:
Monsieur le président, bonjour.
Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au Comité aujourd’hui. Je m’appelle Tony Manconi et je suis le directeur général de la Direction des organismes de bienfaisance de l’Agence du revenu du Canada.
[Français]
Je suis accompagné de M. Alastair Bland, directeur de la Division de la revue et de l'analyse, qui est le secteur responsable de l'exécution du mandat national en matière de sécurité de la Direction des organismes de bienfaisance.
Je suis également accompagné d'un autre employé de l'Agence, M. Stéphane Bonin, directeur de la Division des enquêtes criminelles, avec qui je partagerai mon temps de parole aujourd'hui.
[Traduction]
Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui pour répondre à chacune des questions que vous pourriez avoir au sujet du rôle de l’Agence en ce qui concerne la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la LRPCFAT, puisque le CANAFE divulgue des renseignements aux deux secteurs distincts au sein de l’Agence.
Lorsque le CANAFE a des motifs raisonnables de soupçonner que des renseignements pourraient se rapporter au blanchiment d’argent et à l’évasion fiscale, il transmet ces renseignements à la Division des enquêtes criminelles de l’Agence. Je vais laisser à mon collègue Stéphane Bonin le soin de parler davantage du rôle de la Division dans un moment.
En outre, lorsque le CANAFE a des motifs raisonnables de soupçonner que des renseignements pourraient se rapporter à des abus de nature terroriste visant le secteur de la bienfaisance, il transmet ces renseignements à la Direction des organismes de bienfaisance de l’Agence.
[Français]
J'aimerais maintenant vous donner un aperçu du mandat général de la Direction des organismes de bienfaisance et de son rôle en tant que partenaire de la sécurité nationale du Régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
[Traduction]
En vertu de la constitution, les provinces ont compétence en matière d’établissement, de maintenance et de gestion des organismes de bienfaisance. Toutefois, les organismes de bienfaisance enregistrés bénéficient de certains privilèges en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, y compris l’exonération de l’impôt sur le revenu ainsi que le pouvoir de remettre des reçus officiels de dons aux fins de l’impôt. C’est en raison de ces privilèges que l’Agence supervise les activités des organismes de bienfaisance depuis 1967.
La Direction des organismes de bienfaisance veille à ce que les organismes de bienfaisance respectent les exigences prévues par la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’enregistrement. Il faut notamment veiller à ce que le statut d’organisme de bienfaisance profite uniquement aux organismes qui relèvent exclusivement de la bienfaisance aux yeux de la Loi, et que les dons de bienfaisance atteignent leurs bénéficiaires légitimes. Nous nous acquittons de cette responsabilité au moyen d’un programme équilibré qui combine information, service et mesures d’exécution raisonnables.
[Français]
Dans le cadre de ses travaux, la Direction des organismes de bienfaisance a tenté de déterminer si le système d'inscription faisait l'objet d'abus de la part de particuliers ou de groupes qui entretiennent des liens avec des organisations terroristes. Divers processus administratifs ont contribué à cette démarche.
[Traduction]
La Loi sur l’enregistrement des organismes de bienfaisance, renseignements de sécurité, l’initiative de la sécurité publique et de l’antiterrorisme, la LRPCFAT, et la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité ainsi que les modifications corrélatives apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu ont fourni à l’Agence le mandat ainsi que la capacité de mettre sur pied une équipe spécialisée au sein de la Direction des organismes de bienfaisance. Cette équipe, la Division de la revue et de l’analyse, se consacre à la protection du secteur de la bienfaisance contre les risques d’abus à des fins terroristes. Ces développements réglementaires permettent également l’utilisation de renseignements classifiés afin de déterminer si les organismes de bienfaisance devaient être enregistrés dans le cadre de la Loi de l’impôt sur le revenu, et ont augmenté la capacité de l’Agence à transmettre des renseignements pertinents à ses partenaires gouvernementaux, y compris le CANAFE.
Bien que la Loi de l’impôt sur le revenu demeure le principal pouvoir administratif en matière de prise de décision par la Division de la revue et de l’analyse en ce qui concerne le statut d’organisme de bienfaisance, les divulgations reçues du CANAFE en vertu de la LRPCFAT fournissent de précieux renseignements qui sont nécessaires afin de prendre des décisions éclairées.
Je vais maintenant donner la parole à mon collègue Stéphane Bonin, qui vous parlera de la Division des enquêtes criminelles de l’Agence du revenu du Canada.
:
Bonjour, monsieur le président.
Je suis Stéphane Bonin, directeur de la Division des enquêtes criminelles de l'Agence du revenu du Canada.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de notre participation au Régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
[Traduction]
Le mandat du Programme est de veiller à ce que les cas importants d’évasion fiscale fassent l’objet d’une enquête et, s’il y a lieu, qu’ils soient renvoyés au Service des poursuites pénales du Canada aux fins de poursuites au criminel. Pour la sélection des dossiers, nous avons recours à une approche axée sur le risque qui se concentre sur les cas extrêmes se rapportant à des cas importants d’évasion fiscale ayant une composante internationale; aux promoteurs de stratagèmes fiscaux sophistiqués et bien organisés visant à frauder le gouvernement; à des cas de crime financier conjoint mettant en cause d’autres organismes d’application de la loi, y compris les cas d’évasion fiscale liés au blanchiment d’argent et au financement d’activités terroristes; et à des cas importants ou substantiels d’évasion fiscale afin d’éviter de payer l’impôt sur le revenu ou la TPS, y compris l’économie clandestine.
D’un point de vue plus général, l’évasion fiscale à l’étranger, qui peut aussi mener à des accusations de blanchiment d’argent, est devenue plus complexe, plus agressive et plus étendue à l’échelle mondiale, représentant ainsi un défi grandissant pour les administrations fiscales du monde entier. Afin de réagir à ces nouveaux enjeux, le Programme d’enquêtes criminelles a entrepris une transformation opérationnelle complète en 2013-2014, en passant de 32 petits bureaux à six grands bureaux. L’objectif de cette transformation était de positionner stratégiquement les 600 ressources du programme dans six grandes unités situées un peu partout au pays dans les villes d’Halifax, de Montréal, d’Ottawa, de Toronto, de Calgary et de Vancouver. Maintenant qu’elle dispose d’une plus grande masse critique d’enquêteurs actifs dans les grands centres et qu’elle est plus près de ses partenaires principaux que sont le SPPC et la GRC, la Division des enquêtes criminelles de l’Agence est bien placée pour réagir aux enjeux actuels et futurs.
[Français]
À titre d'exemple, la Division des enquêtes criminelles de l'ARC a récemment exécuté trois mandats de perquisition dans le cadre d'une enquête criminelle sur l'évasion fiscale à l'étranger liée à la fuite de données du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca. L'enquête a été rendue publique dans les Panama Papers.
Environ 30 enquêteurs de l'ARC, aidés par des membres de la GRC, ont participé à l'opération qui s'est déroulée à Calgary, à Vancouver-Ouest et dans la région du Grand Toronto. L'enquête de l'ARC a permis de cibler une série de transactions impliquant des sociétés étrangères et plusieurs transferts effectués par l'intermédiaire de comptes bancaires étrangers utilisés aux fins d'évasion fiscale.
Dans son communiqué de presse, l'ARC a reconnu publiquement la contribution importante du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, à cette enquête criminelle.
Cet exemple démontre l'efficacité de la collaboration des divers partenaires du régime. Au pays, l'ARC collabore avec le CANAFE et les organismes d'application de la loi pour garantir l'utilisation efficace des renseignements financiers dans ses enquêtes criminelles. Comme mon collègue M. Manconi l'a mentionné plus tôt, l'ARC reçoit les divulgations du CANAFE lorsque ce dernier soupçonne que les renseignements pourraient faciliter la détection de cas de blanchiment d'argent et d'évasion fiscale.
[Traduction]
Pour conclure, la lutte contre ces problèmes mondiaux que sont l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent exige un engagement ferme et une utilisation efficace des outils et des partenariats afin d’identifier les personnes qui tentent de frauder ou d’utiliser le système de façon malveillante, ainsi que de faire en sorte qu’ils observent la loi. C’est pourquoi le Programme d’enquêtes criminelles de l’Agence demeure un partenaire déterminé du régime de lutte contre le blanchiment d’argent et qu’il continuera à enquêter au sujet des contribuables qui participent à des activités de blanchiment d’argent à des fins d’évasion fiscale.
Je suis impatient de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de m'offrir l'occasion de témoigner dans le cadre de l'examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, ou LRPCFAT.
D'entrée de jeu, le Commissariat appuie les efforts déployés par le Canada pour lutter contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Cependant, la manière d'y arriver doit assurer un juste équilibre entre la nécessité de lutter contre de telles activités et le respect du droit à la vie privée de la population canadienne.
La conséquence la plus marquée de ce régime, c'est qu'il permet de recueillir une grande quantité de renseignements sur les opérations financières de Canadiens respectueux de la loi dans le but de mettre au jour les menaces à la sécurité nationale ou les incidents de blanchiment d'argent.
Dans des mémoires présentés au Parlement au sujet des projets de loi et , nous avons déjà signalé nos préoccupations concernant les régimes de collecte et de communication de renseignements en matière de sécurité nationale.
Plus précisément, nous avons insisté sur la nécessité d'établir des normes juridiques rigoureuses concernant la collecte et la communication de renseignements personnels, d'assurer une surveillance efficace et de réduire au minimum les risques d'atteinte à la vie privée des Canadiens qui respectent les lois, en partie grâce à des pratiques prudentes de conservation et de destruction des renseignements.
Comme vous le savez, conformément au paragraphe 72(2) de la LRPCFAT, le Commissariat a le mandat de procéder, tous les deux ans, à l'examen des mesures prises par le CANAFE en vue de protéger les renseignements qu'il reçoit ou recueille en application de cette loi. Nous pouvons également mener des examens en vertu de l'article 37 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Tous nos examens à ce jour ont révélé des problèmes concernant la réception et la conservation de rapports par le CANAFE non conformes aux seuils de déclaration prévus par la loi.
En 2014, le projet de loi a modifié la LRPCFAT en y ajoutant le paragraphe 54(2), selon lequel le CANAFE doit détruire les renseignements en sa possession qui n'auraient pas dû lui être communiqués.
Bien que le CANAFE ait mis en oeuvre des mesures pour valider les déclarations qui lui sont transmises, ce qui est une amélioration notable, nous continuons à trouver des renseignements dans les bases de données du CANAFE qui n'atteignent pas les seuils établis et qui n'auraient pas dû être conservés.
Par ailleurs, nous avons trouvé qu'en général, le CANAFE a une approche efficace en matière de sécurité, dont des mesures de contrôle pour protéger les renseignements personnels. Notre dernière vérification a toutefois soulevé des questions relatives à la gouvernance entre le CANAFE et Services partagés Canada, auxquelles le CANAFE s'est engagé à donner suite.
Au-delà des questions que je viens d'aborder et que nous sommes tenus d'examiner en vertu de la LRPCFAT, notre principale préoccupation, fondée sur nos examens du CANAFE au cours des 10 dernières années, a trait au manque de proportionnalité du régime. La communication de renseignements aux entités chargées de l'application de la loi et à d'autres organismes d'enquête au cours d'un exercice financier donné représente un très petit nombre, si on les compare à la quantité de renseignements reçus pendant cette même période. Le ratio est de 1 communication pour 10 000 rapports reçus.
Les renseignements reçus sont également conservés pendant de longues périodes. Ainsi, la durée de conservation de dossiers n'ayant fait l'objet d'aucune divulgation par le CANAFE est passée de 5 à 10 ans en 2007.
Même si l'on admet que l'échange de données relatives aux transactions financières concernant des citoyens respectueux de la loi peut mener à la découverte de menaces de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes, nous sommes d'avis qu'une fois que ces renseignements sont analysés et qu'ils permettent de conclure qu'une personne ne pose pas de menace, ces données ne devraient plus être conservées.
De façon plus générale, nous avons remarqué une tendance à l'élargissement du régime au fil des ans. Tout récemment, cette tendance s'est confirmée avec la publication de la vision du ministère des Finances, qui tend vers l'adoption d'un système global ou holistique de collecte de renseignements qui permettrait une plus grande analyse des données et un échange de renseignements accru. La possibilité d'abaisser les seuils de déclaration actuels, ce qui pourrait être fait par le Règlement et sans l'approbation du Parlement, a déjà été discutée lors d'examens antérieurs. Dans le document de discussion, le ministère des Finances propose également d'augmenter le nombre d'entités déclarantes et de mettre en place un nouveau modèle pour l'engagement avec le secteur privé.
[Traduction]
Bien que je reconnaisse qu'une approche globale à l'égard de la collecte et de la communication de renseignements puisse être utile pour déceler les menaces, ce qui est proposé ne ferait qu'exacerber davantage nos préoccupations à l'égard de la proportionnalité, à moins que des mesures de protection de la vie privée adéquates ne soient également mises en place.
Je propose plutôt l'adoption d'une approche fondée sur le risque pour réduire le risque de recueillir et de conserver trop de renseignements personnels et financiers sur des personnes qui respectent la loi. Dans le cadre d'une telle approche, le CANAFE, après une analyse approfondie de ses données fondée sur le risque, établirait des critères permettant de limiter la collecte, la communication et la conservation de données aux situations susceptibles de correspondre à des manifestations potentielles de financement d'activités terroristes ou de blanchiment d'argent.
Nous comprenons que cela pourrait s'avérer difficile, mais en tant que spécialistes de la protection de la vie privée, nous pensons, au commissariat, que nous pouvons jouer un rôle dans l'évaluation de ces facteurs. Pour le moment, les examens que nous effectuons en vertu de la LRPCFAT et de la Loi sur la protection des renseignements personnels se limitent à s'assurer que les lois et règlements, y compris les seuils monétaires pour la collecte, sont respectés.
Nous croyons qu'il serait plus utile pour nous de donner des conseils, après examen, sur les modifications qui pourraient être apportées aux lois, règlements ou pratiques du CANAFE pour garantir une plus grande proportionnalité, y compris l'évaluation des facteurs de risque qui pourraient permettre de régir la collecte, la communication et la conservation de l'information.
Le gouvernement recommande que la LRPCFAT soit modifiée pour que l'examen, que nous effectuons actuellement tous les deux ans en vertu de l'article 72, ait désormais lieu tous les quatre ans. Nous sommes en partie d'accord avec cette demande, mais recommandons un changement quant à l'intention de cet examen.
Premièrement, nous recommandons que l'examen que nous effectuons en vertu de la LRPCFAT ait désormais pour but de fournir des conseils ou des recommandations sur la proportionnalité, comme nous venons de le mentionner.
Deuxièmement, que l'examen commence au moins un an avant la date prévue de l'examen quinquennal devant être effectué par le Parlement. Le commissariat continuerait de mener des examens en vertu de I'article 37 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En ce qui concerne la proportionnalité, le Comité voudra peut-être examiner la partie 4 du projet de loi qui porte sur les ensembles de données du SCRS et leur conservation, ce qui pourrait être instructif.
Selon ce modèle, le SCRS doit filtrer rapidement les données — dans les 90 jours — et ne conserver les ensembles de données canadiens que si la Cour fédérale est convaincue qu'ils sont susceptibles de contribuer à l'exécution du mandat du SCRS, y compris la détection des menaces à la sécurité nationale. Par ailleurs, concernant les modifications qui pourraient être apportées aux règlements en ce qui a trait à la réduction des seuils actuels, ce qui aurait également une incidence sur la proportionnalité, je rappellerai la recommandation que j'ai formulée dans le cadre de la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à savoir que les institutions fédérales devraient être tenues par la loi de consulter le commissariat avant de déposer des projets de loi et de règlement ayant des répercussions sur la protection de la vie privée.
La prochaine partie de mon exposé porte sur la surveillance. Me reste-t-il suffisamment de temps?
:
En ce qui concerne l'examen et la surveillance du régime, je dirais que malgré les mécanismes d'examen déjà en place et ceux proposés dans le projet de loi , il subsistera des lacunes en matière de surveillance globale.
Bien que certaines décisions fassent l'objet d'un contrôle législatif ou judiciaire par les tribunaux fédéraux, lorsque le CANAFE décide de divulguer des renseignements, il est plus probable que la décision soit contestée dans le contexte d'une procédure ultérieure, à la suite de la communication de renseignements à un organisme d'enquête, comme un organisme responsable de l'application de la loi. Toutefois, dans bien des cas, lorsque le CANAFE divulgue de l'information sur une personne, la personne concernée n'apprendra peut-être jamais que la divulgation a eu lieu.
Le projet de loi , s'il est adopté, permettrait de mettre sur pied un nouvel organisme d'examen formé de spécialistes: l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui aurait la compétence nécessaire pour examiner les activités de tous les ministères et organismes jouant un rôle dans la sécurité nationale, y compris le CANAFE. Le nouveau Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement aura également pour mandat de produire des examens éclairés et exhaustifs sur le travail de ces organisations.
Cependant, l'OSASNR n'examinera pas toutes les activités du CANAFE, étant donné le mandat du Centre de détecter la criminalité associée au blanchiment d'argent et le mandat de l'OSASNR en matière de sécurité nationale. Son examen de la sécurité nationale peut également être limité étant donné que ce ne sont pas toutes les divulgations de CANAFE qui sont faites au sein de la famille fédérale.
Le Commissariat à la protection de la vie privée est un autre mécanisme de surveillance. Comme nous l'avons déjà expliqué, le Commissariat joue un rôle important en vertu de son mandat en ce qui concerne la protection de la vie privée, et il peut offrir sa perspective en la matière, notamment en raison de ses 10 ans d'expérience en vérification dans ce domaine. Toutefois, comme nous l'avons dit dans le contexte du projet de loi , nous n'avons actuellement pas l'autorité statutaire de collaborer avec d'autres organismes d'examen en matière de sécurité nationale, comme l'OSASNR, pour donner des conseils et assurer une surveillance efficace dans ce domaine.
Pour résumer, je ferais les recommandations suivantes: premièrement, les examens que nous effectuons en vertu de la LRPCFAT devraient avoir pour but de formuler des conseils ou des recommandations sur la proportionnalité; deuxièmement, ils devraient commencer au moins un an avant la date prévue des examens quinquennaux effectués par le Parlement; troisièmement, concernant les modifications qui pourraient être apportées aux règlements, le ministère des Finances Canada devrait être tenu par la loi de consulter le Commissariat avant de déposer des projets de loi et de règlement ayant des répercussions sur la protection de la vie privée.
Je vous remercie de m'avoir invité à exprimer mon point de vue. Je répondrai volontiers à vos questions.
[Français]
Bonjour, monsieur le président.
Je m'appelle Lynne Tomson et je suis directrice générale du Régime d'intégrité, Groupe de la gestion juricomptable, de Services publics et Approvisionnement Canada, ou SPAC.
Je suis accompagnée de Nicholas Trudel, directeur général du Secteur des services spécialisés du ministère.
[Traduction]
Pour ceux et celles qui l'ignorent peut-être, Services publics et Approvisionnement Canada fait fonction d'acheteur central et de gestionnaire immobilier du gouvernement du Canada au nom de tous les ministères et organismes. SPAC offre également des services spécialisés aux autres ministères et organismes. C'est dans ce second contexte que le ministère appuie directement le Régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
SPAC offre deux services qui sont directement liés à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Le premier d'entre eux est le service de juricomptabilité, qui est offert par le Groupe de la gestion juricomptable de la Direction générale du renouvellement du Régime d'intégrité, au sein de SPAC.
Le deuxième est le service d'aliénation des biens saisis. Ce service est géré par la Direction de la gestion des biens saisis de la Direction générale des services intégrés, dont Nicholas va vous parler un peu plus tard.
Permettez-moi de vous donner quelques renseignements sur le Groupe de la gestion juricomptable. Le Groupe a été créé en 1998 à la suite de la mise en place de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes pour appuyer à la fois la Gendarmerie royale du Canada et le service des poursuites pénales en ce qui a trait aux enquêtes sur les produits de la criminalité ou le blanchiment d'argent. De plus, un décret promulgué en 2002 énonce ceci:
[...] la fourniture de services de juricomptabilité [...] par le ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, aux gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones et aux administrations municipales ainsi qu'à leurs services de police, et aux gouvernements étrangers, sur demande de leur part pour obtenir de tels services.
À l'échelle du Canada, une quarantaine de juricomptables travaillent dans 11 des bureaux de la GRC. Ils jouent un rôle de soutien actif dans les enquêtes sur la détection et l’élimination du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes en réunissant et analysant des preuves financières pour étayer ou réfuter des allégations.
Leur analyse des transactions financières aide à l'identification des responsables, apporte des preuves sur les éléments de crime et permet l'application de la loi pour dépister et saisir tout bien mal acquis. De plus, les juricomptables prodiguent des conseils sur différents aspects financiers et comptables de l'enquête, y compris l'analyse de documents d'entreprise, des données bancaires, d'information fiscale, des états financiers et des communications du CANAFE.
[Français]
Pour vous donner une idée de l'envergure de ce travail, au cours des cinq dernières années, le Groupe a participé à environ 100 enquêtes de la GRC sur le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, et il a témoigné au cours de près de 30 instances de procédure pénale. La valeur totale des biens saisis et des amendes infligées par les tribunaux dans ces dossiers se chiffre à près de 10 millions de dollars.
Les enquêtes sur le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes sont devenues de plus en plus complexes et incluent presque toujours une composante internationale. Nous échangeons nos connaissances en finance et en comptabilité avec la GRC en offrant de la formation spécialisée aux enquêteurs travaillant à ces dossiers.
Pour combattre ces crimes, il est important d'éliminer l'incitatif financier. L'analyse des transactions financières est un aspect essentiel de ce travail. Ainsi, les services de juricomptabilité peuvent avoir une incidence considérable sur les enquêtes criminelles portant sur le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, ce qui a été démontré au Canada et ailleurs dans le monde.
[Traduction]
Enfin, je tiens à souligner que SPAC appuie indirectement les objectifs de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. En effet, il est responsable de l'administration du Régime d'intégrité du gouvernement du Canada. Ce régime permet de faire en sorte que le gouvernement entretienne des relations d'affaires avec des fournisseurs dont le comportement est conforme à l'éthique, et que les fournisseurs ayant été condamnés pour les infractions inscrites à la liste ne puissent pas se voir accorder un contrat du gouvernement. Ces infractions comprennent notamment les condamnations pour blanchiment des produits de la criminalité, soit la spécialité de mon groupe.
Je cède maintenant la parole à mon collègue, qui va vous parler de la gestion des biens saisis.
:
Merci. Bonjour, monsieur le président.
Je suis Nicholas Trudel, directeur général du Secteur des services spécialisés de Services publics et Approvisionnement Canada. Depuis 2014, je suis responsable de la Direction de la gestion des biens saisis, que je vais appeler la DGBS. J'ai l'intention de vous donner un aperçu de l'organisation et de l'étendue de notre rôle a l'égard de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
La DGBS a été créée en 1993 pour prêter assistance aux organismes d'application de la loi du Canada et d'ailleurs par rapport à la gestion de biens saisis et bloqués.
La DGBS fournit plusieurs services essentiels aux intervenants. La direction donne des avis consultatifs avant la saisie, après la saisie et après la confiscation. Avant la saisie, cela comprend la présentation aux intervenants d'analyses financières, logistiques et du risque ainsi que l'examen de la viabilité financière générale de la saisie d'un actif. Après la saisie, de solides pratiques de gérance des actifs sont mises en oeuvre pour protéger et garder les actifs saisis et en faire rapport. Après la confiscation, sur l'ordre des tribunaux, l'aliénation des actifs se fait par vente publique, don, recyclage, destruction ou remise des actifs aux accusés.
La DGBS administre aussi le partage des produits nets avec les intervenants. Les produits sont générés par l'aliénation des actifs saisis ou la perception d'amendes imposées par les tribunaux en remplacement d'une saisie. Le partage se fait entre les administrations dont les organismes d'application de la loi ont participé aux enquêtes sur les infractions. De 1993 à 2017, la DGBS a partagé en tout 337 millions de dollars de produits nets, dont 243 millions de dollars avec le receveur général du Canada; 89 millions de dollars avec les provinces et les territoires et 5 millions de dollars avec des nations étrangères.
L'autorité législative régissant la DGBS comprend la Loi sur l'administration des biens saisis et son règlement d'application; la Loi réglementant certaines drogues et autres substances; le Code criminel du Canada et la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
L'autorité de la DGBS en vertu de la LRPCFAT découle principalement des articles 18 et 22 de la Loi. Le paragraphe 18(1) autorise les saisies d'espèces ou d'effets par des forces de l'ordre pour des motifs raisonnables. Le paragraphe 18(2) prévoit la restitution des espèces ou effets saisis à la réception du paiement d'une pénalité, sauf si l'on soupçonne qu'il s'agit de produits de la criminalité au sens du Code criminel ou de fonds destinés au financement d'activités terroristes. Le paragraphe 22(1) prévoit que les espèces ou effets retenus sont remis au et le paragraphe 22(2), que les espèces ou effets saisis ou le paiement d'une pénalité sont remis au ministre des Services publics et de l'Approvisionnement.
Si vous avez des questions sur le rôle de la DGBS, je me ferai un plaisir d'y répondre.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie aussi tous les témoins qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui. Je pense que tous les Canadiens qui suivent cette séance trouveront le sujet très intéressant. Ils vont constater que nous pourrons peut-être cerner précisément les lacunes dans le dossier que nous sommes en train d'examiner.
Mes questions vont s'adresser d'abord à M. Therrien.
Je remercie beaucoup votre équipe et vous-même, monsieur Therrien, du travail que vous êtes en train de faire.
Durant votre témoignage, vous avez dit que votre bureau avait découvert certains problèmes. J'ai ici le texte de votre allocution, mais il s'agit malheureusement de la version anglaise.
[Traduction]
Vous dites être inquiet de la quantité de renseignements conservée par le CANAFE.
[Français]
Par ailleurs, Mme Tomson, de SPAC, mentionnait un peu plus tôt qu'il était important d'avoir recours à la juricomptabilité. Selon elle, il faut déterminer l'importance du blanchiment d'argent ou des activités liées au financement du terrorisme. Nous avons besoin de renseignements qui datent d'un certain temps, et même d'un bon bout de temps, pour être en mesure de revoir les données. Si quelque chose arrive, SPAC doit revoir les anciens documents ou les conclusions tirées par le passé selon lesquelles il n'y avait pas de problème, pas de blanchiment d'argent. Toutefois, avec l'arrivée de nouveaux renseignements, il faut revoir nos données encore une fois.
Considérez- vous alors que c'est une bonne chose d'exiger que le CANAFE élimine ces renseignements immédiatement, dès lors qu'il a conclu que les activités de telle ou telle personne ou de telle entreprise n'étaient pas douteuses?
:
Nous ne recommandons pas nécessairement la destruction des documents dans un délai très court. Nous recommandons une approche qui s'appuie sur le risque. Le point de départ, c'est que la collecte d'information au sujet d'un bon nombre de transactions, en fait l'immense majorité évidemment, sont des transactions financières de gens qui respectent la loi, dans le but de repérer des criminels ou des terroristes ressemble beaucoup à la façon de procéder suggérée dans les projets de loi et . Il y a un fondement à cela. Il faut filtrer les renseignements à partir d'un bon nombre de données pour découvrir les menaces et les gens qui représentent une menace à la sécurité ou qui présentent un risque de criminalité.
Je ne mets donc pas cela en doute. En revanche, si nous examinons les chiffres — il est utile de les avoir en tête —, au cours des quelques dernières années, le ratio de divulgation auprès d'agences policières ou d'autres organismes à partir des renseignements reçus a été de 1 pour 10 000. Pour chaque 10 000 rapports reçus, il y a donc seulement une divulgation qui a été acheminée aux forces policières, à l'Agence du revenu ou aux agences de sécurité. Nous constatons que beaucoup d'information est colligée pour ne découvrir que très peu de cas où des personnes posent un problème quant à la sécurité.
Je ne dis pas qu'il faille arrêter de colliger ces renseignements, mais je recommande, comme les gens de l'Agence du revenu le suggèrent en partie, que nous ayons une approche qui s'appuie sur le risque. On peut colliger beaucoup de renseignements au départ, mais aussi appliquer une approche fondée sur le risque qui pourrait tenir compte de l'utilité de renseignements aux fins de collecte d'éléments de preuve. Cela pourrait être un des facteurs. Cependant, il faut se demander s'il faut procéder à une analyse des risques assez tôt pour savoir s'il y a lieu de conserver ou pas les renseignements. Il se peut que, pour différentes raisons, un certain nombre de ces rapports doivent être conservés pendant une longue période, mais je pense qu'un certain nombre d'autres rapports devraient être détruits assez rapidement, comme il est proposé de le faire dans le projet de loi .
Personnellement, je vois des analogies entre la façon de procéder du projet de loi , où il est question d'une vaste collecte d'informations pour repérer peu de gens qui représentent une menace, et la collecte de renseignements au sujet de transactions financières en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, dans le but de découvrir peu de criminels qui se livrent au blanchiment d'argent ou de gens qui participent au financement d'actes terroristes.
:
D'accord. C'est très bon à savoir.
Récemment, le a commencé à parler d'un système bancaire ouvert. Il peut servir à diverses fonctions. Par exemple, aux États-Unis, on offre un service, mint.com, qui permet aux gens d'avoir accès directement à leurs données financières, par l'entremise de leur institution financière, afin de profiter de prêts à faible taux en fonction de leur cote de crédit ou de leur revenu ou d'avoir recours à divers instruments d'épargne pour la retraite ou de gestion des dépenses. Tout cela est gratuit.
De toute évidence, la technologie existe. Elle est aussi utilisée au Royaume-Uni et dans l'Union européenne. Nous n'avons pas droit à une telle offre ici. Les représentants d'Intuit que j'ai rencontrés m'ont dit que ces services étaient similaires, mais qu'ils utilisaient une technologie qui date.
Ma première question a trait à la protection de la vie privée. Bien sûr, les banques et les institutions financières sont tenues de protéger les renseignements personnels de leurs clients. Croyez-vous que les Canadiens qui utiliseraient ces services pourraient aussi prendre possession de ces renseignements, puisqu'ils leur appartiennent, et les utiliser à d'autres fins? Croyez-vous qu'un système bancaire ouvert et la conservation continue des renseignements par les institutions financières donnent lieu à un certain questionnement ou que les gens devraient pouvoir dire que ces renseignements leur appartiennent et qu'ils ne devraient pas être communiqués sans leur consentement?
:
Merci, monsieur le président.
J'ai écouté avec grand intérêt les exposés qui nous ont été présentés aujourd'hui. Nous avons déjà entendu les représentants de nombreuses organisations, et je conviens avec vous qu'il s'agit d'un enjeu fort complexe, comme vous l'indiquiez dans vos observations préliminaires. J'essaie simplement de mieux voir comment tous ces éléments s'imbriquent. Un grand nombre de ministères et d'organisations sont en cause. C'est le cas du ministère des Finances, du ministère de la Justice, du ministère des Affaires mondiales, du CANAFE, du Service des poursuites pénales du Canada, de l'Agence des services frontaliers du Canada, de l'Agence du revenu du Canada, de la Gendarmerie royale du Canada, du Service canadien du renseignement de sécurité, de Sécurité publique Canada et du Bureau du surintendant des institutions financières.
Pour avoir passé une grande partie de ma vie active à titre de politicien travaillant auprès des gouvernements, je sais pertinemment que les voies de communication ne permettent pas toujours une circulation de l'information aussi efficace qu'on le souhaiterait.
Il y a une chose que j'aimerais savoir, et peut-être pouvez-vous tous me fournir un élément de réponse. Dans quelle mesure êtes-vous satisfaits des échanges d'information qui ont cours? Si vous avez des suggestions d'amélioration, n'hésitez pas à nous en faire part.
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Merci à tous de votre présence aujourd'hui.
Je veux d'abord m'adresser moi aussi au commissaire à la protection de la vie privée, bien que ce soit dans une perspective légèrement différente. Nous avons reçu récemment les représentants des autres agences de sécurité, comme le SCRS et la GRC, et je leur ai posé une question semblable à celle de M. McLeod concernant la mise en commun de l'information. À titre d'exemple, le SCRS peut obtenir des renseignements sur des activités de blanchiment d'argent, et les transmettre à la GRC, car il ne mène pas lui-même des enquêtes. Ce sont simplement des renseignements qui sont transmis de cette manière, ou encore du SCRS au CANAFE, ou bien de la GRC au CANAFE.
Quelle forme de surveillance est exercée pour être certain que ces éléments d'information sont transmis aux agences appropriées, et comment pouvons-nous savoir si une enquête est effectivement menée? Y a-t-il des données qui sont compilées pour permettre de savoir si l'information a été prise en compte, si on a décidé ou non de suivre la piste et à quel endroit s'est retrouvée l'information par la suite? C'est ce que je leur ai posé comme question, et on m'a donné une réponse en deux volets. On m'a d'abord indiqué que c'est une tâche dont devait s'acquitter le Commissariat à la protection de la vie privée à tous les deux ans, mais on a aussi souligné que le nouveau comité de surveillance parlementaire pourrait avoir son mot à dire.
Maintenant que j'ai entendu votre exposé d'aujourd'hui et que je comprends mieux le rôle de votre commissariat, j'ai toutefois l'impression que ce genre de surveillance ne relève pas du tout de votre mandat. Il est possible que je me trompe, mais je crois que votre rôle consiste plutôt à veiller à ce que la vie privée soit protégée et à ce que des renseignements personnels ne soient pas utilisés indûment. Ce n'est donc pas votre commissariat qui doit voir à ce que les informations ou les signalements soient transmis au bon endroit et ne se retrouvent pas simplement dans un trou noir quelque part, ou bien est-ce que je fais fausse route?