives financières a longuement traité du sujet. Une toute petite coopérative financière m'a indiqué qu'il lui en coûtait environ 50 000 $ juste pour se conformer aux mesures du CANAFE. Je prends acte de la critique légitime voulant qu'on ne peut adopter d'approche universelle, car ces coûts sont prohibitifs. Dans bien des institutions financières, un employé est exclusivement chargé d'envoyer tous les rapports au CANAFE, mais ce n'est évidemment pas quelque chose qu'une petite institution peut faire.
Il nous semble que le CANAFE n'analyse pas le fardeau administratif qui pèse sur l'industrie ou ne se soucie pas du tout de la question. Quand les représentants de l'organisme ont comparu, ils ont affirmé qu'ils accomplissaient leur travail très efficacement et qu'ils considéraient qu'ils agissaient adéquatement. Mais on ne peut pas vraiment gérer ce qu'on n'évalue pas. Pensez-vous que le CANAFE doit commencer à évaluer les coûts de conformité de chaque industrie pour pouvoir commencer à agir à cet égard?
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Permettez-moi tout d'abord de remercier nos invités de leur présence ici aujourd'hui.
[Français]
J'ai une question à poser à M. Tassé, mais elle relève plutôt des autres témoins qui sont ici aujourd'hui.
Je vous remercie tous de vos témoignages.
Merci beaucoup, monsieur Tassé. Si je peux me permettre de blaguer un peu, il semble que « tout va très bien, madame la marquise ». Tous les gens autour de vous indiquent qu'il n'y a pas de problème et qu'ils connaissent très bien leurs clients.
Vous avez parlé du problème lié aux bénéficiaires effectifs. Vous avez l'avantage de voir cela avec un peu de recul et en ayant une expertise en la matière. Serait-il nécessaire de faire davantage d'efforts pour mieux connaître les clients, afin de pouvoir retracer cet argent?
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Je pense que oui, c'est évident.
Dans les recherches et les reportages qui ont été faits sur la question à l'échelle internationale, tout le monde est d'accord pour dire que le Canada est l'un des meilleurs endroits pour blanchir de l'argent. C'est quasiment rendu un attrait économique. On n'a qu'à penser à Vancouver et à Toronto, où le marché immobilier a été très intéressant.
C'est déplorable, et il n'y a pas de quoi être fier. C'est sûr que, dans le travail de tous les jours, on traite avec différentes entreprises et on ne se rend pas toujours compte que le blanchiment d'argent existe. Il ne faut pas oublier que les gens qui font du blanchiment d'argent sont des fraudeurs et qu'ils sont très amicaux. Comme on est habitué de faire affaire avec eux, on est moins à l'affût et on fait moins de recherche parce qu'on leur fait confiance. Tout est basé sur la confiance. Sans nécessairement vouloir être méchant, parfois, on ne fait pas le travail qu'il faudrait faire.
S'il n'y avait qu'un rapport qui sortait de temps en temps, la situation ne serait pas si grave, mais la Banque mondiale, les Nations unies et les regroupements de journalistes arrivent tous à la même conclusion: le Canada est vraiment l'un des meilleurs endroits pour blanchir de l'argent. Cela assurera du travail à des gens comme moi pendant très longtemps encore, mais c'est malheureux. On pourrait faire du travail plus proactif.
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La communauté des petites banques est entièrement réglementée. Nous nous conformons et nous sommes assujettis aux mêmes règles que les grandes banques. Le seul problème que nous avons, c'est lorsque la loi devient trop contraignante et applique des exigences, surtout lorsque le rédacteur formule la loi en tenant compte de la plus importante institution. Cela crée un fardeau extrêmement lourd, et c'est ce qui nous préoccupe le plus.
Je voulais soulever un point qui, à mon avis, se rapporte aux remarques formulées par de nombreux autres témoins aujourd'hui. Sur le plan commercial, les institutions sont intéressées. Si nous dépensons beaucoup d'argent, nous voulons obtenir un bon rendement, pour ainsi dire.
Je pense que de nombreuses personnes ont souligné aujourd'hui que c'est structuré de manière à ce que l'on mette l'accent sur les activités en amont, mais on néglige les activités en aval. Quand je parle des activités en amont, j'entends les institutions, les banques qui sont responsables de recueillir les renseignements, de superviser les transactions, de cibler les transactions douteuses et de saisir ces renseignements dans le système pour qu'ils puissent être utilisés. De nombreuses banques sont exaspérées par le fait que ces renseignements ne sont pas suffisamment utilisés. Les coûts sont élevés, mais nous n'en avons pas pour notre argent. S'il n'y a aucun avantage direct pour l'institution — et il n'y en a pas, mis à part le fait d'éviter un risque de tort à la réputation —, si l'on pouvait voir de meilleurs résultats pour l'intérêt supérieur de la société, alors on pourrait équilibrer l'équation pour les institutions qui doivent assumer le fardeau.
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Premièrement, je dirais qu'il est très important que l'Iran continue d'être répertorié au Canada comme étant un État qui parraine le terrorisme. Je pense qu'il faut examiner la question tous les deux ans. Il est absolument impératif de continuer de la sorte. Même le président Obama, qui était, comme nous le savons, très intéressé par l'idée de conclure un accord international en matière d'énergie nucléaire avec l'Iran, faisait clairement savoir que l'Iran continuait de parrainer le terrorisme. Oublions ce qui se passe sous le président Trump à l'heure actuelle, car il semble y avoir bien des changements. Même lorsque le président Obama était au pouvoir, lorsque nous envisagions de supprimer de nombreuses sanctions liées au secteur nucléaire, le gouvernement soutenait très clairement que l'Iran continuerait d'être répertorié comme étant un État qui parraine le terrorisme et que des sanctions seraient en place pour les violations des droits de la personne et les missiles balistiques, notamment.
Ici au Canada, nos seules sanctions sont prévues dans la Loi sur les mesures économiques spéciales. Elles sont en lien avec le comportement de l'Iran à l'égard du secteur nucléaire. Nous sommes un peu dépassés. Comme je l'ai mentionné, la loi de Magnitski permettrait que les violations des droits de la personne fassent l'objet de sanctions également, si bien que nous devrions l'utiliser.
Je sais que mon temps de parole est limité, alors je vais mentionner un dernier point. Il se rapporte au soi-disant accord entre l'Iran et Bombardier. C'est une situation étrange, à mon avis, car les médias contrôlés en Iran nous fournissent plus de renseignements à propos de cet accord que le gouvernement ou les médias canadiens. Je ne comprends pas trop. C'est apparemment un accord d'au moins 100 millions de dollars pour que Bombardier vende au moins 10 avions à l'Iran. L'Iran a des antécédents, que je me ferai un plaisir de vous faire part plus tard, et est reconnu pour avoir utilisé des avions civils pour expédier des armes en Syrie afin d'aider Assad à continuer de tuer des civils et de renforcer l'arsenal du Hezbollah au Liban. Le pays utilise des avions civils à ces fins; il y a donc un problème. Nous ignorons en quoi consiste cet accord. Le gouvernement du Canada ne veut rien admettre.
J'ai peur qu'Exportation et développement Canada, EDC, soit mêlé à cette affaire également. Mme Mora Johnson s'est adressée à vous. Elle a parlé d'EDC et de la façon dont il est à risque de manipuler des produits de la criminalité, car il pourrait être remboursé par des produits de la corruption. Cette possibilité m'inquiète.
Là encore, je pourrais avoir tort. EDC n'est peut-être pas mêlé à cela. J'ignore en quoi consiste cet accord, car je ne fais que lire ce que rapportent les médias en Iran, mais c'est une question sur laquelle nous devrions vraiment nous pencher.
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Merci, monsieur le président.
Merci de cette observation intéressante, madame Saperia.
Je veux revenir à M. Tassé et à M. Jason et parler de la vérification des propriétaires.
Monsieur Tassé, vous avez mentionné les gens politiquement exposés qui occupent une profession juridique, les personnes à risque élevé qui pratiquent le droit. Comment est-il possible de déterminer comment une personne, qui crée un fonds en fiducie ou des structures par l'entremise de la propriété effective, a obtenu l'argent? Bien entendu, je pense que nous devrions passer en revue... mais j'aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.
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Oui. Du point de vue des institutions de plus petite taille, je dirais dans un premier temps que le CANAFE n'est pas un organisme de réglementation direct. Pendant de nombreuses années, le CANAFE s'en remettait au Bureau du surintendant des institutions financières pour superviser les banques et d'autres institutions financières en son nom. Le bureau semble mieux comprendre qui est responsable de quoi, mais je sais que du point de vue des institutions, elles ne savent toujours pas trop qui est leur principal organisme de réglementation. Elles se sont retrouvées dans un univers où elles sont assujetties à deux organismes de réglementation.
Le BSIF continue de jouer un rôle. Il soutient que la conformité aux lois pour la lutte contre le blanchiment d'argent est une mesure prudente, que les institutions sont exposées à un risque lié à la réputation et que le BSIF devrait donc continuer à jouer un rôle. Le CANAFE a commencé à mener ses propres examens, qui sont distincts de ceux du BSIF, et ce, parce qu'il est l'organisme de réglementation habilité par la loi.
En ce qui concerne les institutions de petite taille, je pense qu'elles ne savent pas trop qui est l'organisme de réglementation responsable d'assurer une supervision. Je pense que la situation continue d'évoluer, mais du point de vue des institutions de petite taille, elles ne savent pas au juste qui est responsable.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais continuer à parler des secteurs financier et bancaire.
Les grandes banques du Canada ont les moyens d'avoir des systèmes informatiques qui peuvent détecter toutes sortes d'opérations douteuses, on le sait. Dans les petites institutions, c'est peut-être plus difficile à faire, parce qu'elles ont moins de ressources, humaines et financières.
Grâce aux nouvelles technologies et à l'informatique, c'est peut-être plus facile à faire aujourd'hui. Y a-t-il un moyen de regrouper tous les efforts afin de développer des systèmes informatiques qui, sans être uniformes, permettraient aux petites institutions de se conformer aux règles à moindre coût?
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Je voudrais ajouter deux choses très brièvement.
La première concerne le nombre de condamnations. Cela ne se limite pas aux seuls cas touchant les guichets automatiques, mais je crois que l'on devrait s'employer en priorité à assurer un meilleur financement pour les activités d'application de la loi d'une manière générale. C'est vraiment une problématique à laquelle il convient de s'attaquer plus directement au Canada.
Je ne suis pas une experte en la matière, mais il est bien évident que les cryptomonnaies soulèvent de plus en plus de préoccupations. Je note que le département du Trésor américain a indiqué il y a quelques semaines qu'il allait commencer à inscrire les adresses de destination des cryptomonnaies sur la liste des sanctions. C'est une mesure vraiment importante qui montre bien que les Américains considèrent les cryptomonnaies comme une nouvelle forme de paiement pouvant être utilisée par des individus mal intentionnés.
Je travaille avec différents experts en la matière aux États-Unis avec lesquels vous devriez sans doute discuter, car nous en avons tellement à apprendre à ce sujet.