:
Je déclare la séance ouverte.
J'ai une petite question à vous poser avant de commencer. Ce mercredi, nous devons aller voter à 18 heures. Nous serons dans l'édifice Wellington, où nous devons entendre 16 témoins, ce qui prend habituellement trois heures. Nous ne voulons vraiment pas les laisser en plan pendant que nous participons à cinq ou six votes.
Serions-nous prêts à resserrer l'horaire pour que chaque groupe ait environ une heure sept minutes et que nous puissions partir à 17 h 45? Nous pourrions autoriser cinq questions, deux des libéraux, deux des conservateurs et une du NPD, et chaque intervenant aurait environ cinq minutes.
Seriez-vous d'accord avec cela, pour que nous puissions aviser tout le monde dès maintenant? Le problème tient en partie au fait que le deuxième groupe prévoit deux vidéoconférences séparées, donc il faut prévoir notre horaire avec précision.
Êtes-vous tous d'accord? C'est adopté. La greffière en informera les témoins. Merci à tous.
Prenons maintenant la question à l'étude aujourd'hui. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le rapport de la Banque du Canada sur la politique monétaire. Nous avons la chance de recevoir le gouverneur de la Banque du Canada, M. Stephen S. Poloz, de même que Carolyn Wilkins, première sous-gouverneure.
Je crois que vous avez préparé une déclaration préliminaire. Je vous souhaite la bienvenue.
:
Monsieur le président, distingués membres du Comité, bonjour et merci. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui.
Nous avons l'habitude de nous présenter devant votre comité deux fois par année pour discuter du Rapport de la politique monétaire préparé par la Banque. Nous avons publié la plus récente édition de notre rapport la semaine dernière et nous serons ravis de répondre à vos questions sur son contenu et d'autres enjeux économiques.
Toutefois, je soupçonne que vous voudrez en savoir davantage sur l'entente avec le gouvernement fédéral qui a été annoncée ce matin, concernant le renouvellement de notre cadre de maîtrise de l'inflation pour une autre période de cinq ans. Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de dire quelques mots sur ces deux sujets, à commencer par le RPM.
Depuis notre dernier témoignage, deux facteurs nous ont amenés à réviser à la baisse nos perspectives de l'économie canadienne. Le premier est le profil d'évolution plus faible des exportations. Après avoir fortement diminué pendant cinq mois, les exportations de biens se sont redressées en juillet et en août, mais pas suffisamment pour regagner le terrain perdu.
Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour déterminer les raisons de ce manque à gagner. La moitié environ peut s'expliquer par la faiblesse du commerce international et les changements dans la composition de la demande américaine, mais le reste est difficile à cerner.
C'est pourquoi, dans nos perspectives, nous prenons maintenant pour hypothèse que cette partie restante est attribuable à des problèmes structurels à long terme, comme la perte de capacité exportatrice et les défis sur le plan de la compétitivité. Compte tenu de cette hypothèse, nous avons réduit le niveau projeté du PIB d'environ 0,6 % d'ici la fin de 2018, comparativement à celui présenté en juillet.
Les mesures macroprudentielles mises en oeuvre par le gouvernement fédéral pour favoriser la stabilité du marché du logement représentent le deuxième facteur majeur qui a motivé notre révision à la baisse des perspectives de croissance. Ces mesures sont positives, car avec le temps, elles vont atténuer les vulnérabilités liées aux déséquilibres sur le marché du logement et dans le secteur des ménages. C'est important, car de telles vulnérabilités peuvent amplifier l'incidence des chocs économiques négatifs.
Les mesures prises par le gouvernement devraient freiner l'investissement résidentiel en affaiblissant l'activité de revente à court terme et se traduire par un changement modeste de la composition de la construction au profit de logements plus petits. Nous estimons ainsi qu'à la fin de 2018, le niveau du PIB sera inférieur de 0,3 % à ce qui était projeté en juillet.
À la lumière de ces évolutions, nous avons abaissé notre estimation de croissance pour 2016 à 1,1 %. L'expansion en 2017 et en 2018 devrait être d'environ 2 %, soit un niveau supérieur à celui de la production potentielle qui tourne autour de 1,5 %, je vous le rappelle.
Toutefois, comme l'écart de production est maintenant un peu plus grand et qu'il se résorbera plus tard qu'escompté en juillet, le profil de l'inflation est à présent légèrement plus bas. Nous nous attendons à ce que l'inflation mesurée par l'IPC global reste en deçà de 2 % jusqu'à la fin de l'année et à ce qu'elle avoisine la cible de 2 % en 2017 et en 2018.
Ces perspectives sont entachées d'un certain nombre d'incertitudes. Il s'agit notamment des effets macroéconomiques des nouvelles règles hypothécaires, de la trajectoire probable de nos exportations, des effets des mesures budgétaires fédérales et de l'incidence de l'élection américaine sur la confiance des entreprises.
Étant donné le caractère à la fois favorable et défavorable de ces incertitudes et la flexibilité inhérente à notre régime de ciblage de l'inflation, nous avons estimé que la politique monétaire actuelle demeure appropriée.
Passons maintenant, si vous le voulez bien, au renouvellement du régime de ciblage de l'inflation.
[Français]
Aujourd'hui, la Banque du Canada et le gouvernement ont annoncé que la cible d'inflation restera fixée à 2 %, soit le point médian d'une fourchette qui va de 1 à 3 %, pendant une autre période de cinq ans. C'est là une bonne nouvelle car, pendant 25 ans, notre régime a bien servi les Canadiens, tant durant les périodes calmes que durant les périodes agitées. Les résultats, à ce chapitre, sont impressionnants.
Depuis 1991, le taux d'inflation annuel s'est situé, en moyenne, à presque exactement 2 %. L'inflation est aussi plus stable, ce qui se traduit par un taux de chômage et des taux d'intérêt plus bas et plus stables. En retour, cette situation a aidé les ménages et les entreprises à prendre des décisions en matière de dépenses et d'investissement avec une plus grande confiance. Elle a aussi favorisé l'investissement, contribué à la croissance durable de la production et de la productivité, et rehaussé le niveau de vie des Canadiens.
Comme c'est le cas à chaque renouvellement de l'entente, une foule de recherches et d'analyses ont été réalisées, et nous avons pris en compte les expériences et les leçons des cinq dernières années. Le personnel de la Banque a publié des douzaines de documents de recherche et a collaboré avec des chercheurs d'autres banques centrales, des universitaires et des économistes du secteur privé.
Comme d'habitude, nous avons posé des questions fondamentales pour nous assurer que le ciblage de l'inflation procure toujours efficacement ses avantages économiques. Nous avons examiné des solutions de rechange au ciblage de l'inflation pour voir si elles se traduiraient par des gains encore plus importants. Il s'agit là d'un des grands atouts d'une entente qui dure cinq ans. Le régime n'est pas coulé dans le béton et nous cherchons constamment des façons de l'améliorer.
[Traduction]
Cela dit, force est de reconnaître que même après des années de taux d'intérêt très bas, la reprise au sortir de la Grande Récession demeure faible dans un grand nombre d'économies. II n'est donc vraiment pas surprenant que certains se demandent si la politique monétaire a perdu son pouvoir.
En fait, les bas taux d'intérêt contribuent pour beaucoup à soutenir l'économie. À titre d'illustration, si nous relevions les taux d'intérêt pour les porter aux niveaux d'avant la crise, disons de 3 à 4 %, on observerait une contraction considérable de l'économie, et ce sont ces effets restrictifs que nous contrebalançons avec les bas taux d'intérêt. Cependant, même si la politique monétaire a encore du pouvoir, il est vrai qu'étant donné le niveau actuel du taux directeur, une réduction de ce dernier aurait un effet moindre que si les taux d'intérêt se situaient à des niveaux historiquement normaux. C'est le cas dans certaines économies.
Dans ce contexte, il est particulièrement important que toutes les politiques — monétaire, budgétaire et macroprudentielle — fonctionnent en complémentarité. Voilà pourquoi notre entente avec le gouvernement est cruciale. Le gouvernement énonce clairement qu'il appuie lui aussi le maintien de l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible, tout en nous conférant l'indépendance de poursuivre cet objectif comme bon nous semble. Le régime de ciblage de l'inflation a donné d'excellents résultats pendant 25 ans et, après avoir pris en compte tous les faits, nous n'avons trouvé aucune raison convaincante de le modifier.
Sur ce, monsieur le président, Carolyn et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
C'est vrai qu'il y a un consensus émergent dans le monde, mais on a probablement trop mis l'accent sur la politique monétaire après la crise. Immédiatement après, des politiques monétaire et fiscale ont été mises en place en même temps dans le monde. Après deux ans environ, il y a eu une reprise assez forte et on a tenu pour acquis que le gros du travail était terminé. On comprend aujourd'hui qu'il était trop tôt pour crier victoire, et que les turbulences dans le monde restent très importantes. Alors, la politique fiscale est devenue plus équilibrée et la politique monétaire a dû devenir plus expansionniste durant la deuxième étape.
Aujourd'hui, le consensus existe, mais pas partout, pas dans chaque pays. Ce n'est pas accepté partout, mais nous sommes dans une situation durant laquelle les effets d'incrémentation de la politique monétaire seront moindres. Nous sommes presque dans la même situation que durant la Grande Dépression, au cours des années 1930. C'est à ce moment que la théorie économique de Keynes s'applique, c'est-à-dire que l'utilisation de politiques fiscales est plus appropriée dans cette situation.
Quant à nous, je dirais simplement qu'avec le mélange des deux politiques, qui sont toutes deux importantes, nous prévoyons un taux d'intérêt de 0,5 %, au lieu d'un taux plus bas, parce que la politique fiscale est plus expansionniste.
:
Merci, monsieur le président.
Bienvenue, madame Wilkins et monsieur le gouverneur.
[Traduction]
Je vais m'exprimer en français et en anglais. Je suis le seul député de mon parti présent ici aujourd'hui, donc j'utiliserai les deux langues.
J'aimerais commencer par revenir à une chose que vous avez dite, c'est-à-dire, et je suis d'accord avec vous, que la politique monétaire est beaucoup moins efficace à des taux si bas que ce que nous avons déjà connu, mais je me rappelle qu'au cours des dernières années, nous avons beaucoup débattu de la fameuse trousse d'outils et de ce qu'elle contient. Nous avons parlé de mesures d'assouplissement quantitatif. Nous avons évoqué la possibilité d'un taux d'intérêt négatif.
Si vous croyez que la bonne chose à faire en ce moment, c'est de ne pas intervenir et de laisser la politique fiscale faire son oeuvre, quand devrait-on utiliser les outils de notre trousse d'outils s'ils ne servent pas dans une situation comme celle que nous connaissons actuellement, où la politique monétaire semble peu efficace.
:
Selon notre analyse, compte tenu des chocs que nous avons inclus dans nos prévisions, l'économie connaît une croissance plus lente et l'écart de production risque de rester plus grand plus longtemps que prévu, ce qui devrait durer jusque vers la mi-2018.
D'un côté, nous jugeons la situation malheureuse. Nous croyions il y a quelques mois à peine que d'ici la fin 2017, nous aurions retrouvé notre pleine capacité de production. Donc, s'il faut, disons, deux trimestres de plus pour y arriver, certaines personnes pourraient rester sans emploi plus longtemps. Les effets secondaires seront donc plus grands, tout comme les cicatrices ou la perte de compétences. Nous savons que ce n'est pas sans conséquence.
Nous devons nous demander quelle est la complexité du compromis et quand viendra le temps d'essayer d'accélérer les choses. Comme nous l'avons dit la semaine dernière, nous avons discuté activement de la possibilité de réduire les taux d'intérêt un peu plus longtemps pour accélérer le processus dès maintenant, mais compte tenu des incertitudes auxquelles nous sommes confrontés, nous avons déterminé qu'il était préférable de maintenir les taux à leur niveau actuel.
Quand je parle d'incertitude, je ne sous-entends pas nécessairement que c'est une mauvaise chose. C'est seulement que certaines choses ne sont pas encore aussi concrètes qu'elles pourraient l'être dans peu de temps. Par exemple, beaucoup d'entreprises mentionnent que l'élection américaine crée de l'incertitude quant à l'avenir. Pour leurs plans d'investissement, l'ALENA ou n'importe quoi d'autre, il y a de l'incertitude, quel que soit le candidat qui l'emportera. Il y a une tendance naturelle aux États-Unis comme au Canada à retarder ce genre de décision dans ce contexte.
Il est donc possible qu'une partie de l'incertitude se dissipe après l'élection, et ce serait positif. Ce n'est pas tout noir, tout blanc. Mais dans ce contexte, nous avons déterminé que les incertitudes étaient assez grandes pour décider d'observer les données d'exportation un peu plus longtemps pour gagner en confiance.
:
Je n'ai pas de réponse à cette question, mais cela n'a rien de mécanique. Chacune de ces décisions est le fruit d'une pondération complexe des risques, nous devons évaluer les risques d'une attente prolongée par rapport aux coûts associés à des mesures plus immédiates.
Bien sûr, comme vous y faites allusion dans la première partie de votre question, si nous adoptions d'autres mesures d'assouplissement, nous serions bien près d'utiliser des outils peu habituels. Ce n'est évidemment pas une décision que nous prendrions à la légère.
Quand l'économie canadienne évolue selon deux trajectoires, l'une relativement favorable et même très favorable dans certaines régions, et l'autre marquée par un ajustement à une situation assez difficile, il n'est pas si facile qu'on pourrait le croire d'accélérer la trajectoire en croissance afin de compenser pour les secteurs en faible croissance. Si la situation était partout pareille, il serait bien plus facile, à bien des égards, de faire ce genre de chose.
C'est ce que j'entends par incertitudes. Elles sont multidimensionnelles. Nous réévaluons notre jugement chaque fois. Encore une fois, nous ne pouvons pas faire de planification de cette façon. Nous estimons donc que le meilleur plan pour l'instant est d'attendre encore environ 18 mois.
J'ai une dernière question sur l'entente, le ciblage et l'inflation.
Vous avez mentionné, dans le document écrit conjointement avec le , que c'était une méthode qui a fait ses preuves depuis sa création.
Or, depuis sa création, nous vivons dans un monde extrêmement différent. Vous le reconnaissez vous-même, nous sommes dans une période de croissance lente qui n'était pas nécessairement la réalité lors de la création de ce mécanisme.
Nous sommes dans une situation où la cible a toujours été de 2 %, plus ou moins un point de pourcentage, bien sûr.
[Traduction]
Y a-t-il eu des discussions sur l'idée d'essayer quelque chose de différent, d'ajouter un outil à la trousse d'outils, comme vous venez de le dire; est-ce une possibilité?
Mon autre question est la suivante: avez-vous envisagé de signer une entente de moins de cinq ans, simplement pour voir si nous pourrions essayer autre chose? Nous pourrions faire un essai pendant quelques années, après quoi les résultats pourraient être différents dans une situation économique très différente.
:
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure.
J'aimerais commencer par faire quelques observations. Ma question comporte trois volets, si je peux la poser au complet et entendre votre réponse dans les sept minutes qui me sont accordées.
Premièrement, je vous félicite de cette entente, de votre énoncé de politique sur le ciblage de l'inflation, pour encore cinq ans. La stabilité des prix sur le marché est très importante pour les décideurs, pour les épargnants comme pour les investisseurs, question d'utiliser nos capitaux à bon escient. Il est important de savoir que ce régime est en place. Je vous en félicite.
Ma première question porte sur la politique fiscale.
Gouverneur, dans votre discours du 20 septembre dernier intitulé « Vivre avec des taux plus bas, plus longtemps », si vous me permettez de vous citer, vous faites la recommandation de politique suivante:
Un des grands obstacles à la croissance que rencontrent des entreprises de partout est la faiblesse des infrastructures. Nous savons que les projets d'infrastructure favorisent la croissance à court terme en stimulant la demande, mais ces projets peuvent surtout soutenir l'expansion à long terme en augmentant la production potentielle d'une économie.
Compte tenu de cette déclaration tirée de votre allocution du 20 septembre dernier et de tout ce que la politique monétaire accomplit pour nous soutenir au Canada... Le mécanisme de transmission de la politique monétaire fonctionne très bien au Canada depuis longtemps, mais il serait temps, selon moi, que la politique fiscale prenne le relais. Je serais ravi d'entendre vos sages paroles à ce sujet. C'est le premier volet.
Le deuxième volet porte sur les deux thèmes mentionnés dans le discours de la sous-gouverneure à Londres, qui ont été repris dans le Rapport sur la politique monétaire dont vous nous avez parlé, monsieur le gouverneur. Ainsi, il y a l'offre de main-d'oeuvre, qui diffère du taux d'activité parce que ce taux est resté assez stable selon les statistiques depuis 1976. Il y a aussi le rapport entre la productivité et la compétitivité.
Nous pouvons régler le problème de l'offre de main-d'oeuvre avec l'immigration. Je pense qu'il y a là une solution pour améliorer l'offre de main-d'oeuvre, le taux de croissance de la main-d'oeuvre. Pour ce qui est de la compétitivité, vous mentionnez aux pages 17 et 18 du Rapport sur la politique monétaire un certain nombre de facteurs inquiétants pour notre compétitivité et des vents contraires qui limitent la croissance de nos exportations. J'aimerais savoir quelles mesures stratégiques ou de politique fiscale pourraient nous aider, selon vous, à renforcer notre capacité.
Le troisième et dernier volet de ma question concerne les ratios. On évalue généralement le ratio de la dette au revenu disponible à 170 %, mais si j'interprète bien le rapport de Statistique Canada qui nous donne ce chiffre, il y a un certain nombre de mesures liées à la valeur nette des Canadiens dont nous ne parlons pas. Je ne suis pas vraiment inquiet, mais cela me porte à me demander quel côté du bilan nous examinons, parce que d'après les ratios des actifs financiers, les Canadiens seraient de manière générale plus riches qu'ils ne l'ont jamais été. Il y a là beaucoup plus de valeur nette qu'avant. Si j'arrive à ouvrir mon iPad, je pourrai vous donner les chiffres.
J'aimerais connaître votre point de vue sur l'interprétation de ce ratio, étant donné que selon ce rapport de Statistique Canada, divers autres ratios dressent un portrait différent de la situation des consommateurs.
Ce sont mes trois questions.
:
Pendant ma minute, alors, oui, j'ai parlé dans mon discours « Vivre avec des taux plus bas, plus longtemps » de notre évaluation selon laquelle l'économie canadienne peut aspirer à un taux de croissance potentielle à long terme d'environ 1,5 % dans un avenir rapproché. C'est notre projection du potentiel de croissance.
Le monde entier a ralenti avec le ralentissement de la croissance démographique. Nous ne faisons pas exception, et les États-Unis se situent à un niveau légèrement supérieur au nôtre, à 1,7 %, avec une population légèrement plus jeune.
L'estimation est donc de 1,5 %, et dans ce contexte, que pouvons-nous faire pour relever la tendance? Nous pouvons éliminer certains obstacles à la croissance, c'est-à-dire des éléments structurels. Ce ne sont pas des choses pour lesquelles la politique monétaire peut faire grand-chose. D'ailleurs, il en va de même de la politique fiscale au sens strict.
Nous entendons par éléments structurels une infrastructure déficiente, ce qui sous-entend, bien sûr, d'améliorer l'infrastructure, mais il peut aussi s'agir d'autres choses, comme de libre-échange interprovincial et de libre-échange international. C'est le genre de changement qui peut stimuler la croissance de 0,1 %, 0,2 %, 0,3 %, et très vite, on se rapproche des 2,0 %, plutôt que de 1,5 %. C'est ce dont je parlais, et nous avons du pouvoir sur bon nombre de ces politiques.
Bien sûr, celle qui se déploie à l'heure actuelle, c'est le plan d'infrastructure, que les entreprises accueilleront favorablement. Il les aidera à prendre de l'expansion. Pour ce qui est de l'offre de main-d'oeuvre, de la productivité, de la compétitivité et du ratio de la dette au revenu, je vous cède la parole, madame Wilkins.
Il est intéressant qu'environ la moitié du déclin de la croissance du Canada et de sa production potentielle soit attribuable à un ralentissement de la croissance dans l'offre de main-d'oeuvre. On essaie vraiment de comprendre comment la stimuler. Bien sûr, l'immigration apparaît mathématiquement comme une solution.
Il y a toutefois aussi d'autres facteurs que nous avons remarqués, dont le taux d'activité des travailleurs dans la force de l'âge, un élément qu'il vaut la peine de creuser. Ainsi, en incitant ce segment de la population, qui se compose d'hommes et de femmes découragés, dont des femmes qui n'ont peut-être pas encore décidé de se joindre à la population active, nous pourrions faire croître le facteur travail au niveau de la production potentielle.
Il y a aussi les jeunes. Quand on examine le taux d'activité des jeunes depuis la crise, on constate qu'il a diminué. Le gouverneur part du principe qu'ils n'ont probablement pas encore pris leur retraite. Je pense que c'est vrai. Certains sont encore à l'école, mais pas tous. Ils cherchent du travail et pourraient être productifs.
Quand je parle aux dirigeants d'entreprises, ils me disent avoir besoin des bons travailleurs au bon endroit, au bon moment. La mobilité de la main-d'oeuvre est extrêmement importante, particulièrement quand on vit le genre de choc que nous avons vécu, puisqu'il y a des régions où la situation est moins bonne, mais qu'il y a des emplois dans d'autres parties du pays. Il est très important aussi d'offrir la formation nécessaire pour répondre aux besoins émergents.
Ce n'est pas indépendant de la productivité. Le gouverneur a déjà mentionné quelques-uns des éléments que les dirigeants d'entreprises nous citent à l'égard de la productivité. De toute évidence, la réglementation des tarifs d'électricité, entre autres choses, a un effet sur leurs décisions de relocalisation.
Vous avez raison de dire que quand on mesure la santé du bilan des ménages et leur situation financière, il est toujours judicieux de tenir compte d'un certain nombre d'indicateurs. Le ratio global de la dette au revenu en fait partie. Nous l'analysons en profondeur pour évaluer la valeur nette. C'est une autre chose.
Je pense que la meilleure façon d'évaluer la santé du secteur des ménages consiste à examiner l'ensemble de ces éléments. Bon nombre des moyennes sur lesquelles nous nous fondons peuvent cacher beaucoup de choses.
Si vous regardez la revue du système financier que nous avons publiée en juin, vous verrez que nous avons effectué une solide analyse des ratios de la dette au revenu et des ratios des prêts au revenu et qu'un pourcentage très élevé, grandissant même, des gens contractent des prêts équivalant à 450 % de leurs revenus. Cela signifie que leurs ratios du service de la dette sont très élevés.
Ils peuvent avoir des actifs. La plupart des Canadiens ont pour actifs leurs maisons. Le problème, toutefois, c'est que s'ils se trouvent en mauvaise posture sur le plan de l'emploi ou de leurs sources de revenus, ils n'ont pas nécessairement les liquidités nécessaires pour honorer leurs créances.
Il est bon de voir que la valeur nette est élevée, mais tout dépend non seulement de la valeur des actifs et de la stabilité de la valeur de ces actifs, mais aussi des liquidités qui y sont associées. Il est bon de tenir compte de divers indicateurs et d'observer leur répartition.
J'aimerais revenir sur l'entente concernant le ciblage de l'inflation.
Madame Wilkins, vous avez mentionné que la possibilité sur laquelle on s'était penché consistait à établir une fourchette de 2 % à 4 % et une cible de 3 %. Vous avez dit que les désavantages étaient de loin supérieurs aux possibles avantages. On parle tout de même d'une augmentation d'un point de pourcentage, ce qui représente au bout du compte une augmentation de 50 % par rapport au taux actuel.
Est-ce que d'autres possibilités ont été envisagées, par exemple une cible de 2,25 % ou de 2,50 % plutôt que de 3 %?
Y a-t-il des études qui comparent les avantages aux coûts possibles?
[Traduction]
J'essaie seulement de savoir comment vous avez examiné cette possibilité. J'aimerais également placer cela dans le contexte de l'annonce selon laquelle l'inflation fondamentale ne sera plus utilisée comme référence. Nous devrons utiliser différents types de mesures avec l'IPC. D'autre part, ces dernières années, nous craignons bien davantage une déflation qu'une inflation incontrôlée.
Cela dit, j'aimerais connaître le raisonnement de la Banque à ce sujet.
:
Effectivement, nous avons examiné une cible de 3 % dans une fourchette allant de 2 à 4 %. Comme vous pouvez le constater dans nos documents, nous avons mesuré les avantages dans le contexte de toucher le niveau inférieur des taux d'intérêt. Nous avons étudié cela pour plusieurs cibles allant jusqu'à 4 %.
Ce que nous pouvons observer dans ce processus, c'est que les avantages de changer la cible sont moindres et que les coûts, qui sont dans un certain sens un peu fixes, sont les mêmes. Une des raisons pour laquelle la politique monétaire fonctionne si bien, c'est parce que les attentes par rapport à l'inflation sont très bien ancrées. Les avantages qui pourraient être retirés le seront si les gens révisent le système de crédit et leurs attentes, et ce, de façon ordonnée.
Quant aux mesures de référence sur l'inflation, nous avons longtemps utilisé l'indice mesurant l'inflation fondamentale ou tendancielle, soit l'IPCX, qui exclut les huit composantes les plus volatiles de l'IPC. Comme vous pouvez l'imaginer, nous essayons de cibler l'inflation, mais l'inflation — si on regarde un graphique —, monte et descend; elle fluctue beaucoup. Normalement, c'est à cause des prix de l'énergie pour le consommateur. Si nous voulons vraiment avoir une politique monétaire permettant d'atteindre une inflation stable, il faut enlever ces composantes volatiles.
Nous avons fait une étude comprenant différentes mesures de référence sur l'inflation qui sont utilisées à travers le monde. Nous avons constaté que, parmi certains critères, il y en avait trois qui fonctionnaient. Nous avons aussi constaté que l'IPCX ne fonctionnait plus et ne nous aidait pas beaucoup. Aucune mesure n'était cependant parfaite. Nous nous sommes alors dits que ce n'était pas la cible elle-même qui importait, mais que ces mesures seraient considérées comme un guide de conduite pour nous. Nous avons constaté qu'il était mieux de garder les critères qui fonctionnaient très bien et de les utiliser comme référence.
:
Il me reste très peu de temps.
Je voudrait poser une dernière question et revenir sur la cible d'inflation.
Je comprends tout à fait que le succès de l'entente de ciblage en place depuis le début des années 1990, c'est le fait que les attentes sont connues. Cela stabilise les attentes, également.
Au bout du compte, l'argument que vous me donnez pour l'avenir, disons dans cinq ans, lorsque l'entente va être renégociée, c'est qu'encore une fois on ne changera pas de taux.
Les ententes sont de cinq ans, mais l'argument que vous amenez fait en sorte que le taux cible sera toujours de 2 % parce que les attentes des marchés, des investisseurs et d'autres acteurs qui ont une incidence se fient toujours sur une entente de 2 %. Éventuellement, y aurait-il moyen de s'en sortir ou cela va-t-il va toujours demeurer à 2 %, malgré le fait qu'on a des ententes de cinq ans?
:
Tout ce que je peux dire, c'est que chaque économiste et chaque équipe économique font leurs propres analyses. C'est moins une question d'opinion que de l'utilisation de différents modèles, et des hypothèses qu'ils comprennent. Pour bien des raisons, deux analyses peuvent être différentes.
Habituellement, les modèles que nous utilisons montrent que si le gouvernement effectue une relance budgétaire, les taux d'intérêt ont tendance à augmenter, ce qui, en fait, coupe une partie des effets.
Peu importe le modèle utilisé par les économistes, on obtiendra ce résultat, mais l'important, c'est d'intégrer le modèle dans le contexte actuel. Dans le contexte actuel, il y a une capacité excédentaire dans l'économie; tandis que selon l'analyse d'origine, l'économie est à peu près dans la situation où elle devrait être, et on voit donc ce type d'ajustement.
Dans une situation comme celle d'aujourd'hui, où les taux d'intérêt sont très faibles, où il y a bel et bien un risque, comme nous l'avons dit la semaine dernière, que l'on doive abaisser les taux d'intérêt afin de maintenir l'inflation au taux cible, dans ce contexte, on n'a pas le type de compensations qu'offre souvent un modèle standard.
Voilà pourquoi nous disons qu'une combinaison de politiques fait en sorte que dans cette situation, la politique budgétaire comporte un avantage par rapport à la politique monétaire. Néanmoins, elles peuvent porter sur la même question au même moment, et cela donne une meilleure combinaison que celle qu'on aurait autrement.
Toutes ces possibilités existent. Je ne débattrai pas de prévisions précises avec vous, mais les économistes sont comme cela.
:
Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et les membres du Comité, bonjour.
[Français]
Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités à comparaître devant vous pour discuter des perspectives économiques et financières d'octobre 2016. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, ainsi que de MM. Jason Jacques, Chris Matier, Tim Scholz et Trevor Shaw. Ils pourront répondre et aimeraient bien répondre à vos questions sur les perspectives que nous avons préparées ou sur nos analyses.
[Traduction]
Avant de passer en revue les principaux points de notre rapport, je précise que la mise à jour tient compte de l'accord de principe conclu en juin sur la bonification du Régime de pensions du Canada. Cependant, elle ne comprend pas les mesures qui ont récemment été annoncées par le gouvernement en ce qui concerne le marché de l'habitation, la tarification du carbone et l'indexation du montant de l'Allocation canadienne pour enfants.
En ce qui concerne les perspectives économiques, dans l'ensemble, nos projections pour l'économie canadienne n'ont pas changé depuis avril, puisque la faible croissance du PIB réel à court terme sera compensée par une croissance plus forte à moyen terme attribuable à la hausse des dépenses des gouvernements provinciaux, à de nouvelles mesures de stimulation monétaire et à des taux d'intérêt plus bas à long terme. D'après nos projections, la croissance annuelle moyenne du PIB réel pour les années 2016 à 2021 sera de 1,8 %, ce qui correspond à ce que nous avions indiqué dans notre rapport d'avril.
La croissance annuelle moyenne du PIB nominal, qui est la mesure la plus large de l'assiette fiscale du gouvernement, est légèrement inférieure à celle projetée en avril: 3,7 % par rapport à 3,8 %. Cette révision découle de la faible inflation du PIB en 2016. Lorsque rajusté pour tenir compte des révisions historiques, le niveau du PIB nominal est réduit d'en moyenne 15 milliards de dollars par année pour la période allant de 2016 à 2021 par rapport à nos projections d'avril.
[Français]
Malgré cette révision à la baisse, nous projetons, en ce qui concerne le PIB nominal, qu'il sera en moyenne de 26 milliards de dollars par année plus élevé pour la période 2016 à 2020 par rapport à l'hypothèse de planification du budget de 2016. Celui-ci tenait compte du rajustement à la baisse effectué par le gouvernement pour accorder ses prévisions avec les prévisions moyennes du secteur privé concernant le PIB nominal.
Concernant les perspectives financières, nos projections n'ont pas beaucoup changé depuis avril. Nous continuons de projeter que le déficit va diminuer à moyen terme, passant de 22,4 milliards de dollars en 2016-2017 à 9,4 milliards de dollars en 2021-2022. Comparativement à notre rapport d'avril, nous projetons des déficits légèrement plus élevés en 2016-2017 et en 2017-2018, mais des déficits plus faibles par la suite.
Nos projections relatives au déficit budgétaire pour la période 2016-2017 à 2020-2021 se situent à 4,8 milliards de dollars en deçà des prévisions du budget de 2016. Cette différence correspond à peu près au rajustement des prévisions faites par le gouvernement, qui a retranché de ses recettes l'équivalent de 6 milliards de dollars pour chaque année de son horizon de planification.
[Traduction]
Dans le budget de 2016, le gouvernement s’est engagé à réduire le ratio de la dette fédérale au PIB d’ici cinq ans; son objectif budgétaire est un ratio de la dette fédérale au PIB de 31 % ou moins en 2020-2021.
D’après les mesures fiscales et les plans de dépenses actuels, nous projetons que le ratio de la dette fédérale au PIB sera de 29,7 % en 2020-2021. Par conséquent, nous estimons que le gouvernement est en voie de réaliser son objectif deux ans plus tôt que prévu. Il dispose donc d’une certaine latitude dans son plan financier actuel pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé à moyen terme à ce chapitre.
[Français]
Sur ce, monsieur le président, mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions sur nos perspectives économiques et financières ou sur tout autre élément pertinent à notre mandat.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Je suis content de votre question. Nous espérons en fait déposer notre rapport sur notre évaluation du marché du travail jeudi.
L'une des principales choses que nous avons trouvées quand nous avons regardé les indicateurs du marché du travail par rapport à la tendance, la chose qui est vraiment ressortie, ce sont les heures de travail. Pour les divers indicateurs relatifs à l'emploi, tout est très proche de la tendance en fonction des données démographiques, mais les heures de travail sont inférieures à la tendance.
Quand il est question de la contribution de la main-d'oeuvre à l'économie, ce sont vraiment les heures de travail qui causent ce résultat inférieur à la tendance. Cela inclut le fait que nous avons vu beaucoup de croissance dans le travail à temps partiel, par comparaison avec le travail à temps plein.
Nous avons en fait divisé cela. Nous avons regardé les divers groupes d'âge et avons constaté, en particulier pour les hommes dans la force de l'âge, que les heures sont en forte baisse. Même pour les groupes plus âgés et les jeunes femmes, les heures sont en hausse. C'est vraiment un aspect que nous examinons. Jeudi, nous aurons probablement d'autres chiffres précis à vous donner.