Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 181 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue au gouverneur et à la première sous-gouverneure de la Banque du Canada.
    Avant de passer au témoignage de la Banque du Canada, nous voudrions traiter très rapidement quelques travaux du comité.
    Je crois que vous avez une motion, monsieur Sorbara.
    Oui, monsieur le président.
    Tout le monde devrait avoir une copie de la motion qui a été présentée en sous-comité.
    Il nous faut une motion pour accepter le rapport du Comité.
    Le sous-comité s’est réuni le lundi 29 octobre. Les membres du Comité ont une copie de la motion que l'on y a adopté et qui décrit la procédure à suivre pour traiter le projet de loi C-86. Je ne pense pas qu’il y ait d’ajouts. Au point 2, on lit que relativement aux consultations prébudgétaires, le voyage proposé pour cet automne à San Francisco et à Houston, au Texas, sera reporté. Troisièmement, nous traiterons de l’ordre de renvoi sur l’étude du projet de loi C-82 au début de 2019.
    C’est la motion, et les membres de tous les partis étaient présents.
    Nous entendons-nous au sujet du rapport du Comité?
     Des députés: D'accord.
    Le président : Vous avez la parole, monsieur Sorbara.
    J’aimerais déposer une autre motion, s’il vous plaît.
    Nous vous écoutons.
    Puis-je demander aux greffiers de distribuer le texte de la motion?
    Voulez-vous que je lise tout le document?
    Ce serait peut-être mieux.
    D’accord. Je propose
Que :
a) le président du Comité écrive le plus rapidement possible aux présidents des comités permanents ci-dessous pour inviter ces comités à étudier la teneur des dispositions suivantes du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures: (i) le Comité permanent de l’environnement et du développement durable: partie 1, sections 13, 18 (1) (8) (9) et 19 du projet de loi; partie 2, sections 41, 44, 45, et 53 du projet de loi; partie 4, section 5, articles 176 à 178; (ii) le Comité permanent de la justice: partie 4, section 20 du projet de loi; (iii) le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités: partie 4, sections 22 et 23 du projet de loi;
b) pour chacun des comités permanents nommés en a), (i) les recommandations, incluant toute proposition d’amendement, soient soumises dans les deux langues officielles, quant aux dispositions étudiées, dans une lettre rédigée dans les deux langues officielles, au président du Comité permanent des finances au plus tard le mardi 13 novembre 2018 à 16 heures; (ii) tout amendement soumis au titre du paragraphe b)(i) soit réputé être proposé pendant l’étude article par article du projet de loi C-86, et sous réserve d’amendements proposés par les membres du Comité permanent des finances, sans égard aux recommandations reçues au titre du paragraphe b)(i); (iii) si un comité permanent nommé en a) décide de ne pas étudier l’objet des dispositions, qu’il avise le président du Comité permanent des finances par écrit, dans les deux langues officielles, au plus tard à 16 heures le jeudi 1er novembre 2018.
(1535)
    C’est après-demain.
    C’est proposé. Y a-t-il des commentaires?
    (La motion est adoptée.)
    Merci à tous. À titre d’avertissement, nous devrons peut-être nous réunir demain soir vers 17 h 30 pour mettre de l’ordre dans le rapport sur le blanchiment d’argent et le financement. Nous essayons de trouver une solution avec Dan Albas, du Parti conservateur, pour qu’il puisse venir.
    Sur ce, je vous remercie de votre patience, monsieur le gouverneur. Vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. La première sous-gouverneure Wilkins et moi-même sommes heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour discuter du rapport de la Banque sur la politique monétaire.

[Français]

     En avril dernier, nous avons parlé des progrès considérables observés dans le domaine de l'économie. Nous avons expliqué que, après avoir manqué de vigueur au début de 2018, la croissance allait rebondir au deuxième trimestre et s'établir à environ 2 % pour le reste de l'année. Nous avons aussi mentionné que l'inflation allait rester un peu au-dessus de notre cible de 2 %, cette année en raison de facteurs temporaires. L'effet de ces facteurs allait disparaître avec le temps et l'inflation revenir à la cible en 2019.
    Six mois plus tard, les choses évoluent de façon très positive. L'économie canadienne va très bien et continue de tourner près des limites de sa capacité. La croissance est aussi assez généralisée dans l'ensemble des secteurs et des régions. Elle est aussi plus équilibrée. En effet, la composition de la demande se modifie en faveur des investissements des entreprises et des exportations plutôt que de la consommation et du logement.

[Traduction]

     L’économie enregistrera une croissance légèrement supérieure à son potentiel pendant la période de nos prévisions, soutenue par la demande étrangère et intérieure et par des conditions financières favorables. Entretemps, l’inflation se rapproche de la cible après avoir été légèrement supérieure à ce que nous avions prévu en juillet et en août, ce qui s’explique en grande partie par les changements dans la façon dont Statistique Canada mesure les tarifs aériens. Même si l’inflation affichait plus de volatilité au cours de ces prochains mois, nos mesures de base demeureront fermement aux alentours de 2 %.
    Bien entendu, ces prévisions demeurent sujettes à d’importants risques et incertitudes. Permettez-moi de souligner deux enjeux: le commerce et l’endettement des ménages.
    En avril, nous avions indiqué que le risque le plus important entourant les perspectives d'inflation était l'éventualité d'une montée notable du protectionnisme à l'échelle mondiale. Nous avions aussi précisé que nos prévisions tenaient compte de l'effet négatif de l'incertitude accrue à ce sujet sur les projets d'exportation et d'investissement des entreprises. Avant l'annonce du taux directeur la semaine dernière, nous avons bien sûr discuté longuement des implications du récent Accord États-Unis-Mexique-Canada. Cet accord est une bonne nouvelle, car il permettra de réduire une source importante d'incertitude qui a freiné les investissements des entreprises.
    D'après notre plus récente enquête sur les perspectives des entreprises, menée avant la conclusion de cet accord, les intentions d'investissement de ces dernières étaient déjà plutôt positives. Les entreprises cherchaient en effet à tirer parti de la vigueur de l'économie américaine. Compte tenu de l'accord, nous avons annulé en partie la diminution de nos perspectives d'investissement. Par mesure de prudence, nous ne l'avons pas retirée en entier. Il y a deux raisons à cela. La première est que nous voulons voir comment les entreprises ajusteront leurs projets d'investissement en pratique. La deuxième est que nous savons que les défis de compétitivité pèsent aussi sur les investissements.
    Les mesures protectionnistes — surtout celles concernant les États-Unis et la Chine — ont aussi retenu notre attention, car elles ont déjà des conséquences sur les perspectives mondiales. Nous avons intégré dans nos prévisions les incidences attendues des droits de douane imposés jusqu'à maintenant. Nous avons aussi intégré un effet modérateur sur la confiance qui provient de la menace de mesures supplémentaires. Au total, nous estimons que ces facteurs vont réduire la production mondiale de 0,3 % d'ici à la fin de 2020. C'est un coût considérable, qui s'élève à plus de 200 milliards de dollars américains.
    La question des échanges commerciaux qui oppose les États-Unis et la Chine représente un risque aussi bien à la hausse qu'à la baisse pour la politique monétaire canadienne. En effet, les États-Unis et la Chine pourraient réussir à apaiser ou à régler ce conflit commercial. Un tel résultat serait positif pour le commerce international et les investissements, et pour le Canada. Le conflit pourrait aussi s'aggraver, ce qui mettrait en péril d'importantes chaînes de valeur mondiales. La croissance à long terme et la prospérité à l'échelle mondiale s'en trouveraient naturellement réduites. Mais les conséquences globales pour l'inflation seraient incertaines. Je vous invite à consulter l'encadré 1 du Rapport sur la politique monétaire, ou RPM, pour en savoir plus sur les répercussions possibles des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.
    En ce qui concerne l'endettement des ménages, nous évaluons aussi la façon dont les gens s'adaptent aux taux d'intérêt plus élevés et aux modifications apportées plus tôt cette année à la ligne directrice B-20 sur la souscription à des prêts hypothécaires. L'encadré 4 du RPM apporte des précisions sur l'incidence de la modification de ces règles sur le crédit hypothécaire.
    Dans l'ensemble, les données indiquent que les ménages ajustent leur budget essentiellement comme prévu. Nous comprenons que cela peut être difficile, surtout pour ceux qui sont très endettés. Mais l'emploi et les revenus continuent aussi à croître, ce qui peut aider à amortir le processus d'ajustement. De plus, la qualité des nouveaux emprunts s'améliore et l'activité dans le secteur du logement ralentit pour se situer à un niveau plus soutenable. Tous ces éléments rendent l'économie plus résiliente et réduisent la probabilité que de nombreuses personnes se retrouvent plus tard dans une situation difficile.
    Les modifications aux règles semblent également avoir tempéré l'élan des spéculateurs sur certains marchés. La pression sur l'accessibilité à la propriété a donc diminué. Bien que les vulnérabilités du système financier demeurent élevées, le fait qu'elles se soient stabilisées et aient diminué légèrement à plusieurs égards est positif.
    Pour conclure, je tiens à souligner que même si la Banque a relevé le taux directeur la semaine dernière pour le porter à 1, 75 %, la politique monétaire reste expansionniste. De fait, le taux directeur est encore négatif en termes réels, c'est-à-dire une fois l'inflation prise en compte. Notre estimation d'une orientation neutre correspond à une fourchette, qui va actuellement de 2,5 à 3,5 %. Le taux directeur devra augmenter jusqu'à parvenir à une orientation neutre pour assurer l'atteinte de la cible d'inflation.
    Cela dit, le rythme approprié des hausses de taux dépendra de l'évaluation que nous faisons, à chaque date d'annonce préétablie, de l'évolution des perspectives d'inflation et des risques connexes. En particulier, nous continuerons de tenir compte de la façon dont l'économie s'ajuste aux taux d'intérêt plus élevés, vu l'endettement élevé des ménages. Nous évaluerons également si la forte confiance des consommateurs se conjugue à la vive croissance de l'emploi et des revenus et se traduit par une consommation plus élevée que prévu. Nous prêterons aussi une attention particulière à l'évolution des politiques commerciales mondiales et à ses implications pour les perspectives d'inflation. Encore une fois, il s'agit d'un risque tant à la hausse qu'à la baisse.
(1540)
    Sur ce, monsieur le président, la première sous-gouverneure Wilkins et moi ferons un plaisir de répondre à vos questions.
     Merci, monsieur le gouverneur.
    Je vais faire une remarque, puis nous passerons à Kim.
    Je viens d’une époque où je payais à la banque un taux d’intérêt de 23,5 %, ce qui était beaucoup plus élevé à l’époque, et ce n’était pas une période agréable pour les agriculteurs et les propriétaires de maison.
    Madame Rudd, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d’être venus et de vous être joints à nous aujourd’hui.
    Monsieur Poloz, je me souviens de votre message au sommet des finances B7 à Québec. Vous nous avez beaucoup parlé de « point d'ancrage » ou d'« orientation neutre ». Vous en avez encore parlé aujourd’hui. Vous avez dit que ce « point d'ancrage neutre » se situait entre 2,5 et 3,5 %. Je me demande si vous pouvez nous donner un peu plus de détails sur les raisons pour lesquelles vous considérez que cette fourchette correspond au taux d’intérêt actuel du Canada.
    Il s’agit de recherches de nature plutôt mondiale. En fait, nos homologues de la Réserve fédérale des États-Unis croient également que leur fourchette neutre est la même, soit entre 2,5 et 3,5 %. Il s’agit d’un chiffre qui découle de la balance mondiale de l’épargne-investissement, de l’utilisation des fonds et de la fourniture de fonds sur les marchés financiers.
    Nous utilisons plusieurs méthodes pour estimer ce taux, et elles nous donnent un vaste éventail de résultats, alors il n’y a pas de risque extrême. C’est le taux auquel nous pensons que la politique monétaire ne serait plus stimulante et ne jouerait plus un rôle d'austérité; c’est donc un chiffre équilibré. C’est le genre de choses qui peuvent changer avec le temps en fonction de conditions comme les vents contraires et les perspectives économiques. Si la dette des ménages pèse sur l’économie, elle se situera peut-être au bas de l’échelle. Si ce n’est pas le cas, elle pourrait se trouver plus haut. Cela dépend aussi d’autres facteurs.
    C’est peut-être assez de contexte pour vous. Nous pensons que ce taux se situe quelque part dans cette fourchette, mais nous ne le saurons pas vraiment tant que nous ne nous en rapprocherons pas.
(1545)
    C’est exact. Restez à l’écoute, comme on dit.
    J’ai lu un article dans le Financial Post la semaine dernière — en fait, c’était peut-être cette semaine. Kevin Carmichael en est l'auteur. Il fait remarquer que, dans les récentes communications stratégiques de la Banque du Canada, on ne lit plus le mot « graduel ». Je vois Mme Wilkins hocher la tête.
    On le retrouve aussi dans les trois énoncés de politique précédents. Lorsqu’on parle d’augmentation des taux, est-ce, comme le suggère l’article, parce qu’on peut s’attendre à des hausses plus fréquentes des taux d’intérêt? Je vous pose la question parce que les articles suggèrent bien des choses.
    Voulez-vous y répondre?
     Vous avez tout à fait raison. Nous utilisions ce mot, et la raison pour laquelle nous avons décidé de dire les choses différemment, c’était pour préciser deux ou trois choses. La première, c’est qu’il ne s’agissait pas d’une sorte de code pour désigner « toutes les autres réunions ». En fait, vu notre position dans le cycle, bien que nous connaissions l’orientation des taux d’intérêt, le rythme doit vraiment être déterminé par ce que nous suggèrent les données. Nous devons évaluer deux ou trois facteurs soulignés dans notre communiqué de presse sur la façon dont les ménages s’adaptent aux augmentations des taux d’intérêt et sur l’évolution des échanges commerciaux non seulement au Canada, mais en particulier entre les États-Unis et la Chine.
    Nous pensions qu’en expliquant les principaux facteurs qui sous-tendent notre évaluation, nous indiquerions clairement aux gens — ce qui est extrêmement important, à notre avis — qu’à chaque réunion, nous prenons une décision en fonction de la direction que notre évaluation nous montre afin d'atteindre une cible d’inflation qui équilibre tous les risques. Nous n’attendons pas toutes les autres réunions.
    En fait, les mots qui s'appliquent à plusieurs reprises finissent par devenir des codes. En lisant ce mot, les gens oublient de lire le reste de ce que nous rédigeons soigneusement pour donner beaucoup plus d’information. Je dois dire que j’ai trouvé positif, dans le rapport de la semaine dernière, le fait que les gens aient fait exactement cela. Ils ont examiné toute la gamme des renseignements que nous donnions sur nos prévisions.
    Vous avez parlé de l’AEUMC et de vos considérations, qui ont en partie influencé votre décision d’augmenter les taux. Comme vous le savez, le gouvernement est en pourparlers et vient de signer le PTPGP. D’autres accords commerciaux se profilent à l’horizon. Pouvez-vous parler du Canada en tant qu’acteur mondial dans le domaine du commerce et de l’incidence que cela pourrait avoir sur certaines des décisions que vous prenez?
     Il est certain que l’économie canadienne ne peut pas se maintenir sans un bon volume de commerce extérieur. C’est une question d’échelle. Il faut une certaine échelle de production pour atteindre l’efficacité qui rend une entreprise concurrentielle dans les marchés internationaux.
    L’ALENA, comme nous l’appelions — c'est maintenant l’AEUMC — était un élément de base très important pour notre économie. L’incertitude quant à son avenir a incité les entreprises à retarder ou, en fait, à modifier la direction de leurs investissements, souvent vers les États-Unis. Même si l’ALENA n’a jamais cessé d’exister et que l’AEUMC a été paraphé ou qu'il est maintenant prêt à être ratifié, le fait est qu’au cours de presque ces deux dernières années, nous avons déjà beaucoup perdu à cause de l’incertitude que cette situation a créée.
    Ce que nous avons trouvé encourageant dans notre sondage auprès des entreprises, c’est qu’elles étaient toujours prêtes à investir, parce qu’elles fonctionnaient au maximum de leur capacité et qu’elles devaient prendre de l’expansion d’une façon ou d’une autre. Le fait que cette incertitude se soit maintenant partiellement dissipée augure bien pour les perspectives d’investissement et, par conséquent, pour notre capacité de faire croître l’emploi, la productivité et les salaires. Tous ces facteurs se relient le long de la chaîne. Évidemment, les autres accords ne se substitueront pas à l'AEUMC, mais ils le compléteront en ouvrant des débouchés ailleurs.
    Toutes ces choses sont positives dans un monde où le commerce est devenu la façon de faire des affaires. Dans bien des cas, les droits de douane ne sont pas très élevés, alors ils ne font pas obstacle au commerce, mais tout ce que l'on fera pour rendre le système plus efficace alimentera directement ce moteur, ce qui favorisera la croissance.
(1550)
    Je vous remercie tous.
    Nous allons passer à M. Richards, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis reconnaissant d’être venus nous faire le point aujourd’hui.
    Je voudrais revenir à ce que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire au sujet de la dette à la consommation. Vous avez parlé des lignes directrices sur les hypothèques B-20. J’aimerais que vous nous en parliez un peu plus. Vous avez mentionné deux ou trois choses. Vous estimez que cela a eu une certaine incidence sur la dette à la consommation, mais vous avez également indiqué que cela a aussi influencé le prix des maisons dans certains marchés. J’aimerais aborder ces deux points un peu plus en détail.
    Premièrement, en ce qui concerne la dette à la consommation elle-même, avez-vous examiné ou tenu compte de la dette à la consommation dans son ensemble? Autrement dit, vous dites que vous constatez qu'elle a une certaine incidence sur les hypothèques des gens. En fait, certaines personnes nous ont dit que jusqu’à 20 % des acheteurs trouvent plus difficile, voire impossible, de pénétrer le marché. Évidemment, on comprend bien cela dans le cas des gens qui obtiennent des hypothèques assurées par la SCHL, mais dans le cas des gens qui versent une mise de fonds de 20 % ou plus et qui, par conséquent, n’ont pas d’assurance hypothécaire, est-ce que nous devrions plutôt, en appliquant un test de tension...?
    Avez-vous étudié la possibilité qu’au lieu de contracter une hypothèque, ils ne font qu'augmenter leurs dettes, comme s'ils achetaient une voiture ou autre chose? Au lieu de réduire le montant de la dette, est-ce que nous ne la remplaçons pas par un autre type de dette? Quand on parle d’une voiture ou de quelque chose du genre, ce n’est certainement pas, dans la plupart des cas, un aussi bon investissement qu'une maison, par exemple.
    Je voudrais vraiment savoir si vous avez examiné cette question et s’il l'on a simplement remplacé cette dette par une autre au lieu de la réduire.
     Bien sûr. Je vais commencer. Cette question contient de nombreux éléments.
    Commençons par la dette. Il est très important de déterminer l'évolution de cette situation parce que, comme nous l’avons dit, elle présente une vulnérabilité de l’économie canadienne que nous devons garder à l’esprit. Les chiffres réels nous ont démontré que le ratio de la dette au revenu disponible est l’un de nos indicateurs phares, mais il n'est pas le seul. En fait, il s’est stabilisé et a commencé à diminuer, de sorte que la croissance du crédit et la croissance globale du crédit ont beaucoup diminué. Les taux de croissance ont beaucoup baissé, principalement à cause du crédit hypothécaire, mais pas entièrement. C’est un gros navire auquel il est difficile de faire faire demi-tour. Il faudra un certain temps pour que ces taux diminuent. Il faudra pour cela une croissance des revenus.
    Regardons un peu ce qui se passe sous le capot. C’est lié à la qualité des nouveaux prêts hypothécaires. Notre rapport sur la politique monétaire présente des travaux très intéressants dans l’une des boîtes, et dans deux ou trois semaines, nous aurons une étude plus complète qui ne portera que sur la qualité des nouveaux prêts hypothécaires auxquels les gens ont souscrit non seulement après les plus récentes lignes directrices B-20, mais sous celles d'avant qui, comme vous l’avez dit, s’appliquent aux prêts hypothécaires à ratio élevé. Les chiffres nous indiquent que le nombre des prêts hypothécaires contractés par des personnes très endettées a beaucoup diminué. Il a diminué partout, mais surtout dans le cas des gens dont le ratio prêt-revenu s'élève à 450 % et plus.
    Oui, il est donc plus difficile pour certains de s'introduire dans le marché. Vous avez mentionné le chiffre de 20 %. Il y en a d’autres. Les estimations sont très proches de ce à quoi nous nous attendions. En même temps, cela signifie que les hypothèques qui sont contractées sont plus susceptibles de résister à l’épreuve du temps et de bien servir ces gens, parce que si l'on achète une maison et que plus tard, cette propriété devient trop difficile à gérer parce que les taux d’intérêt ont augmenté, on fait face à un problème. De plus, si vous achetez une maison et que le prix de la maison, votre avoir, est à risque parce que le prix des maisons, à l’époque, augmentait par des multiplicateurs de dix dans certaines régions et qu’il a beaucoup baissé, encore une fois, cela signifie que le marché de l’habitation fonctionne à un rythme plus lent, mais plus durable.
    Nous comprenons que cette transition est très difficile pour beaucoup de gens, nous en sommes conscients, mais en même temps, cela permet à l’économie de se renforcer pour l’avenir. Cela signifie que les emplois et les revenus des gens deviendront moins volatils.
(1555)
    Merci.
    Je pense que la ligne directrice B-20, cependant, s’applique également aux propriétaires qui renouvellent leur hypothèque, et je suppose que nous n’avons pas encore eu l’occasion d'en constater les répercussions. Nous retrouverons certainement des gens dans des situations où ils devront payer un taux plus élevé pour leur hypothèque, parce que ce qui se passe, bien sûr, c’est que s’ils ne sont pas admissibles en vertu de ce nouveau critère, ils ne peuvent pas passer à un autre prêteur. Ils peuvent rester chez leur prêteur, mais avons-nous vérifié si cela a effectivement fait augmenter les taux de renouvellement? De toute évidence, si un prêteur sait qu’il tient un propriétaire captif parce qu’il ne peut pas aller ailleurs, il ne va probablement pas lui offrir le même genre de taux que s’il était en concurrence. Est-ce que cela fait augmenter ces taux?
    Il ne s’agit pas de dissuader les gens de s’endetter alors qu’ils n’en ont pas les moyens. Ce dont nous parlons, c’est d’une personne qui a fait une mise de fonds importante et qui est maintenant prise avec un seul prêteur, ce qui fait augmenter le taux, ce qui lui coûte plus d’argent, mais cela n’a pas vraiment d’incidence sur la dette, bien sûr.
    Avons-nous vu s’il y a eu des répercussions de ce genre?
    Il nous est difficile de déterminer un autre taux que celui au jour le jour qui s’applique dans le cadre du mécanisme de transition, mais ce que vous dites, c’est que, comme les gens pourraient se trouver coincés en quelque sorte chez un prêteur, ils pourraient obtenir un taux moins favorable que s’ils avaient l'occasion de s'adresser à un autre prêteur. Il y a un certain nombre de mécanismes que même les prêteurs existants peuvent utiliser pour faciliter la transition, y compris la modification de la période d’ajustement. D’après les résultats de nos travaux, il y aura encore des gens qui, au moment du renouvellement — disons, en 2019 si vous aviez une hypothèque fixe de cinq ans en 2014 —, ne subiront pas une très forte augmentation de leur ratio de service de la dette. Celle-ci augmentera beaucoup s’ils sont déjà très endettés.
    D’un point de vue macroéconomique général, nous savons qu’il s’agit d’une transition difficile, mais nous tenons compte de cette incidence différentielle — entre l'endettement de la personne au moment où elle a contracté son hypothèque et celui où elle la renouvelle — en décidant des taux d'intérêt. Nous ne nous limitons pas à la moyenne des activités des banques. C’est une question de conception politique qui n’est pas de notre ressort.
     Puis-je alors poser une question...
    Je suis désolé, Blake, nous en sommes... Allez-y brièvement, une dernière question.
    Je serai très bref.
    Vous nous dites que ce n’est pas de votre ressort. Serait-il utile que nous nous penchions sur cette question? Diriez-vous que c’est une question qui mérite notre attention?
    Il faudrait peut-être poser cette question aux banques ou aux institutions financières en général. Je n’ai pas reçu de plaintes à ce sujet. Je pense que toutes les banques savent que si elles traitent un client comme s’il était piégé, tout le monde l'apprendrait immédiatement. Je ne pense pas que ce soit une bonne stratégie pour une banque.
    De toute façon, il nous est assez difficile de suivre ce genre de détails.
    Merci.
    Monsieur Julian, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d’être ici.
    J’aimerais que vous nous parliez des variations régionales. Vous avez mentionné dans le rapport sur la politique monétaire une baisse marquée du prix des maisons dans certaines régions.
    Bien entendu, je représente une circonscription de la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique. La hausse des taux d’intérêt a causé beaucoup de difficultés. Ce sont des gens qui ont un taux d’endettement élevé, cela ne fait aucun doute. C’est parce que les salaires ont essentiellement stagné. Nous avons constaté une augmentation marquée du prix des logements dans le marché de l'habitation.
    L’impact net a été... Dans ma région, de New Westminster à Burnaby en passant par Vancouver, environ 20 000 logements sont vides. Ils sont achetés par des spéculateurs ou de l’argent étranger. En raison de la hausse des taux d’intérêt, ils sont hors de portée pour les gens qui ont un salaire moyen.
    Pourriez-vous nous parler de cette variation régionale? Je comprends la perspective nationale globale, mais dans certaines régions du pays, l’augmentation des taux d’intérêt a une incidence plus marquée que dans d’autres, parce que le prix des maisons est très élevé au départ.
(1600)
    Il ne fait aucun doute que l’abordabilité varie beaucoup d’une région à l’autre. Par conséquent, la dette hypothécaire est très élevée dans les endroits où les maisons coûtent plus cher, surtout à Vancouver, mais Toronto suivait les traces de Vancouver, il y a deux ans.
    À ce moment-là, nous avions un très fort élément spéculatif dans les deux marchés, des guerres d’enchères, des prix à la hausse, des appels d’offres multiples et des prix qui augmentaient énormément.
    La présomption était la suivante: « Je peux encore me le permettre parce que je sais que je vais obtenir le prêt hypothécaire. » C’était l’un des symptômes d’une période où les taux d’intérêt étaient très bas depuis très longtemps. Les gens comptaient là-dessus. Tout au long de cette période, il y a eu, bien sûr, d’autres changements dans les politiques, pas seulement les taux d’intérêt, la ligne directrice B-20, mais aussi certaines taxes spéciales mises en oeuvre dans votre région, ainsi qu’à Toronto.
    Il n'est pas vraiment possible d'établir la part de responsabilité de chacun de ces facteurs. Nous avons une idée de l’effet des taux d’intérêt. Oui, ils ont un impact plus important sur les ménages très endettés. Vous avez tout à fait raison, et c’est ce dont Carolyn parlait.
    En toute justice, le test de résistance a été conçu pour aider les gens à comprendre et à vérifier s’ils pouvaient faire face à ce qui semblait être une fluctuation raisonnable des taux d’intérêt, soit environ 200 points de base. Nous en sommes maintenant à 125 points de base de hausse depuis que les taux étaient au plus bas. À mon avis, la plupart des gens qui ont subi ce test de résistance se disent: « Je suis heureux d'avoir réussir ce test maintenant que les taux d’intérêt augmentent. »
    Nous en parlions comme d’une bonne précaution que chacun devrait prendre bien avant l’adoption des règles. Il était évident pour tout le monde que les taux d’intérêt étaient très bas et qu’ils ne se maintiendraient pas de façon durable.
    Je vous remercie.
    J’aimerais aborder la question de la hausse des salaires que vous mentionnez dans le rapport sur la politique monétaire. À la page 17, vous mentionnez que les hausses salariales sont restées modérées.
    En général, les salaires des gens ordinaires stagnent. Quelle est votre impression des dernières années en ce qui concerne... Si nous excluons les Canadiens les plus riches, qu'en est-il des salaires en général...? Comment se sont-ils comportés ou ont-ils évolué au cours des dernières années? Que prévoyez-vous pour l’avenir?
     Dans l’ensemble, la croissance des salaires été très modeste au cours des dernières années, et même l'année dernière, car les entreprises auxquelles nous parlons évoquent de plus en plus des pénuries de main-d’oeuvre. Nous observons toujours une croissance des salaires de l’ordre de 2,3 %, ce qui est en fait assez modeste à ce stade-ci du cycle, et cela pourrait être représentatif de bien des gens. Comme c’est une moyenne, certains n’ont vu aucune hausse, mais d’autres ont vu leur salaire augmenter beaucoup plus.
    Il faut se demander ce qui se passe. Pourquoi est-ce ainsi? Presque tous les pays qui ont une économie avancée se posent la même question. Il n’y a pas de solution miracle. De toute évidence, le casse-tête n’est pas aussi grand qu’il pourrait sembler, parce qu’en fait, la croissance des salaires était beaucoup plus forte auparavant. Si vous regardez un graphique de la croissance des salaires au Canada, vous constaterez que la courbe a été nettement ascendante ces dernières années, mais que la progression reste lente.
    Il y a deux ou trois choses qui se passent ici. Plus récemment, la croissance des salaires n’a peut-être pas été forte, parce que la croissance de la productivité n’était pas forte. Quand une entreprise se demande si elle les moyens d'augmenter ses salaires, même si elle manque de travailleurs, il lui est difficile de le faire si elle n'a pas la productivité nécessaire.
    Une autre raison, c’est peut-être que, du côté de la main-d'oeuvre, il y a beaucoup de travailleurs dans l’économie à la demande, l’économie informelle, et dans cette économie, il est plus difficile de négocier un salaire. Les gens ont peut-être un peu moins de pouvoir pour obtenir de meilleurs salaires.
    Lorsque nous parlons aux entreprises... Dans nos prévisions — vous nous avez posé une question à ce sujet —, nous nous attendons à ce que la croissance des salaires et la croissance globale des revenus — ce qui comprend non seulement le salaire, mais aussi le nombre d’heures de travail — se raffermissent également, pour atteindre de 3 à 4 %. Cela correspond à ce que les entreprises nous disent. Elles disent s'attendre à devoir payer davantage pour obtenir les travailleurs dont elles ont besoin, et cela ne se limite pas aux emplois les mieux rémunérés. C’est général.
(1605)
     Monsieur Sorbara, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure.
    La Banque du Canada laisse entendre depuis longtemps que le logement et la consommation vont céder la place aux investissements et aux exportations des entreprises comme principaux moteurs de la croissance économique au Canada. Pourriez-vous nous dire comment, en ce qui concerne le rapport sur la politique monétaire, les investissements et les exportations des entreprises se portent dans le contexte canadien?
    Oui, c’est vrai. Nous en parlons depuis longtemps, parce que c’était l’une des caractéristiques d’un retour à la norme qui nous paraissait central.
    Pendant la période d’après-crise où les taux d’intérêt ont été vraiment bas, naturellement, c’est le logement et la consommation qui ont le plus contribué à la croissance, et les entreprises ont manifesté une réticence à investir, compte tenu de l’incertitude entourant les perspectives économiques.
    Nous avons toujours cru qu’avec un retour à l’équilibre économique, les consommateurs joueraient un rôle moins actif dans la croissance. Ils y contribueraient, mais dans une plus faible proportion, et les entreprises apporteraient une contribution plus importante. Cette transition semble être en cours.
    Nous pensons qu’elle a été interrompue par l’incertitude entourant l’ALENA, et nous avons donc été doublement frappés, parce que nous approchions de la capacité juste au moment où les entreprises auraient dû commencer à investir. Il y a eu les élections aux États-Unis et toute l’incertitude entourant l’ALENA, de sorte que l’investissement s’est arrêté là. Certaines entreprises cherchaient désespérément à investir, et elles l’ont fait, mais beaucoup ont reporté ces décisions, ce qui a eu deux effets. Cela s'est traduit par moins d’investissements que nous l’avions espéré et moins d’exportations que nous ne l’avions espéré, parce que les entreprises fonctionnaient à plein régime et ne pouvaient pas prendre de l’expansion pour profiter de la demande croissante.
    Maintenant que l’incertitude est terminée, nous surveillons attentivement la réaction des entreprises, et nous nous attendons à ce que cela se produise. Les chiffres ont déjà changé. Comme nous l’avons déjà mentionné, le secteur de l'habitation a ralenti, comme prévu, et la consommation suit presque toujours. Ce n’est pas un ralentissement, mais c’est plus lent qu’avant.
    Le premier effet...
    Oui.
    À la page 12 du rapport sur la politique monétaire, vous parlez de « l'affaiblissement des termes de l’échange ». Dans le passé, il y a eu, dans l'économie canadienne, un choc des termes de l'échange, mais maintenant vous parlez de « l'affaiblissement des termes de l’échange », ce qui veut dire, d’après ce que j’ai lu, que le prix que nous obtenons pour certaines de nos ressources canadiennes — principalement le pétrole Western Canada Select, de la province de l’Alberta — n’est pas ce qu’il devrait être.
    J’aimerais avoir une idée de l’importance de diversifier les marchés pour nos ressources. Il y a certains facteurs transitoires qui ont une incidence sur le WCS en ce qui concerne les arrêts d’entretien, etc., mais pour ce qui est de diversifier nos ressources vers différents marchés, dans quelle mesure est-ce important pour que les termes de l’échange soient, en fait, positifs pour notre économie?
     Cela joue un rôle, mais il ne serait pas facile d’avancer des chiffres. La diversification de nos marchés n’est pas la question fondamentale. La question fondamentale dont nous parlons ici, c’est qu’un certain nombre de nos produits... Comme vous l’avez mentionné, les échanges commerciaux de WCS sont évidemment très faibles à l’heure actuelle, mais il en va de même pour un certain nombre d’autres exportations, surtout de métaux. Nous attribuons cela à l’incertitude concernant les perspectives d’avenir de la Chine en particulier, compte tenu des mesures commerciales qui ont été prises entre la Chine et les États-Unis. Le commerce ralentit, et on s’attend maintenant à ce que l’économie chinoise ralentisse considérablement. Cela entraîne habituellement une baisse générale des prix des produits de base, et c'est ce qui semble se produire au moins à un stade précoce.
    C’est la raison pour laquelle nos termes de l’échange sont moins élevés. Le WCS est un élément de nos termes de l’échange, bien sûr, mais ce n’est pas le seul.
(1610)
    Nous avons vu et entendu certaines estimations du coût d’actualisation, sur une base brute, de 15 à 17 milliards de dollars de revenus perdus, que ce soit par les banques au centre-ville...
    J’aimerais poursuivre dans la même veine. D’après le rapport sur la politique monétaire, nous traversons une période de croissance très forte au Canada et dans l’économie mondiale. Il se passe beaucoup de choses positives. L’immigration de travailleurs hautement qualifiés au Canada est très forte. Il y a évidemment l'enjeu démographique de la main-d’oeuvre, dont nous avons beaucoup parlé.
     Je vais poser une question très simple. Qu’est-ce qui vous empêche de dormir, gouverneur?
    C’est une question qu'on me pose souvent. J’aimerais donner une réponse différente chaque fois pour maintenir l'intérêt des gens.
    Je pense que les recours commerciaux... Et je les appelle des « recours » intentionnellement; ce sont beaucoup plus que des tensions commerciales. Lorsque des mesures concrètes sont prises, nous tirons avec des munitions réelles. Cela a des répercussions sur les économies — pas seulement sur la Chine et les États-Unis, mais sur d’autres pays. Une grande partie de la croissance économique que nous avons connue au cours des 20 ou 25 dernières années est le résultat de l’intégration commerciale. Cela m’inquiète beaucoup.
    Le risque cybernétique est l’autre chose qui m’empêche de dormir. Ce n'est pas une question d'économie, mais c’est le genre de situation où chaque matin vous êtes reconnaissant de ne pas avoir reçu d’appel téléphonique pendant la nuit.
    Bien sûr.
    Sur le plan commercial, évidemment, avec l’application de l’AECG et le PTPGP qui reçoit maintenant la sanction royale, même un accord de libre-échange avec Israël et avec d’autres pays... Une chose qui me tient à coeur en tant qu’économiste c'est que le libre-échange, l’intégration se poursuivent. L’absence de perturbation des chaînes d’approvisionnement... Maintenant que l'AEUMC est conclu — non pas ratifié, mais achevé —, je pense qu’il a éliminé beaucoup d’incertitude.
    Mon dernier commentaire, s’il me reste du temps, concerne la main-d’oeuvre au Canada. Je représente la région de York. Le plus grand sujet de plainte que j’entends de la part des entreprises, c’est la pénurie de travailleurs. Selon un article de Bloomberg, le Canada bénéficie de l'arrivée massive de gens dans notre pays, mais cela ne semble pas être suffisant. Avez-vous des conseils sur la façon de pourvoir les postes vacants?
    Il s’agit de faire correspondre l'offre à la demande. Le Canada a un vaste territoire. D’autres pays, comme l’Allemagne, semblent mieux réussir sur ce plan-là, mais c’est habituellement parce que la plupart des emplois se trouvent à moins de deux heures de route, ce qui n'est pas le cas ici.
    On dit souvent que l’inadéquation des compétences est gigantesque, que la croissance de l’emploi a lieu dans l’économie numérique et que les pertes d’emplois ont lieu dans le secteur manufacturier, par exemple. En fait, il y a beaucoup d’emplois vacants dans le secteur manufacturier et beaucoup d’emplois vacants dans les domaines de la construction, de la rénovation, de l’entretien, etc., des emplois qui ne sont pas très différents de ceux du secteur manufacturier sur le plan des compétences.
    Je dois croire que la géographie joue un rôle, mais il se peut qu'il ne soit pas si facile de déménager, surtout si l'autre conjoint a toujours un bon emploi. Il pourrait être difficile pour la famille de déménager.
    Cela ne dépend pas des politiques monétaires, mais peut-être qu'on pourrait inventer quelque chose.
(1615)
     Merci.
    Avant de donner la parole à M. Anderson, je dirai que nous venons de tenir des consultations prébudgétaires. Partout, on nous a parlé des capitaux d’investissement et de l’incapacité du Canada d’attirer des capitaux d’investissement de la même façon que du côté américain de la frontière. Cela semble être dû surtout à l'amortissement accéléré, mais nous en avons beaucoup entendu parler.
    Avez-vous examiné cette question?
    Nous n’avons pas analysé cette question en détail. Dans nos prévisions, nous tenons compte de ce facteur en raison de l’écart entre les régimes fiscaux du Canada et des États-Unis. C’est l’une des raisons pour lesquelles, dans nos prévisions, le profil de l’investissement est inférieur à ce qu’il serait selon notre modélisation habituelle.
    Bien sûr, les conversations que nous avons, nous aussi, avec les entreprises dans le contexte de notre enquête sur les perspectives des entreprises le confirment. Cela semble être une priorité à ce stade-ci. Il y a beaucoup d’autres défis en matière de compétitivité qui entrent également en ligne de compte, mais cela semble être une priorité.
    D’accord. Merci.
    Monsieur Anderson, nous allons passer à des tours de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d’être ici aujourd’hui.
    Je vais aborder un tout autre sujet. Cela m’est revenu à l'esprit le week-end dernier quand, lors d'un souper communautaire, un homme est venu me demander si je pouvais poser des questions au sujet du test de résistance hypothécaire. C’est un agent immobilier et, de son point de vue, le test de résistance hypothécaire est un coup de matraque que l'on a asséné aux marchés de Vancouver et de Toronto. Il m'a dit: « Cette mesure nous tue ici. Elle détruit notre économie. Elle nous coûte des emplois. L’industrie de la construction ralentit. Le marché immobilier ralentit. En fait, cela nuit à nos collectivités. Pouvez-vous demander à quelqu’un de répondre à cette question? »
    Je suppose que j’ai l’occasion, cet après-midi, de vous interroger sur les effets négatifs du test de résistance hypothécaire sur les marchés locaux en dehors des régions de Vancouver et de Toronto.
    Pour être juste envers le gouverneur, David, ce serait dans l’économie régionale de la Saskatchewan, n’est-ce pas?
    Oui, oui.
    Le fait est, comme nous l’avons dit, que lorsque la ligne directrice B-20 a été mise en place, nous avons inclus dans notre rapport sur la politique monétaire une estimation de ses répercussions. Ce n’est pas un effet nul. Un ralentissement devrait se produire sur le marché de l'habitation parce que, bien sûr, cela a des effets très similaires à ceux d'une hausse des taux d’intérêt dans le système.
    Le fait est que les taux d’intérêt ont été extraordinairement bas. Le plus grand risque auquel nous faisons face dans le système financier, c’est que l’endettement des ménages ne permette pas de faire face à des taux d’intérêt plus normaux. Ce test a été conçu pour aider à la fois les prêteurs et les emprunteurs à déterminer s’ils étaient capables d'assumer le prêt hypothécaire qu’ils envisageaient de contracter pendant un cycle de taux d’intérêt majorés d’environ 200 points de base.
    Je pense que cela s’applique à la Saskatchewan ou à un marché comme celui de Vancouver, où il y avait de la spéculation, ou à Toronto ou dans le Canada atlantique. Peu importe où vous vivez; il va falloir être capable de résister à une hausse des taux d’intérêt, parce que l’économie est en train de se normaliser.
    C’est la qualité de la dette qui était en cause. Si c'est à la portée des gens aujourd’hui, mais pas s'il y a 100 points de base de plus, nous ne leur rendons pas service.
    Dans certains de ces autres marchés, l’augmentation de l’offre aurait été aussi efficace que la réduction de la demande.
    Je n’ai pas beaucoup de temps, alors j’aimerais vous poser une deuxième question...
    Je suis désolé. Je dois dire que je ne suis pas d’accord, parce que nous n’avons jamais essayé d’empêcher les prix d’augmenter en agissant ainsi. Nous tentions d’améliorer la qualité de l’endettement des ménages. D’autres politiques ont été mises en place pour essayer de contrôler la hausse des prix des maisons. L’augmentation de l'offre aurait eu une incidence, mais elle n’aurait pas changé l’abordabilité.
    D’accord.
    Donc, si l'acheteur potentiel sur cinq qui peut actuellement se permettre d'acheter la maison de son choix échoue au test de résistance, quelles sont les conséquences pour lui? J’ai entendu dire un peu plus tôt qu’il ne pourrait pas changer de prêteur. Il ne peut pas faire les paiements et a échoué au test de résistance. Quelles en sont les conséquences?
    Si les acheteurs échouent au test de résistance, cela veut dire qu’ils auront des problèmes au cours des deux, trois ou quatre prochaines années. S’ils réussissaient à obtenir cette hypothèque, ils auraient de la difficulté à la payer si les taux d’intérêt augmentaient, ce qui, nous le savons tous, est...
(1620)
    Ma question portait sur les gens qui ont actuellement des hypothèques, pas des nouvelles.
    Monsieur le gouverneur, vous pouvez répondre, puis M. Anderson aura le temps... Nous sommes souples en ce qui concerne le temps, s’il faut poser une question supplémentaire.
    Allez-y, monsieur le gouverneur.
     Ma question portait sur les renouvellements, pas sur les nouveaux prêts.
    Ils n’ont pas besoin de refaire le test de résistance, à moins de changer de prêteur. S’ils renouvellent leur hypothèque, il n’y a pas de test de résistance.
     Les banquiers ne sont pas stupides à cet égard. S’ils constatent que cela s’applique ailleurs, ils vont l’appliquer là aussi.
    Comme je l’ai déjà dit, je pense que les banquiers sont assez intelligents pour savoir que s’ils faisaient payer plus aux gens en pareil cas, tout le monde en entendrait parler. Ce ne serait pas une bonne pratique commerciale.
    Je ne pense pas que ce soit suffisant pour les amener à changer leur façon de faire.
    J’aimerais vous poser une autre question. Il s’agit des contestations concernant l’ALENA. Une partie de la rhétorique initiale portait sur l’acier bon marché qui passe par le Canada. C’est l’une des raisons données pour l’imposition des tarifs. Je pense que notre ambassadeur a été très optimiste la semaine dernière lorsqu’il a dit qu’il s’attendait à ce que ces droits soient retirés très rapidement.
    C’était intéressant. L’ambassadeur Craft a répondu que ce n’est pas le Canada qui est visé; il s’agit simplement de protéger l’Amérique du Nord contre d’autres États qui font passer des matières premières par notre pays. Qu’est-ce qui a changé dans cette situation pour nous faire croire que les tarifs vont diminuer? Les pays en question continuent de faire passer ces métaux par le Canada.
    Lorsque nous parlons aux entreprises, nous entendons dire que ces tarifs tuent les fabricants, surtout les petites et moyennes entreprises. Avec les réductions d’impôt aux États-Unis et l’augmentation des charges sociales et toutes sortes de choses, nos entreprises ne sont pas aussi optimistes que vous l’avez été aujourd’hui dans votre exposé sur l’économie.
    Y a-t-il une façon de régler le problème de l’acier qui passe par ici sans nuire au commerce international et à notre économie?
    C’est une question très complexe. C’est pourquoi vous n'aurez pas la même réponse d'une personne à l'autre. Je ne vais pas vous donner de conclusions à ce sujet, mais je vais essayer de l’expliquer.
    Lorsque nous avons un tarif — disons que les États-Unis imposent des tarifs et que le Canada impose des droits compensateurs —, cela fait augmenter les prix des deux côtés de la frontière. Cela a notamment pour effet d’uniformiser les règles du jeu pour les exportateurs. C’est la raison pour laquelle c'est mis en place. L’autre aspect, c’est que cela fait augmenter le prix pour tout le monde. Il y a des effets secondaires qui pourraient être les plus importants pour certaines des personnes à qui vous parlez.
    C’est la partie la plus importante et la plus regrettable d’une mesure commerciale ou d’une guerre commerciale, à savoir que tout le monde finit par payer beaucoup plus pour tout. C’est contre-productif. Toute guerre est contre-productive.
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci à tous.
    Monsieur Fergus, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure de la Banque du Canada de votre présentation et de votre « Rapport sur la politique monétaire ».
    Je l'ai lu. C'est toujours un document facile à lire et à comprendre, mais je sais bien qu'il a fallu beaucoup de recherches et d'efforts pour produire ce rapport.
    Mes questions vont toucher la question de l'endettement des ménages par rapport aux taux d'intérêt et aux taux hypothécaires.
    À la page 21 de votre « Rapport sur la politique monétaire », vous dites que « Le ratio de la dette au revenu des ménages s'est stabilisé et devrait commencer à s'inscrire en baisse. » Cela est très souhaitable.
    Quelles seront les répercussions des taux d'intérêt sur la croissance économique du Canada si l'on continue, comme il est prévu, de voir une légère augmentation du taux directeur de la Banque du Canada?
    Selon les projections que nous avons établies dans le « Rapport sur la politique monétaire », la hausse des taux d'intérêt correspond à ce que nous avons mentionné dans nos communiqués de presse. Quand nous faisons des projections, nous prenons cela en considération.
    Compte tenu de la hausse des taux d'intérêt, nous nous attendons à voir la croissance du crédit continuer à être plus faible qu'elle ne l'a été depuis quelques années. C'est une bonne chose. De plus, puisque l'économie continue à croître, le revenu disponible des gens devrait augmenter pour la moyenne d'entre eux, même si ce ne sera pas nécessairement le cas pour chaque personne. L'économie a des sources de croissance qui sont bien distribuées selon les secteurs et, nous l'espérons, selon les régions. Cette situation sera quand même bénéfique pour l'ensemble des Canadiens dans tout le pays.
    En ce qui a trait au taux d'endettement, il restera quand même assez élevé. Cela prendra beaucoup de temps avant que nous puissions le voir diminuer, et nous devrons composer avec un système financier vulnérable. Compte tenu de nos prévisions et de notre évaluation de la situation, nous gardons en tête la nécessité de bien évaluer à quel rythme nous devrions augmenter les taux d'intérêt, du fait notamment de l'endettement des gens.
    Nous n'avons aucune envie d'augmenter les taux d'intérêts trop rapidement. C'est clair. En même temps, il ne faut pas oublier que si nous n'augmentons pas les taux d'intérêt à un rythme approprié, nous ne faisons que repousser le problème à plus tard, parce qu'il y aura des déséquilibres dans le marché immobilier, par exemple peut-être que les prix augmenteront. Le gouverneur vient de dire qu'on voit beaucoup moins de spéculation immobilière qu'auparavant. Nous choisirons un rythme approprié, et il y aura une contribution de l'industrie de la construction résidentielle, dont l'activité est bien moindre qu'elle ne l'a déjà été.
    Encore une fois, ce n'est pas une mauvaise chose d'avoir d'autres sources de croissance, comme les investissements, qui feront augmenter la capacité de croissance de l'économie de façon durable.
(1625)
    Je ne retrouve pas l'information et je ne suis pas certain des chiffres. Vous avez mentionné que le taux d'endettement représente un certain pourcentage des revenus des ménages. Est-ce 160 % ou 183 %?
    Je pense que c'est près de 170 %, ou un peu en dessous.
    D'accord.
    La fourchette cible que vous avez mentionnée se situe entre 2,5 % et 3,5 %. Selon vos modèles, quelles sont vos estimations?
    Cela aura-t-il pour effet de ralentir le taux de croissance du Canada du fait qu'il y aurait peut-être un ralentissement, ou un plus fort ralentissement, du marché immobilier?
    Il est vrai que nous avons déjà haussé les taux d'intérêt. Nous les avons augmentés cinq fois depuis le mois de juillet 2017. Étant donné que l'économie réagit avec retardement, cela prend du temps avant que les taux d'intérêt aient un effet sur l'économie. Il est vrai que les effets des mouvements du marché immobilier sur l'économie et le taux de croissance sont plus faibles qu'ils ne l'auraient été si nous n'avions pas augmenté les taux d'intérêt. C'est de cette manière que la politique monétaire fonctionne.
    Nous ne faisons pas cela parce que nous n'aimons pas la croissance à proprement parler, nous le faisons pour éviter de faire augmenter l'inflation et de créer de l'instabilité, en ce qui concerne non seulement le marché immobilier, mais aussi les revenus des Canadiens et le marché du travail.

[Traduction]

     Merci.
    Monsieur Poilievre, allez-y.
    À quelle mesure de l’inflation vous fiez-vous le plus à l’heure actuelle pour prendre vos décisions en matière de taux d’intérêt?
    Nous avons trois mesures de l’inflation de base, et elles font appel à diverses techniques pour éliminer les fluctuations de l'inflation globale, mais la cible officielle est le taux d’inflation globale.
    C’est l’IPC.
    C’est l’IPC qui est en cause, mais bien sûr, nous avons souvent des grandes fluctuations que nous devons expliquer et dire ensuite que nous allons y faire face. La réponse à chaque fluctuation arrive avec un train de retard.
     Quel effet la modération ou même la baisse des prix des maisons a-t-elle sur les chiffres de l’IPC déclarés?
    C’est très modeste. Dans l’IPC, les coûts de logement comprennent le loyer et un ensemble d'autres éléments, et c'est un processus très lent.
(1630)
    C’est exact.
    Y a-t-il un lien entre les rendements obligataires et les taux hypothécaires?
    Oui, absolument. En particulier, le rendement à cinq ans des obligations du gouvernement sert, bien sûr, de référence pour les banques qui doivent s'assurer d'un financement sur cinq ans, et cela représente donc un coût pour elles. Le montant dont elles ont besoin pour payer un CPG de cinq ans afin d'avoir de l'argent qu'elles pourront prêter pendant cinq ans est étroitement lié à la concurrence des rendements obligataires.
    Par conséquent, lorsque les rendements obligataires augmentent à l’échelle mondiale, même si les taux d’intérêt sont maintenus constants ici, nos rendements obligataires ont tendance à augmenter à mi-chemin. Lorsque cela se produit, 50 ou 60 % de la hausse des taux aux États-Unis se répercute ici. Les taux hypothécaires peuvent augmenter à l’échéance de cinq ans, même si les taux d’intérêt et le principal canadiens demeurent inchangés.
    Dans quelle mesure les rendements obligataires d’un pays influent-ils sur son taux hypothécaire?
    Les deux ont une incidence. Si les taux américains ne sont pas modifiés et que nous augmentons notre taux d’intérêt — comme nous l’avons fait la semaine dernière — et si cela a des effets sur les taux d’intérêt à long terme, cela se répercutera immédiatement sur le coût de financement des banques, comme je viens de le décrire. Cette chaîne fonctionne, mais l’autre chaîne fonctionne aussi, et c’est donc un mélange des deux.
    Mais si, par exemple, les taux de rendement des obligations d’État dans un pays donné, le pays A, augmentaient, mais pas dans les pays B, C, D et E, est-ce que les taux hypothécaires continueraient d’augmenter dans le pays A?
    Oui, mais l’expérience que vous décrivez est un peu artificielle parce qu’il s’agit d’un marché obligataire mondial. Si cela se produisait comme vous l’avez décrit, ce serait normalement parce que l’inflation dans le pays A a augmenté et, par conséquent, tous ses rendements obligataires ont augmenté et que cela se répercuterait certainement directement sur les hypothèques. Cependant, s’il s’agit simplement d’une prime de risque ou d’une augmentation plus générale des taux, il serait rare que les taux au Canada augmentent tout seuls, comme vous l’avez décrit, pour ces raisons.
    C’est le prix du crédit. Maintenant, en ce qui concerne la demande de crédit, au fur et à mesure que les gouvernements émettent plus d’obligations, il est évident qu’ils siphonnent une plus grande part du crédit disponible. Cette concurrence pour le crédit peut-elle augmenter les taux à la consommation?
    C’est possible et je pourrais certainement créer un modèle pour faire une telle expérience. Lorsque nous parlons de l’éviction des dépenses privées par le gouvernement, ce mécanisme entre habituellement en ligne de compte.
    D'accord.
    Or, dans un marché comme celui que j’ai décrit, la plupart du temps, plus ces rendements sont éloignés, plus ils sont influencés par les marchés obligataires mondiaux. C’est un marché énorme par rapport à notre propre marché intérieur, alors c’est vraiment plus difficile à isoler.
    Pour revenir à la dette des ménages, quels changements prévoyez-vous dans le ratio du service de la dette au cours des deux, trois, quatre et cinq prochaines années?
    Il s'agit du ratio du service de la dette des ménages.
    Nous avons préparé de beaux graphiques à ce sujet, pas dans ce rapport, mais dans le rapport précédent, en juillet. Nous avons fait une expérience sur les divers segments du secteur des ménages, selon leur niveau d'endettement par rapport à leur revenu, dans chaque catégorie. Nous avons découpé les données très finement. Nous avons simulé un cycle de renouvellement de 100 points de base et de 200 points de base dans cette structure.
    C’est très complexe. Si vous avez contracté votre prêt hypothécaire en 2014, il y a de bonnes chances que vous le renouveliez en 2019 ou si c'était en 2015, en 2020 — environ la moitié des gens choisiraient cinq ans dans ce cas. Nous l’avons simulé de cette façon. Les ratios de service de la dette, ou en fait les paiements hypothécaires en proportion du revenu brut, ont augmenté d’un, de deux ou de trois points de pourcentage. Dans le pire des cas, ils ont augmenté d’environ cinq points de pourcentage. Dans un secteur des ménages très endettés, l’effet le plus important que nous avons pu constater a été de cinq.
(1635)
     Comment cela se traduit-il en dollars pour la famille moyenne?
    Je n’ai pas de réponse en dollars. Je suis désolé. Je pense en pourcentages. Disons qu'il s'agit en moyenne de deux à trois points de pourcentage qui seraient soustraits du revenu brut, comme Carolyn l’a mentionné, c’est un effet important.
    C’est par rapport au revenu brut.
    C’est par rapport au revenu brut. C’est un effet important, mais au cours de ces cinq années, les salaires ont augmenté de 2 % ou 2,5 % par année. C’est une chose. Je comprends que le salaire de tout le monde n’a pas augmenté, mais il a augmenté en moyenne, ce qui facilite la transition.
    Au moment du renouvellement, l’institution financière présenterait habituellement des choix concernant le renouvellement, par exemple, prolonger la durée d’un an ou de deux ans pour empêcher les paiements d’augmenter autant. C’est souvent ce que nous observons dans ces cycles de renouvellement, une certaine souplesse.
    Merci à tous.
    Nous allons passer à M. McLeod, puis à M. Julian et à M. Fragiskatos.
    Monsieur McLeod.
    Merci, monsieur le président.
    J’espère que Pierre n’a pas utilisé tout mon temps.
    Il a dépassé son temps d’une minute et demie. C’est très bien en ce qui le concerne.
    Des voix: Oh, oh!
    Je tiens à remercier nos deux témoins d’aujourd’hui. Je tiens également à vous remercier d’être venus dans le Nord et de nous avoir transmis le message d’une économie plus prometteuse. Je pense que les gens dans l'auditoire l'ont bien accueilli. J'ai certes constaté avec bonheur qu'il allait à l’encontre de l’opinion du Conference Board du Canada.
    Je pense que dans le Nord, les calculs ou les questions qui sont pris en compte dans l’économie sont un peu différents. Je dis toujours qu’il faut régler la question de l’infrastructure des transports avant de pouvoir abaisser les coûts pour la rendre plus intéressante. Nous devons également nous occuper des revendications territoriales en suspens et des négociations sur l’autonomie gouvernementale, ce qui apporterait plus de certitude et ferait des gouvernements autochtones des partenaires à part entière.
    Je sais que cela ne fait pas partie de votre rapport sur la politique, mais je pense que s'il portait exclusivement sur le Nord, ces questions seraient certainement des facteurs qui entreraient en compte. Vous avez peut-être quelque chose à dire à ce sujet. J’ai pris note de préoccupations qui ont été soulevées dans votre rapport et qui ressortent. Vous avez soulevé deux points, un sur les pénuries de main-d’oeuvre et un autre sur les goulots d’étranglement dans les transports. Ce sont deux problèmes dont nous sommes parfaitement conscients dans les Territoires du Nord-Ouest.
    À Yellowknife, qui est notre capitale, le taux d’emploi frôle 80 %, soit 19 % de plus que dans toute autre collectivité à l’extérieur de la ville. Nous avons fait pas mal de progrès pour combler le déficit d’infrastructure dans le Nord, mais ce déficit demeure tout de même assez important. J’aimerais que vous me disiez ce qui, selon vous, nuit le plus au potentiel de croissance économique du Canada.
    Je suppose que je suis un peu optimiste, mais je pense que les pénuries de main-d’oeuvre sont plus faciles à résoudre avec des politiques intelligentes. Je crois que l’infrastructure sera toujours sur la liste des demandes. Nous devrons toujours penser en termes positifs à l’infrastructure, parce que nous aurons toujours un manque à gagner ou un déficit en matière d’infrastructure.
    En ce qui concerne la pénurie de main-d’oeuvre, étant donné qu’il y a plus de 500 000 emplois vacants au Canada, il est évident que les gens sont toujours à la recherche d’un emploi. Cela me porte à croire que nous pourrions faire quelque chose de très bien dans ce dossier. Il faut faire preuve d’une certaine ingéniosité, je suppose, face aux politiques du marché du travail. Cela dépasse notre mandat, mais je pense qu’il y a plus de possibilités et de solutions simples à portée de la main qu’il n’y en a du côté de l’infrastructure ou des goulots d’étranglement. Pour l’infrastructure, nous allons simplement devoir continuer à la bâtir, la bâtir et la bâtir.
    Merci.
    En ce qui concerne les taux du financement à un jour, j’aimerais connaître votre point de vue sur la façon dont les jeunes Canadiens réagissent aux augmentations récentes. Les gens qui ont emprunté après 2009 n’ont connu l’économie qu’à des taux historiquement bas. Notre président nous a donné un exemple. Croyez-vous que cette génération est suffisamment consciente de la situation unique dans laquelle nous nous trouvons depuis plus d’une décennie? Seront-ils prêts à accepter un taux de rendement normal de 3 % ou plus?
(1640)
     Je partage votre inquiétude. Je vais parler en mon nom personnel, mais dans nos communications de la semaine dernière, nous avons cherché à mettre davantage l’accent sur l’idée qu’un jour, nous serons de retour à la neutralité et que cette neutralité sera de l'ordre de 2,5 à 3,5 %, de sorte que les gens commenceront à assimiler que c'est un fait imminent. Bien sûr, nous avons déjà décrit le rythme. Nous sommes dans l'ignorance pour l’instant.
    J’ai des enfants qui sont des adultes et je pense qu’ils ne comprennent pas cela, parce qu’ils n’ont jamais connu le genre de taux d’intérêt que vous et moi avons connu de notre vivant. J’espère qu’ils ne vivront jamais cette situation, parce que tout cela avait à voir avec notre histoire en matière d’inflation et que nous avons travaillé très fort pour y remédier.
     La situation ne s'est pas rétablie sans douleur. Dans les années 1980, quand j’étais jeune chercheur à la Banque du Canada, on pouvait le sentir. Ce fut une expérience très douloureuse. C’est à ce moment-là que j’ai acheté ma première maison et les taux étaient de 12 ou 13 %.
    C'est du passé et maintenant vous voulez que les gens comprennent que 3 % serait tout simplement normal, étant donné le contexte de faible inflation que nous avons établi.
    Cela ne devrait pas être difficile. Les gens ne devraient pas avoir trop de difficulté à rembourser leur dette à de tels taux d’intérêt. En revanche, si les gens se sont surendettés, compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt, nous avons alors un problème de transition. C’est pourquoi nous insistons tant sur cette question, que nous l’analysons avec soin et que nous choisissons notre rythme pendant que nous recueillons les données au fur et à mesure. Nous comprenons à quel point c’est difficile et comment l’économie va réagir.
    Je vous assure que c’est une priorité que nous ne perdons pas de vue et je sympathise entièrement avec vous. Nous allons être très prudents.
    Merci à tous.
    M. Julian est le suivant, puis nous reviendrons à M. Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux revenir sur la question du taux neutre, de 2,5 à 3,5 %. Comme nous le savons tous, nous avons le taux d’endettement familial le plus élevé des pays de l'OCDE. Même s’il s’est stabilisé, il est encore extrêmement élevé. Je me demande quelles en sont les répercussions.
    Je comprends que vous ne puissiez pas nous donner de calendrier, mais si l’objectif ultime est ce taux neutre de 2,5 à 3,5 %, quelle est l'incidence de l'atteinte de ce taux neutre au bout du compte, compte tenu du taux d’endettement des familles ou des ménages?
    C’est très difficile pour les gens qui sont très endettés — cela ne fait aucun doute — et l’ajustement est difficile. Quand il est question des répercussions, nous prenons en compte ces personnes, mais également les autres. Beaucoup de Canadiens n’ont pas de dette ou en ont une très limitée — une dette qui est plus facile à gérer.
    Les proportions sont indiquées dans certains de nos documents. Ce groupe très endetté représente environ 18 % de ceux qui ont des hypothèques. Puis, bien des gens, en fait 30 % de la population, n’ont pas d’hypothèque. Nous prenons bien soin de réfléchir à la façon dont les gens s’ajustent en examinant les différents choix concernant les hypothèques individuelles et nous en tenons compte dans nos modèles de prévision pour avoir une meilleure idée — pas seulement en parler, mais, en fait, en tenir compte dans nos décisions.
    Ce faisant, ce que nous avons constaté jusqu’à maintenant, c'est que la tâche a été ardue, mais nous pouvons voir que dans l’ensemble, les ménages s’adaptent, l’économie se porte bien et les entreprises mettent en place leurs plans d’investissement. Nous pensons que les revenus augmenteront pendant la période de progression des taux d’intérêt et que s’il y a un temps idéal pour revenir à la normale, comme le disait le gouverneur, ce serait pendant cette période.
(1645)
     Je vis dans une modeste maison de l'après-guerre. C’est l'une des dizaines, des centaines, des milliers de maisons construites à New Westminster après la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, j’ai contracté une hypothèque modeste. Aujourd’hui, quand je regarde mon fils, mes nièces, mon neveu, il n’y a absolument aucun moyen pour eux de se payer quelque chose d'équivalent — un petit bungalow. Le prix des maisons dans la vallée du bas Fraser a atteint un point où il est tout simplement impossible pour une personne qui a un revenu régulier de s’attendre à avoir une maison familiale, peut-être un appartement en copropriété, mais une maison unifamiliale, c’est mission impossible.
    Je me demande, lorsque vous parlez du taux plus élevé des 18 % qui sont surendettés, ne s’agit-il pas aussi d’une question générationnelle? Nous voyons des jeunes Canadiens qui doivent s’endetter de façon phénoménale s’ils espèrent avoir un foyer familial. Les Canadiens âgés, en général, à de nombreuses exceptions près, s’en tirent mieux parce que la valeur de leur maison ou de leurs investissements a augmenté au cours des dernières décennies.
    Je vais essayer de répondre.
    Je comprends tout à fait. Il y a, au Canada, des villes mondiales dynamiques et de renommée internationale. Comparativement à d’autres villes dynamiques et de calibre mondial, il ne coûte encore pas très cher d'y vivre. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut réconcilier. Comment les Parisiens ou les Londoniens de la deuxième génération peuvent-ils se permettre de vivre à Paris ou à Londres? Parce qu’ils n’achètent certainement pas des maisons comme celles que vous décrivez. Les gens s’adaptent et vivent différemment. Dans le cas qui nous occupe, notre pays est grand et les gens se déplacent. Dans une économie numérique, ils peuvent se trouver dans toutes sortes d’endroits différents et être très productifs.
    Nous ne savons pas la tournure que les choses vont prendre. Dans la culture des gens de notre âge, nous achetons une maison, nous contractons une hypothèque et nous la remboursons. Puis, un jour, nous n'avons plus de dettes. D’autres personnes dans d’autres sociétés choisissent de louer toute leur vie. Nous sommes désolés pour eux qu'ils ne soient pas propriétaires d'une maison, mais ils peuvent louer exactement le même logement tout ce temps. Si votre dette est importante et que tout ce que vous faites toute votre vie, c'est de la rembourser, sans jamais être propriétaire de votre maison, vous ne faites que payer un loyer à quelqu’un d’autre. Vous payez un loyer à une banque plutôt qu’au propriétaire de l’appartement.
    Bon nombre de ces modèles peuvent sembler les mêmes, mais les finances sont tout simplement différentes. Nous avons un secteur financier très novateur qui, je pense, peut gérer la situation pour les gens. Je n’aime pas juger au préalable qu'il s'agit d'un problème en soi. La meilleure chose que nous pouvons faire pour contribuer à l’abordabilité, c'est de contenir l’inflation. À cette fin, il faut notamment ramener les taux d’intérêt à la normale afin que les prix ne grimpent pas de 20 ou 30 % dans un marché comme celui de Vancouver, ce qui a certainement détruit l’abordabilité.
    Nous avons largement dépassé le temps imparti.
    J’aimerais revenir à la question des générations. Vous pourriez peut-être nous parler du niveau d’endettement plus élevé. Y a-t-il une différence générationnelle entre les jeunes Canadiens et les Canadiens âgés?
    Oui.
    Vous l’avez placée, Peter.
    Allez-y.
    Oui, du moins dans certaines régions du pays... Dans d’autres, ça ressemble à quand j’étais jeune. Dans ces villes qui sont devenues, en fait, des villes mondiales, il en coûtera beaucoup plus cher pour y vivre, simplement à cause de ce qu’elles sont. C’est la masse critique qui se construit et la courbe des loyers, comme nous l’appelons en économie, s’accentue au milieu. Dans ces villes, la vie coûte très cher.
    D’accord. Merci. Nous avons largement dépassé le temps alloué.
    Nous allons passer à l’autre Peter, M. Fragiskatos. Nous aurons ensuite le temps de poser une question aux conservateurs, puis de revenir à M. Sorbara pour la dernière question.
    Allez-y, Peter.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d’être ici.
    Monsieur le gouverneur, vous connaissez très bien London, en Ontario, parce que vous avez étudié à l’Université Western. C’est de là que je viens. C’est la ville que j’ai l’honneur de représenter à la Chambre des communes. Comme vous le savez sans doute, London s’est autosuffi pendant longtemps. Son économie reposait sur le secteur manufacturier et ce n'est plus le cas. En 2008, quand la crise a frappé, beaucoup de nos usines ont levé les voiles. Nous essayons de faire la transition et nous nous en tirons bien à cet égard. Le secteur de la technologie est florissant dans notre ville. Notre centre-ville est très dynamique à cet égard. On y retrouve beaucoup d’entreprises de technologie. Même où il y a des activités de fabrication — et il y en a certainement —, elles se font sous une forme plus avancée.
    Je pose cette question, parce que je sais qu'à la fin de septembre, à Moncton, vous avez parlé des progrès technologiques et des technologies perturbatrices et de ce que cela représente pour les économies. Ce sujet m’intéresse évidemment du point de vue de London, mais pour l’ensemble du pays.
    Dans votre conclusion, vous avez dit que « Les progrès technologiques représentent des occasions à saisir, et non une force à laquelle résister ». Vous poursuivez en disant ceci: « ... nous savons qu’à long terme, il y aura plus d’emplois créés que d’emplois perdus. Et qu’il y aura aussi une augmentation des revenus suffisante pour permettre à ceux qui font les frais de la transformation technologique de s’adapter et de profiter des nouvelles occasions qu’elle crée. »
    Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet.
(1650)
     Oui, nous avons plus ou moins 200 ans d'histoire économique et d'évolution technologique pendant cette période que nous pouvons étudier en détail. Tout au long de cette histoire, jamais un changement technologique n'a créé plus d'emplois qu'il n'en a détruit. L'expression « destruction créative » que Schumpeter a créée prend tout son sens. Lorsqu’il y a un changement technologique, le poste d'une personne disparaît.
    Nous prenons des cas comme celui du véhicule sans conducteur qui va éliminer des emplois de camionneurs. Le nombre d’emplois de camionneurs va diminuer, c’est vrai — progressivement, bien entendu, parce que le prix de ces camions est élevé —, mais cela va créer des emplois pour tous ceux qui écrivent les logiciels et construisent les camions et, bien sûr, il faudra notamment en surveiller la circulation. C’est un exemple que je donne.
    La plupart d’entre nous pensent que la croissance, c'est un peu comme la levure, elle est partout et augmente progressivement, mais dans le monde réel, la croissance, c'est comme les champignons qu'on trouve ici et là. La personne qui pense à ce champignon fait figure de bandit, parce qu’elle a une idée nouvelle et que la destruction passe par ce champignon.
    Ce à quoi je faisais allusion à la fin, c’est que le rendement de ce changement technologique est suffisant pour que nous puissions toujours financer des filets de sécurité pour aider ceux qui sont laissés-pour-compte, et deuxièmement, que lorsque les revenus augmentent et que toute l’économie se redresse, tous ces emplois réguliers, comme ceux rattachés à la construction et à l’entretien de maisons, augmentent aussi. Ce ne sont pas des pas de géant dans les ensembles de compétences qui nous éloignent des emplois qui ont été éliminés par ce processus.
    Nous ne devrions pas être pessimistes à ce sujet. C’était mon message principal.
    Bien sûr et je suis tout à fait d’accord. Je suis heureux que notre gouvernement ait investi dans, par exemple, le recyclage professionnel et qu'il en ait fait une priorité, mais il est évident qu’il y a plus à faire.
    Je pose la question, non seulement, parce que cela m’intéresse, mais parce que je pense que c’est vraiment une question qui préoccupe beaucoup de Canadiens, surtout les jeunes, mais en particulier leurs parents qui estiment que la technologie évolue tellement rapidement et qui se demandent ce que cela représente pour les générations futures. Je suis heureux que vous nous ayez éclairés à ce sujet.
     La croissance dans les pays de l’OCDE devrait rester relativement robuste, mais elle diminuera selon les indicateurs composites présentés. Qu’est-ce que cela signifie pour le Canada et pour notre politique monétaire?
    Nous nous attendons à ce que la croissance à l'échelle mondiale soit modérée par rapport à la façon dont elle se comporte actuellement et c’est principalement sous l'effet de la forte croissance qu'ont connue les États-Unis qui, naturellement, ont atteint leur capacité et doivent donc ralentir.
    Deuxièmement, les mesures commerciales qui ont été mises en place ont des retombées, temporaires, espérons-le, mais de toute façon, même si ces mesures commerciales disparaissent, nous nous retrouverons tout de même avec une modération de la croissance mondiale. Nous avons intégré ce constat à nos prévisions.
    Le Canada continue de bien s’en tirer. Nous nous en tenons à notre taux de croissance potentiel et notre taux de chômage est à son plus bas niveau en 40 ans et l’inflation atteint sa cible. En ce moment, ça va bien. Il y a encore un certain rééquilibrage à faire, mais tout le mouvement est en marche.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Merci à vous deux.
    Nous avons le temps pour une question de M. Poilievre.
    Vous avez dit que le ratio du revenu au service de la dette augmenterait de 3 ou 4 % du revenu brut. Quand pensez-vous que cette augmentation aura été pleinement réalisée?
    Cela commence immédiatement pour les gens qui ont des hypothèques à taux variable et puis il y a les gens qui ont des hypothèques de deux, trois et quatre ans, alors au fur et à mesure, environ la moitié des gens, à peu près, ont des hypothèques de cinq ans. Pour eux, cela dépend du moment où ils ont contracté leur hypothèque. S’ils l’ont obtenu l’an dernier, ils doivent attendre quatre ans. S’ils l’ont obtenu il y a quatre ans, c'est maintenant l'heure de renouveler. C’est une question très complexe, mais étant donné que les taux ont déjà augmenté, il faut à peu près deux ans pour que l’effet maximal se fasse sentir. Nous devrions en avoir assimilé la majeure partie autour de 2020.
     Au fur et à mesure que le processus se déroulera, nous serons en mesure de surveiller la situation de près. Nos modèles prédisent tout au long du processus... et je pense, comme je l’ai déjà mentionné, compte tenu de nos recherches sur ces segments de détenteurs de prêts hypothécaires, que notre modèle est maintenant plus sensible d'environ 50 % aux fluctuations des taux d’intérêt qu’il ne l’était avant. C’est un changement assez important, alors nous avons déjà intégré les chiffres que vous voyez dans nos prévisions. Nous continuerons de surveiller la situation de trimestre en trimestre pour nous assurer qu’elle est suivie comme prévu. Jusqu’à maintenant, nous estimons avoir une compréhension raisonnable de la question.
     Merci.
    Avant de passer à la dernière question de Francesco, à la page 8 de votre rapport sur la politique monétaire, vous parlez des préoccupations suscitées par les politiques commerciales qui pèsent sur les prix des produits de base non énergétiques et vous parlez beaucoup du secteur de l’énergie. Voici ce qu'on peut lire.
L’effet sur l’écart de prix est amplifié par le fait que la production d'hydrocarbures tirés des sables bitumineux augmente plus vite que les capacités de transport.
    Dans quelle mesure est-il grave que nous n’ayons pas accès au marché, à part essentiellement par le transport ferroviaire, pour une partie de cette production de sables bitumineux?
    De mon point de vue, il y a une loi qui réduit les rendements concernant la capacité des chemins de fer de transporter d’autres marchandises lorsque le pétrole absorbe cette capacité. Nous devons transporter la potasse, le charbon et toutes sortes de céréales et d’oléagineux. Il y a de plus en plus de problèmes à mesure qu’une plus grande quantité de pétrole, de bitume ou de quoi que ce soit d’autre aboutit sur le chemin de fer.
    Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    De toute évidence, ce sont les questions de transport qui expliquent la différence entre le prix du West Texas Intermediate et du Western Canada Select. Dans quelle mesure la situation est grave? Si vous êtes l’une de ces entreprises dont le baril de pétrole marginal doit être expédié par chemin de fer, vous recevez beaucoup moins pour ce baril. En outre, vous déplacez peut-être certains produits agricoles. Comme nous le savons lorsque nous parlons aux entreprises — et vous le savez aussi —, elles doivent aussi attendre et elles ont peut-être aussi des stocks de leurs produits à expédier.
    Le pétrole est transporté, dans un pourcentage d'environ 93 %, par pipeline, ce qui représente une plus petite proportion du pétrole qu’on ne l’imagine. De plus, une partie des rendements — les coûts qui sont payés pour le chemin de fer — revient en fait aux compagnies de chemin de fer canadiennes, alors tout n’est pas perdu.
    Un coût qui ne correspond pas à ce que je touche aujourd’hui et à ce que je pourrais toucher si le prix était plus élevé, c’est vraiment ce que cela fait aux investissements dans le secteur, où un prix à ce niveau peut faire en sorte qu’il n’y a pas d’analyse de rentabilisation pour créer une capacité supplémentaire. Certes, dans notre perspective, comme vous pouvez le voir dans l’un des graphiques, les investissements dans le secteur de l’énergie sont plutôt stables et ont légèrement diminué au cours de la période de projection pour cette raison.
(1700)
    Monsieur Sorbara, vous avez droit à la toute dernière question rapide.
    Merci, monsieur le président.
    La Banque du Canada a haussé ses taux cinq fois au cours des 18 derniers mois et vous êtes à plus ou moins 75 points de base du seuil inférieur de votre taux neutre. De toute évidence, la hausse des taux liés au marché obligataire, entre autres, a des répercussions sur les secteurs de notre économie sensibles aux taux d'intérêt. Selon mes calculs, les anticipations inflationnistes sont bien circonscrites pour le moment.
    Comme l'a mentionné mon collègue, vous avez supprimé le mot « graduel ». Selon certains économistes, il ne signifiait rien, tandis que pour d'autres, il signifiait quelque chose. Monsieur le gouverneur, je pense que cela veut dire que vous n'aimez pas produire d'énoncés prospectifs, sous forme de données ou de graphiques, comme le fait la Réserve fédérale.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l'interconnectivité et nous expliquer ce que nous pouvons faire pour éviter de hausser les taux d'intérêt trop rapidement et de nuire aux secteurs qui y sont sensibles, tout en maîtrisant les anticipations inflationnistes?
    Comme je viens de le dire, l'économie tourne pratiquement à plein régime. Sa croissance suit le rythme de sa capacité. L'inflation respecte la cible et le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis 40 ans. Nous disposons de tous les indicateurs que nous souhaitons, à l'exception des taux d'intérêt qui demeurent exceptionnellement faibles par rapport aux normes historiques et certes par rapport à notre notion de neutralité.
    Vous avez toutefois raison de dire que pour parvenir à un taux neutre — comme je l'ai répété à maintes reprises aujourd'hui —, nous devons sans cesse évaluer comment se font sentir les effets. Ce ne sera certainement pas un processus rapide. C'est cependant un processus nécessaire et nous voulions éviter à tout prix de nous enfermer dans l'idée que nous allions prendre des mesures en ce sens à toutes les deux réunions. C'est le sens que le marché donnait au terme « graduel ».
    Nous pensions que c'est ce que cela voulait dire, mais cela pouvait facilement vouloir dire autre chose. Nous devions donc clarifier les choses. Nous avons établi le rythme de manière plus réfléchie afin que les gens comprennent quel est notre objectif. L'élément le plus important, c'est la réaction des ménages. C'est le segment de l'économie le plus sensible aux taux d'intérêt, en raison du niveau d'endettement. Nous analyserons les effets en détail et sous tous les angles. À chaque fois, nous offrirons plus de précisions sur la façon dont les gens réagissent.
    Bien entendu, si nous allons trop vite, l'économie ralentira en deçà de son potentiel de croissance, ce qui exercera une pression baissière sur les perspectives d'évolution de l'inflation. Ce n'est pas ce que nous voulons. Cela signifierait un « ralentissement ». C'est le message qui nous serait envoyé. En revanche, si l'économie demeure vigoureuse et accentue la demande excédentaire, nous commencerions alors à nous inquiéter des pressions inflationnistes à venir. Pour le moment, nous avons besoin de trouver un juste équilibre entre une hausse trop rapide ou une hausse trop lente, et il reste encore des inconnues dans la zone grise entre les deux. Nous ferons un suivi attentif des deux possibilités et nous réviserons notre jugement à chaque réunion.
    Monsieur le gouverneur, madame la sous-gouverneure, je vous remercie pour vos exposés et vos réponses à nos questions.
    Nous allons maintenant faire une pause d'environ cinq minutes avant d'accueillir nos témoins du Bureau du directeur parlementaire du budget.
(1700)

(1710)
    Nous poursuivons nos travaux.
    Du Bureau du directeur parlementaire du budget, nous accueillons le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, qui témoigne pour la première fois devant notre Comité. Bienvenue, Yves.
    Vous êtes accompagné par M. Matier, directeur principal, Analyse économique et financière, et M. Shaw, directeur, Analyse financière.
    Je vous signale que la cloche va bientôt sonner et que les députés devront s'absenter pour aller voter. Le timbre retentira pendant 30 minutes. Avec la permission de tous les partis, j'espère que nous pourrons rester ici jusqu'à huit minutes avant le vote. Nous reviendrons ensuite pour conclure la période de questions.
    Je sais qu'à 19 heures, des séances d'information sont prévues sur la Loi d'exécution du budget. À 18 h 30, il y aura également un vote sur l'Association parlementaire de l'OTAN auquel souhaiteront participer les députés. Nous pourrons donc y aller à tour de rôle. C'est un peu compliqué ce soir.
    Monsieur Giroux, bienvenue. Vous avez la parole.
    Monsieur le président, messieurs les vice-présidents et membres du Comité, bonjour.
    Je vous remercie pour votre invitation à venir témoigner aujourd'hui pour discuter de nos perspectives économiques et financières d'octobre 2018, que nous avons publiées il y a tout juste une semaine.
    Conformément au mandat que lui confère la loi, mon bureau produit des analyses économiques et financières indépendantes. Comme vous venez de le mentionner, je suis accompagné aujourd'hui par Chris Matier et Trevor Shaw. Nous serons tous les trois heureux de répondre à vos questions.

[Français]

    J'aimerais tout d'abord commencer par les perspectives économiques.
    Le rendement économique du Canada demeure stable. Pendant le premier trimestre de l'exercice, l'économie canadienne, alimentée notamment par la forte croissance des exportations, a encore une fois fonctionné au-delà de nos estimations concernant sa capacité.
    Nous nous attendons à un ralentissement de la croissance lorsque l'économie en arrivera à moins compter sur les dépenses de consommation et de logement et à dépendre davantage des investissements et des exportations des entreprises. Nous prévoyons que la croissance du PIB réel diminuera, passant de 2,1 % en 2018 à 1,8 % en 2019, puis à 1,5 % par année jusqu'en 2023.
    Nous continuons de surveiller l'évolution macroéconomique et les risques qui pèsent sur nos perspectives. Dans notre rapport d'octobre, nous mettons en avant les récents changements concernant les droits de douane, le climat de l'investissement au Canada et la vulnérabilité financière des ménages.
    À notre avis, les risques relatifs à nos perspectives économiques sont généralement équilibrés. Pour ce qui est des risques à la baisse, nous continuons de croire que le risque le plus important est l'affaiblissement des résultats que nous obtenons sur le plan des exportations. Cependant, sur le plan des risques à la hausse, le risque le plus important est l'augmentation des dépenses des ménages.

[Traduction]

    Concernant les perspectives financières, notre rapport tient compte des récents changements de politiques survenus au Canada et à l'étranger. Il met en lumière les effets sur les recettes des tarifs douaniers récemment imposés par le Canada et des modifications apportées à l'impôt des sociétés aux États-Unis. De plus, nos perspectives financières sont fondées sur des hypothèses préliminaires et reflètent la récente modification apportée à la méthodologie du taux d'actualisation que le gouvernement utilise dans la mesure de ses passifs à long terme.
    Pour l'exercice 2018-2019, nous prévoyons que le déficit budgétaire fédéral s'élèvera à 19,4 milliards de dollars, ce qui représente 0,9 % de l'économie canadienne. À moyen terme, nous prévoyons que le solde budgétaire atteindra un déficit de 9,4 milliards de dollars, soit 0,4 % du PIB, puisque les recettes excéderont la croissance du PIB et que l'État restreindra ses dépenses de fonctionnement. De plus, nous prévoyons que la dette fédérale baissera à 33,3 % du PIB en 2021, soit 1,5 point de pourcentage sous la cible officielle du gouvernement.
    Compte tenu des scénarios possibles quant aux perspectives économiques et en l'absence d'autres mesures stratégiques, il est peu probable que le budget soit équilibré ou excédentaire à moyen terme. Il est toutefois probable que le gouvernement respecte son engagement de ramener le ratio de la dette par rapport au PIB sous la barre des 31,8 %.
    Mes collègues et moi répondrons maintenant avec plaisir à vos questions, et je suis certain que vous en avez plusieurs au sujet de nos perspectives économiques et financières ou d'autres analyses effectuées par le Bureau du directeur parlementaire du budget.
    Monsieur le président, je vous remercie.
(1715)
    Merci beaucoup, monsieur Giroux.
    Comme nous n'aurons pas beaucoup de temps, nous allons faire des tours de cinq minutes.
    Monsieur Fragiskatos.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, merci d'être venu.
    Le rapport que vous venez de publier m'intéresse au plus haut point. Vous dites que les réductions fiscales consenties aux États-Unis n'auront pas de répercussions notables sur le climat d'investissement au Canada. Pouvez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet?
    En particulier, pouvez-vous nous dire comment vous en êtes arrivé à cette conclusion, parce qu'elle s'écarte des témoignages que nous avons entendus en comité dans le cadre de nos consultations prébudgétaires, tant ici à Ottawa que...? Je suis allé dans l'Est canadien et mes collègues sont allés dans l'Ouest. Je ne peux pas parler pour les gens de l'Ouest, mais je sais que c'était un thème récurrent et que tout le monde s'inquiète des allégements fiscaux accordés par M. Trump aux États-Unis. Selon vous, quelle incidence cette mesure aura-t-elle sur l'investissement au Canada?
    D'abord, je vous fais observer que les États-Unis ont réduit leurs taux d'imposition, mais qu'ils sont en train de les aligner sur ceux du Canada. Depuis plusieurs années, les taux d'imposition des sociétés aux États-Unis étaient beaucoup plus élevés que les taux canadiens.
    De plus, ces réductions fiscales sont temporaires. Elles seront progressivement abolies sur une période de cinq ans et, pour un économiste, cela n'a pas le même impact que des réductions fiscales permanentes. Les entreprises savent qu'une baisse des taux d'imposition est une mesure qui les incite à investir une partie de leurs recettes aux États-Unis. Une réduction temporaire n'a toutefois pas le même effet incitatif.
    J'ajouterais que les taux effectifs marginaux d'imposition sont l'un des nombreux facteurs qui influent sur les décisions des entreprises en matière d'investissement. Il y a aussi la disponibilité et la qualité de la main-d'oeuvre, les perspectives de profits évidemment, le climat macroéconomique ainsi que la certitude ou l'incertitude en matière de commerce. Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux facteurs, y compris les taux d'imposition, qui influent sur les décisions des entreprises.
    Compte tenu de tout cela, nous avons examiné les faits. Existe-t-il des indications laissant présager une éventuelle baisse de l'investissement dans l'économie canadienne? Nous avons examiné l'investissement direct étranger au Canada au cours du premier semestre et constaté qu'il était resté à peu près au même niveau que la moyenne des dernières années. De plus, la confiance des entreprises demeure positive au Canada, malgré le faible écart dans les taux d'imposition.
    Il faut également examiner les réductions fiscales dans leur perspective macroéconomique générale. Le Canada affiche un déficit de moins de 1 % du PIB, tandis qu'aux États-Unis, il est de plus de 3,5 %. Là-bas, le ratio de la dette par rapport au PIB ne cesse de croître et devrait atteindre les 100 % d'ici cinq ans, tandis qu'au Canada, il diminue. Tout cela laisse présager de nouvelles augmentations des taux d'imposition aux États-Unis, ou une réduction des dépenses, parce qu'il faudra éventuellement faire un compromis.
    Enfin, si vous me permettez de revenir aux témoignages entendus par le Comité, je parie qu'ils provenaient de propriétaires d'entreprises, de conseils de gens d'affaires ou du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Les propriétaires d'entreprises représentent leur secteur et ils ont probablement un intérêt direct à réclamer une baisse des taux d'imposition.
    J'apprécie votre objectivité, monsieur Giroux.
    Il me reste environ une minute, je vais donc vous poser la question suivante. Dans une opinion publiée il y a quelques mois, la Banque TD a fait savoir que si nous décidions d'imiter les États-Unis en réduisant considérablement nos taux d'imposition des sociétés, nous risquerions d'aggraver les niveaux d'endettement dans le futur. La Banque s'attend d'ailleurs à ce que la mesure décrétée par l'administration américaine pose des problèmes d'endettement aux États-Unis.
    Pensez-vous que le Canada s'exposerait à un danger semblable si nous procédions à une baisse importante des taux d'imposition des sociétés? Une telle mesure aurait-elle un impact aussi fort sur les niveaux d'endettement?
(1720)
    Pour répondre à cette question, je vais revenir au rapport sur la viabilité financière que j'ai publié le mois dernier, et qui fait un examen des finances fédérales sur un horizon de 75 ans. Je vous épargne les détails, mais le rapport conclut que si nous maintenons les politiques actuelles durant les 75 prochaines années — et il s'agit d'une projection, c'est donc un simple exercice —, il est démontré que le gouvernement fédéral aurait une marge de manoeuvre financière d'environ 29 milliards de dollars. Si le gouvernement décidait alors de réduire les taux d'imposition des entreprises, il jouirait quand même d'une viabilité financière à long terme, en l'absence de toute autre mesure stratégique ou de tout choc économique au cours des 75 prochaines années.
    Cela dit, nous savons que la situation ne demeurera pas statique pendant 75 ans. Cet exemple sert uniquement à démontrer quels gouvernements ou administrations sont aux prises avec problèmes fiscaux et lesquels ne subissent pas de pressions financières.
    Monsieur Richards.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence.
    Ma question porte sur les prétendus dividendes que la Société canadienne d'hypothèques et de logement verse dans les coffres du gouvernement, soit quelque 6 milliards au cours des deux ou trois dernières années. Ce que cela nous indique, en gros, c'est que les propriétaires de maisons versent des primes beaucoup plus élevées qu'elles devraient l'être et que le gouvernement empoche 6 milliards de dollars. Je suppose que cela s'apparente à un impôt, en quelque sorte.
    Je vous demande donc ce qu'il adviendrait de cet argent, de ces 6 milliards de dollars ou plus précisément de ces 5,7 milliards de dollars, s'il restait dans les poches des contribuables? Ne serait-il pas réinjecté dans l'économie au lieu de se retrouver dans les coffres du gouvernement?
    Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.
     Il est certain que si l'on réduisait les recettes d’une société d’État comme la SCHL et que l'on s'assurait que cet argent retourne aux personnes qui paient des primes, cela équivaudrait à une réduction d’impôt.
    Quel en serait l'impact? Si on retournait, disons, 5 milliards de dollars dans les poches des ménages, des entreprises ou des deux, cela donnerait un bon élan à l'économie. Évidemment, je n'ai pas quantifié cet impact, mais c’est quelque chose que nous pourrions calculer assez facilement.
    Vous dites que cela stimulerait l’économie. Il est donc fort probable que cela se traduirait aussi par une augmentation des recettes fiscales, non?
    Oui, probablement.
    Très bien.
    J'aimerais aborder la question des différences constatées dans les taux d'imposition des sociétés entre le Canada et les États-Unis. Votre rapport parle d'un manque à gagner moyen de 500 millions de dollars en recettes fiscales attribuable au fait que certaines entreprises déplacent leurs investissements du Canada vers les États-Unis. Selon vous, cette tendance ira-t-elle en s'accentuant? Quel impact cela aura-t-il sur l'économie?
    Nous pensons qu'il y aura effectivement des transferts de bénéfices, et le montant que vous avez mentionné est celui qui figure dans notre rapport. Cela représente environ 1 % du total annuel des rentrées d'impôt sur le revenu des sociétés. Cette estimation est fondée sur les politiques actuelles des États-Unis. Si les politiques américaines devenaient permanentes — un scénario que nous n'avons pas développé — ou si les entreprises croyaient qu'elles allaient être permanentes, il est probable que le transfert de bénéfices du Canada vers les États-Unis serait encore plus important.
    C’est quelque chose de difficile à calculer avec précision, mais il est certain qu'on verrait une augmentation des investissements perdus aux mains des États-Unis.
(1725)
    Dans la situation que vous décrivez, il est clair que de manière générale, les plus grandes entreprises sont les mieux placées pour exploiter ce genre de possibilités, transférer leurs profits, déplacer leurs activités de l'autre côté des frontières et ainsi de suite. De toute évidence, les petites entreprises ne sont pas en mesure de faire cela, du moins pas souvent et pas aussi facilement.
    Lorsqu'il existe ce genre d'écart entre, par exemple, les taux d'imposition des sociétés, diriez-vous que les différences au chapitre des politiques ont un effet disproportionné sur les petites entreprises?
    Il est tout à fait évident que les entreprises familiales n'auront aucun moyen de transférer leur revenu imposable d’un pays à l’autre. Dans la grande majorité des cas, les transferts de bénéfices auxquels nous nous attendons par suite des réductions d’impôt aux États-Unis seront l'oeuvre de multinationales qui exercent des activités dans les deux pays. Les petites et moyennes entreprises dont les activités sont concentrées au Canada n’auront pas la possibilité de transférer leur revenu imposable aux États-Unis.
    Pour répondre à votre question, est-ce que je crois que ces transferts de bénéfices profiteront de façon disproportionnée aux multinationales ou, autrement dit, que les petites entreprises n’en profiteront pas du tout? Oui, c’est ce que je crois.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Julian.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Giroux, pour beaucoup de Canadiens, vous, votre bureau et votre prédécesseur êtes de grands héros, et cela tient surtout au fait que le directeur parlementaire du budget mène une lutte intense pour obtenir de l’information auprès de l’Agence du revenu du Canada. C'est grâce à vous que nous pouvons avoir une bonne estimation de l’écart fiscal au Canada, de tous ces dollars qui disparaissent dans les paradis fiscaux à l’étranger et les échappatoires fiscales. Il aura fallu au directeur parlementaire du budget cinq ans de lutte acharnée pour enfin obtenir cette information. Le gouvernement précédent ne voulait pas laisser sortir l'information. Le gouvernement actuel non plus. Jusqu'à ce que le directeur parlementaire du budget finisse par déclarer: « Si vous refusez de nous donner cette information, nous allons vous traîner devant les tribunaux. »
    À l’époque, votre prédécesseur, M. Fréchette, avait indiqué que le temps nécessaire pour produire un rapport sur l’écart fiscal dépendait de la qualité de l’information que nous recevons. Honnêtement, je crois que ce rapport serait déterminant pour les prochaines élections fédérales, lorsque les Canadiens auront l’occasion d’examiner les programmes fiscaux de chacun des partis. M. Fréchette avait précisé que si l’Agence du revenu du Canada nous remettait des boîtes de dossiers en version papier, la création du rapport exigerait beaucoup plus de temps que si nous recevions des renseignements électroniques légitimes.
    Les Canadiens aimeraient connaître la qualité de l’information vous avez reçue de l’Agence du revenu du Canada ainsi que le délai que vous envisagez pour la production de cet important rapport. Beaucoup de Canadiens sont impatients de savoir quelles sommes le gouvernement fédéral perd aux mains des riches fraudeurs qui détournent l'argent vers des paradis fiscaux à l’étranger.
     C’est une question intéressante, compte tenu du combat que mon prédécesseur a mené avec l’Agence du revenu du Canada.
    Pour ce qui est de la qualité des données, mon bureau a reçu un premier lot en février et, contrairement à ce que les gens craignaient, nous n’avons pas reçu des boîtes et des boîtes de documents papier. Nous avons reçu des clés USB qui étaient sécurisées et protégées même si elles ne contenaient pas de données confidentielles sur les contribuables. Tout s'est fait de manière très sécurisée et nous avons obtenu beaucoup d’information.
    Après avoir examiné l'information reçue, il a été établi que nous avions besoin de données et de renseignements plus pointus de l’Agence du revenu du Canada et nous lui en avons fait la demande. Jusqu'à maintenant, l'Agence coopère pleinement pour nous fournir l'information qui nous sera utile pour déterminer le montant de l'écart fiscal.
    Des discussions sont toujours en cours avec l’Agence du revenu du Canada. Je ne sais pas si l'ARC possède toute l’information que les Canadiens veulent connaître au sujet de l’évasion fiscale internationale et de ceux qui sont plus susceptibles de recourir à de tels arrangements. C’est la raison pour laquelle nous sommes encore en pourparlers avec l’ARC, pour déterminer, d'une part, quels renseignements elle détient exactement et, d'autre part, lesquels de ces renseignements nous pourrons obtenir. Ce n’est pas un manque de collaboration de la part des fonctionnaires. Il s’agit plutôt de déterminer ce que l’ARC a effectivement. Voilà pour ce qui est de la qualité de l'information.
    En ce qui concerne le délai de production du rapport, nous pensons être en mesure de présenter une estimation de l’écart fiscal au printemps 2019 puisque, de façon intentionnelle, il s’étend sur un horizon temporel de trois mois. Si j'avais à parier, je miserais sur la fin plutôt que sur le début du printemps. Le problème, c'est qu'il est extrêmement difficile de chiffrer l’écart fiscal international.
    Quelqu'un m'a fait remarquer que c'est comme essayer de clouer du Jell-O au mur. Il ne s'agit pas seulement de tenter d'obtenir de l'information sur les impôts que le Canada perçoit sur le revenu des particuliers à l'étranger et sur les activités internationales, il faut également — et c'est ce qui est le plus difficile — obtenir de l’information sur le revenu imposable. Quelle partie est déclarée, quelle partie ne l'est pas. La partie non déclarée, celle qui est sous le radar, est très difficile à déterminer et à estimer. Ce n’est pas le cas uniquement au Canada, d’autres pays ont eu à relever les mêmes défis.
(1730)
    Sans compter les négociations et les discussions en cours, avez-vous tout ce qu'il vous faut pour aller de l’avant?
    Oui, en supposant que nous obtenions de l'ARC tout ce que nous nous attendons à obtenir — et l'Agence du revenu semble disposée à nous donner tout ce qu'il lui est possible de donner —, mais je vous reviendrai là-dessus une fois les discussions avec l'ARC terminées.

[Français]

     Voici ma dernière question, qui est à propos de la dette familiale.
    Nous avons parlé à des représentants de la Banque du Canada à ce sujet. La dette familiale est vraiment à un niveau incroyable. C'est difficile de prévoir comment les familles pourront se soulager de ce fardeau.
    Ce fardeau de dette que les familles ordinaires assument depuis plusieurs années vous inquiète-t-il?
    Oui.
    D'ailleurs, quand l'un des membres du Comité a demandé au gouverneur ce qui l'empêchait de dormir la nuit, je me suis demandé ce que je répondrais moi-même. Je dors très bien la nuit, mais une chose qui me préoccupe, parmi d'autres, est le taux d'endettement des ménages.
    Le taux d'endettement atteint un niveau très, très élevé, en dépit du fait que les taux d'intérêt sont bas. Cela continue à m'inquiéter, parce que les taux d'intérêt seront à la hausse, même si les prévisions indiquent que celle-ci sera quand même légère. Le gouverneur en a parlé plus tôt. On prévoit que le taux d'intérêt va se stabiliser autour de 3 %, ce qui fera en sorte d'augmenter le taux de service de la dette. Par conséquent, la partie du revenu disponible des ménages qui va au remboursement des dettes, y compris les intérêts et le capital, va passer d'environ 14 % à presque 16 %.
    Cette augmentation peut sembler petite, mais pour un ménage de la classe moyenne, cela peut facilement représenter en moyenne 1 200 $, 1 500 $ ou 2 000 $ par année, ce qui n'est pas négligeable. Comme vous le savez, les familles qui en sont au début de leur cycle de vie familiale prennent de grosses hypothèques et contractent des prêts auto. Pour elles, cela va donc être une augmentation plus importante que celle que je viens de mentionner.
    Oui, cela m'inquiète donc.

[Traduction]

     D’accord, nous allons devoir passer à M. Fergus.
    Avant de lui donner la parole, je vous rappelle que nous allons bientôt devoir nous arrêter pour aller voter. Il devait y avoir un seul vote, mais il y en aura quatre. Nous devons donc décider si nous reviendrons après cette série de questions. À 18 h 30, il y a une réunion de l’OTAN à laquelle je sais que les gens veulent voter. Il y a aussi une séance d’information sur la LFI à 19 heures pour tous les partis et tous les sénateurs.
     Je vous demanderais de réfléchir à ce que vous voulez faire. Nous pouvons nous arrêter là ou revenir pour quatre autres questions.
    La parole est à vous, monsieur Fergus.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Giroux. Je vous remercie de votre rapport.
    J'aimerais continuer sur la même lancée que M. Julian et parler de la dette des ménages canadiens. Vous avez dit que la chose qui vous empêche de dormir le soir n'était pas forcément la dette, mais plutôt notre capacité à rembourser cette dette.
    Quand j'étais jeune, mes parents devaient composer avec des taux d'intérêt de 12 ou 13 %. Quand j'ai acheté ma première maison, le taux d'intérêt dont était assortie ma première hypothèque d'une durée de cinq ans était d'environ 8 %. Maintenant, les taux sont autour de 3 %; c'est du jamais vu.
    Quelle est la capacité des ménages canadiens pour ce qui est de rembourser leurs dettes? La Banque du Canada a estimé que le taux directeur devait s'inscrire dans une fourchette qui va de 2,5 % à 3,5 %, mais si la partie du revenu des ménages qui va au remboursement des dettes dépassait 16 %, ce serait vraiment la goutte qui ferait déborder le vase, ne croyez-vous pas?
(1735)
    Pour répondre à cette question, il faut regarder la situation économique des ménages dans son ensemble. Au cours des années, il y a eu une diminution marquée des taux d'intérêt. Le gouverneur en a parlé et vous en parlez aussi. Je l'ai vécu aussi, non pas quand j'ai acheté ma maison, mais bien avant. Les taux d'intérêt étaient élevés.
    La baisse des taux d'intérêt a amélioré l'accès à la propriété. Le prix des maisons a alors commencé à augmenter. Lorsque les taux d'intérêt diminuent, le prix des maisons augmente. L'accès à la propriété est-il toutefois meilleur maintenant qu'il ne l'était il y a 20 ans? C'est difficile de répondre à cette question avec une certitude absolue.
    Nous constatons aujourd'hui certains effets: les taux d'intérêt sont faibles, mais le taux d'endettement des ménages est élevé. Quand je suis entré sur le marché du travail, il était très difficile de trouver un emploi. Maintenant, ma fille âgée de 19 ans dépose un ou deux CV et elle décroche immédiatement un emploi. L'accès à la propriété est un peu difficile à cause des prix élevés, le taux d'endettement des ménages est grand, mais le marché de l'emploi est très solide.
    Comme tout bon économiste pourrait le dire, il faut regarder d'un côté et de l'autre. Bien que l'endettement des ménages soit particulièrement inquiétant, surtout à l'aube d'une période d'augmentation des taux d'intérêt, le marché du travail est très solide. Cela me rend optimiste quant à la capacité des ménages à rembourser leurs dettes, si les taux d'intérêt augmentent comme nous le prévoyons. En tant qu'économistes, nous savons aussi que nous nous trompons souvent.
    Ce qui deviendrait inquiétant, c'est si les taux d'intérêt continuaient à augmenter et dépassaient les taux que nous prévoyons à moyen terme. Il pourrait alors y avoir des problèmes d'endettement excessif des ménages et d'incapacité à rembourser les dettes.
    Vos prédécesseurs ont tous sonné l'alarme au sujet du taux d'endettement des familles canadiennes. Ils ont dit que le taux d'endettement n'allait pas en diminuant. Selon votre rapport, le taux s'approche d'un plateau et il ralentira pour se stabiliser à 177 %.
    Pourriez-vous expliquer pourquoi vous en êtes arrivés à la conclusion que ce taux est en train de plafonner? Y a-t-il des indices permettant de dire que les Canadiens sont en train de rembourser leurs dettes de façon plus sérieuse que dans le passé?

[Traduction]

     Nos perspectives sur la stabilité relative du ratio de la dette au revenu des ménages pendant la période de projection s'appuient sur deux facteurs. D'un côté, la hausse des taux d’intérêt contribuera à ralentir les emprunts alors que de l'autre, la modération de la croissance économique s'accompagnera d'un ralentissement de la croissance du revenu. Ce sont vraiment les deux grands facteurs. À cela s'ajoute une diminution du taux de croissance des prix réels de l'immobilier.
    Je suis désolé, Greg, c'est tout le temps que nous avons.
    Avez-vous des questions brûlantes pour le directeur parlementaire du budget et sur lesquelles nous devons nous pencher? Comme il y aura quatre votes, nous ne serons sûrement pas de retour ici avant 18 h 30.
    Allez-y, Peter.
    Je propose que nous demandions au directeur parlementaire du budget de revenir une autre fois. Nous aurions beaucoup de questions à lui poser. M. Giroux et son bureau sont d’un secours inestimable pour les Canadiens, mais je ne suis pas sûr qu'il soit particulièrement aimable ou poli de notre part de le faire attendre 45 minutes ce soir.
    C’est une très bonne suggestion. Nous allons en rester là.
    Monsieur Giroux, en votre qualité de nouveau directeur parlementaire du budget, vous n’avez pas passé un trop mauvais moment. C’est un bon départ.
    Nous nous réunirons demain soir pour terminer notre étude sur le blanchiment d’argent.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU